Présentation (quatrième de
couverture)
«Plus tard, je me
souviendrai de la nuit d'encre de son regard.
Mais pour l'heure, en ce 1er juillet, l'impression s'estompe. Je suis happée tout entière par l'apparition qui, à l'autre bout de la piscine, vient de se matérialiser.
Celle de l'Arabe blond.»
Mais pour l'heure, en ce 1er juillet, l'impression s'estompe. Je suis happée tout entière par l'apparition qui, à l'autre bout de la piscine, vient de se matérialiser.
Celle de l'Arabe blond.»
Expatriée à Singapour
dans un condo chic peuplé de Français, Elsa voudrait commencer un nouveau livre
mais elle tourne en rond, écrasée par la chaleur et le désoeuvrement. Sa vie
change radicalement lorsque arrive Nessim, le nouveau Français de la résidence
qu'elle baptise «l'Arabe blond». Il devient son amant jusqu'à sa mort, deux
mois plus tard. Assassiné de plusieurs coups de couteau. Parce qu'elle était sa
maîtresse, Elsa devient vite aux yeux de tous la principale suspecte. Elle ne
doit son salut qu'à l'aide de Fely, sa maid philippine. Mais le prix à payer
sera élevé...
Mon avis
D’Elsa Marpeau j’avais lu Les
Yeux des morts, son premier roman paru à la Série Noire. J’en avais aimé
l’écriture mais pas le dénouement, qui lorgnait trop vers le thriller à mes
yeux. Du coup, lorsque son deuxième roman est sorti, je n’y ai pas prêté
attention, et j’aurais probablement fait la même chose pour L’Expatriée, sans le billet de Jean-Marc Laherrère. Lorsque je l’ai eu en mains, j’avais commencé un autre roman, mais
les premières pages de L’expatriée
m’ont happée, captivée, j’ai donc poursuivi ma lecture. Comme le dit Jean-Marc
Laherrère, ce n’est pas une lecture des plus agréables, c’est pourtant un roman
admirable.
C’est avant tout l’écriture qui m’a accrochée. L’impression d’être
saisie par une écriture singulière, par un regard sur le monde, dans un prologue
que je trouve superbe. Elsa Marpeau crée d’emblée une atmosphère et elle
instaure une tension narrative : on sait que ça finira mal, même si tout
reste très énigmatique. Plus encore : elle m’a scotchée jusqu’au bout,
elle m’a piégée, car comme nous ne sommes pas dans du thriller, elle ne nous
cache pas grand-chose, si ce n’est l’identité du meurtrier. Et le fait est,
elle m’a bernée, je n’ai pas vu venir le dévoilement final. Il reste bien des
zones d’ombre dans cette histoire, et c’est cela qui m’a plu. Bref, elle a
réussi à me captiver avec une histoire qui, a priori, ne me semble pas plus
fascinante que ça : ces épouses d’hommes relativement fortunés venus à
Singapour pour travailler, qui trompent leur ennui en faisant les vipères
autour d’une piscine dans leur résidence de luxe, je n’ai guère envie de les
plaindre, et Elsa Marpeau ne fait rien pour cela, elle ne ménage pas non plus
son héroïne, d’ailleurs. Le premier tour de force est là : intéresser avec
des personnages inintéressants et vains.
Le deuxième élément qui selon moi fait la force du roman est son
atmosphère. Je ne connais pas Singapour, mais la force de l’écriture d’Elsa
Marpeau fait que je ressens la chaleur et l’humidité, que je vois le végétal
s’emparer du béton, que je me représente les résidences luxueuses peuplées de
ces occidentaux, nouveaux petits colons roulant en voiture de luxe. Je ressens
l’ennui, la méchanceté, la bêtise de ces femmes (car elles sont désoeuvrées,
mauvaises, stupides).
Enfin, j’ai aimé l’évocation des rapports de domination : il y a
les rapports de classe, et cela ne se joue pas seulement entre les maids malaisiennes et leurs patronnes
occidentales, il y a aussi toutes les nuances de fortune chez les Occidentaux.
Surtout, le roman m’a parfois fait penser aux Bonnes de Genet, pour les rapports étranges qui se nouent entre
Elsa, l’héroïne, et sa bonne Fely: domination, fascination, inversion du
pouvoir, violence des rapports… C’est cela qui fait de la lecture de L’expatriée une expérience peu agréable,
mais c’est aussi un élément clé de la force du roman et c’est ce qui fait
d’Elsa Marpeau un auteur singulier, dont le rapport au corps (torturé,
supplicié, vivant et mouvant) se donnait déjà à lire dans Les Yeux des morts. Il n’y a d’ailleurs rien de gore dans son
univers, les références sont littéraires et picturales (Bataille, Vinci,
Bosch), mais le rapport au corps (malade, torturé, transformé) est fondamental.
Elsa Marpeau est une voix singulière du roman noir français. Ses romans
sont peu aimables, mais captivants, bluffants. Je ne sais pas si je vous ai
convaincus, je suis consciente que c’est une lecture peu réconfortante, mais le
roman vaut le détour.
Pour qui ?
Pour les amateurs de romans noirs sortant des sentiers battus.
Le mot de la fin
Entêtant.
Elsa Marpeau, L’expatriée,
Gallimard/Série Noire, 2013.
6 commentaires:
J'aime beaucoup quand tu évoques cet aspect du talent d'un romancier, qui consiste à "intéresser avec des personnages inintéressants et vains". Récemment, en rédigeant un billet sur un roman que j'avais (très) moyennement apprécié, je me suis dit que c'était peut-être lié au peu d'empathie que j'avais pour les personnages. Donc je l'ai mentionné. Mais je sais bien que je peux me passionner pour un roman sans trouver ses personnages passionnants, quand ça marche, ça marche, rien à faire de l'empathie !
Bref ;) !
J'ai lu ton billet avec intérêt. Pas (du tout) sûr que ce soit pour moi, ce roman, mais je note le nom de l'auteur dans un petit coin de ma mémoire et si je croise son chemin en bibli, j'irai au moins faire une incursion chez elle.
Il arrive que je déteste un roman parce que ses personnages me laissent froides, parce que je ne les comprends pas : ado, j'ai détesté Le rouge et le noir à cause de Julien Sorel, je ne le comprenais pas, il me tapait sur les nerfs (c'est te dire!). C'est pour ça aussi que le roman d'Elsa Marpeau m'épate. Ce n'est pas un roman plaisant, mais il m'a captivée, va comprendre!
Je n'ai pas fait de billet sur ce livre, mais j'aurai pourtant dû, car il mérite vraiment qu'on fasse parler de lui.
En gros, je suis d'accord avec toi en tout point : l'atmosphère, l'écriture, l'histoire pleine de zones d'ombre font de ce roman noir, un roman très noir et original.
Bref, je suis contente de voir que ce roman plaît aux amateurs du genre !
C'est vrai, c'est un roman original, qui ne va pas là où on l'attend!
Ca m'a l'air pas mal du tout. J'aime quand ce genre de roman surprend, c'est d'ailleurs un peu ce que j'en attend. Merci pour ce beau billet.
Merci :-)
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