mardi 11 novembre 2014

Hollywood Babylone de Kenneth Anger


Présentation (éditeur)
Livre d’une très grande originalité de propos et de facture, Hollywood Babylone présente toutes les caractéristiques de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler un « livre culte ». On pourrait même dire qu’il constitue un prototype du genre. Longtemps resté inédit dans les pays anglo-saxons, et d’abord publié — dans une version embryonnaire — par Jean-Jacques Pauvert à Paris, Hollywood Babylone invente, dès les années 1950, ce qui deviendra au cours des décennies suivantes l’approche « people », voire « trash », de la célébrité et du show-business.

Ce que j'en pense
C’est par un article des Inrocks, à la sortie du livre, que j’ai entendu parler de ce récit de Kenneth Anger, proclamé livre-culte. Le livre patientait depuis lors et ce n’est que ce mois-ci que je l’ai lu, ayant envie de quitter les rives de la fantasy urbaine que je fréquente ces temps-ci. C’est un curieux livre et aujourd’hui encore je me demande ce qui m’a poussée à le lire, car disons-le tout net, il y a dans ce récit une avalanche de faits divers trash concernant les stars hollywoodiennes du grand écran. On se sent un peu voyeur tout de même en lisant Hollywood Babylone et ce n’est pas très agréable… Pourtant, Anger ne fait que relayer la manière dont les médias de l’époque se sont emparés des frasques des stars, et le récit vaut bien mieux que la presse de bas étage qui est évoquée, surtout dans les deux premiers tiers du livre. Ce que Anger saisit, mine de rien, c’est la naissance du star system hollywoodien, la création de ce miroir aux alouettes qui s’empare de jeunes gens souvent mal préparés à être sous les feux des projecteurs, broyés par un système pourri jusqu’à l’os, imposant des cadences de travail qui font le bonheur des dealers de drogue, profitant sans vergogne des starlettes et même des vedettes féminines. Bref, Hollywood est bien un enfer de stupre et de luxure, une sorte de Moloch qui dévore ses créatures. Au-delà de cette mise en évidence, Anger retrace aussi l’évolution du système hollywoodien dans le contexte d’une Amérique puritaine qui va accoucher du code Hays, pour encadrer les productions cinématographiques et « moraliser » la production. Cet aspect-là est passionnant. Néanmoins, la fin du livre est plus faible, car Anger a écrit Hollywood Babylone en 1965 (repris en 1975 semble-t-il), et lorsqu’il aborde l’après-guerre, deux difficultés se dressent devant lui: la proximité avec les faits relatés - et quoi qu’on en pense, Anger n’est pas un charognard - et le manque de distance analytique. Mon intérêt a donc nettement faibli sur la fin. 
Au final, c’est une lecture intéressante, et qui offre des échos bien involontaires avec l’univers d’un James Ellroy ou d’une Megan Abbott, dans cette peinture des dessous sales de Hollywood. 


Kenneth Anger, Hollywood Babylone (Hollywood Babylone), Tristram, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Gwilym Tonnerre. Publication originale: 1965, 1975.

dimanche 2 novembre 2014

Rage de dents - Maeve Regan tome 1 de Marika Gallman


Présentation (édtiteur)
Avant, ma vie était simple : l'université si j'en avais envie, les hommes quand j'en avais envie.
Et je n'avais aucun problème qu'un barman ne puisse m'aider à résoudre. Mais là, depuis un moment, rien ne va plus. Le type sexy qui me draguait a rendu son déjeuner quand on a voulu concrétiser. J'ai cassé le nez du copain de ma meilleure amie, et elle ne l'a pas très bien pris. Lui non plus, d'ailleurs. Ensuite, je me suis mise à faire des cauchemars.
Et tout ça, c'était avant qu'une bande de vampires décide de redécorer mon appart et qu'un colosse me kidnappe.
Quand je vous dis que ce n'est pas ma semaine...


Ce que j'en pense
Il faut que j’avoue: je trouve depuis quelques temps déjà bien du plaisir à lire une littérature que je n’aurais considérée qu’avec mépris jadis. La bit-lit et autres avatars d’une fantasy urbaine ciblant un lectorat féminin me détend, pour peu que je fasse des choix judicieux dans une production variée et pléthorique. Je m’étonne moi-même d’en lire et surtout d’aimer en lire, et pour tout dire, j’ai encore un peu de mal à assumer ces  lectures de pur divertissement. 
Bref, j’en viens à Rage de dents, de la francophone Marika Gallman. Ce premier tome de la série des Maeve Regan me laisse une impression mitigée. J’aime le personnage de Maeve, très jeune femme libérée, avec un fort penchant pour les rencontres d’une nuit et l’alcool, et affligée d’une forte propension à la colère. Ce côté trash de l’héroïne m’a séduite. J’aime également l’humour de la série, même si certains passages sont un peu prévisibles en la matière. Je crois d’ailleurs que c’est une condition sine qua non pour que j’apprécie ce genre: il me faut de l’humour, de la dérision, sans quoi je risque de m’ennuyer. Les scènes de bagarre et autres affrontements sont assez jubilatoires, avec ce petit côté girl power qui n’est pas pour me déplaire: Maeve n’a peur de rien, surtout pas des machos et autres mâles enclins à frapper les femmes; cela donne quelques échanges réjouissants. D’une manière générale, j’aime dans cette littérature le point de vue féminin, que ce soit dans les rapports sociaux ou les scènes de sexe, et si stéréotypes il y a, ils sont différents de ceux que je lis sous des plumes masculines, c’est déjà ça. 
Qu’est-ce qui tempère mon enthousiasme? 
Comme je l’ai dit, l’humour est assez prévisible, et il manque à mon sens une certaine force à cet univers: ce qui me séduit terriblement dans les Charley Davidson, c’est la puissance comique des personnages, de Charley aux personnages les plus éphémères, et le comique de répétition (pas au sens strict du terme) qui se met en place de volume en volume; il y a chez Darynda Jones (comme chez Janet Evanovich dans un autre genre) une créativité folle et barzingue, qui me fait m’esclaffer. Mais je suis consciente que je n’ai lu que le premier volume de cette série et que je pourrai mieux juger de cette supposée fragilité ultérieurement. 
Autre défaut: une certaine faiblesse dans l’écriture. Quelques passages m’ont semblé terriblement mal écrits, des formulations m’ont fait dresser les cheveux sur la tête, et je ne peux accuser ici une traduction hâtive… Je n’ai jamais attendu de la bit-lit une recherche stylistique dont on se fiche ici, mais une belle écriture, ou tout au moins une écriture un peu plus ferme serait bienvenue. J’avoue avoir parfois grincé des dents à la lecture de certaines phrases… 
Je pense néanmoins lire le tome 2, pour me faire une idée plus juste. L’intrigue ne me donne pas d’impatience particulière, mais je veux savoir si mon impression évolue ou non. Mais je sais déjà que je vais me mettre en quête d’une autre série de bit-lit propre à assurer ma détente. 


Marika Gallman, Rage de dents, Maeve Regan tome 1, Milady, 2012. Disponible en ebook. 

jeudi 30 octobre 2014

Et rien d'autre de James Salter


Présentation (éditeur)
La Seconde Guerre mondiale touche à sa fin. À bord d’un porte-avions au large du Japon, Philip Bowman rentre aux États-Unis. Il a deux obsessions, qui l’accompagneront tout au long de sa vie : la littérature et la quête de l’amour. Embauché par un éditeur, il découvre ce milieu très fermé, fait de maisons indépendantes, et encore dirigées par ceux qui les ont fondées. Bowman s’y sent comme un poisson dans l’eau, et sa réussite s’avère aussi rapide qu’indiscutable. Reste l’amour, ou plutôt cette sorte d’idéal qu’il poursuit, et qui ne cesse de se dérober à lui. L’échec d’un premier mariage, l’éblouissement de la passion physique et le goût amer de la trahison sont quelques-uns des moments de cette chasse au bonheur dont l’issue demeure incertaine. 

Ce que j'en pense
Que dire sur ce roman qui a été l’un des plus remarqués de la rentrée? Je vais vous livrer mon ressenti de lectrice, plus que jamais. Je vais en tout cas faire de mon mieux, car des semaines se sont écoulées depuis ma lecture, survenue en plein creux du blog.
J’ai beaucoup aimé ce roman. Je n’avais jamais rien lu de Salter, auteur très réputé mais peu prolifique. Ai-je envie de me jeter sur ses autres livres? Non, curieusement.
Et rien d’autre a cette étrange caractéristique: son rythme est indolent, paresseux, alors que nous embrassons une vie riche et pleine, dans laquelle il se passe beaucoup de choses. Pour autant, je ne me suis pas ennuyée, ne vous méprenez pas sur ma remarque, mais James Salter peint une vie faite de soubresauts presque ordinaires, et ne cultive pas l’hystérie de certains romans… Car l’existence est faite de cela, d’évènements heureux et tragiques tour à tour, de rencontres et de ruptures, « et rien d’autre », c’est-à-dire que c’est à la fois énorme et anodin, son personnage est tissé de tout cela. 
Je ne saurais dire si j’ai aimé son personnage ou non. Salter ne travaille pas sur des effets spectaculaires d’identification, tout en restant au plus près de son protagoniste. Mais jamais il ne m’a irritée, jamais je ne me suis sentie à distance, plutôt « si loin, si proche ». 
On a beaucoup écrit dans la presse sur la capacité que Salter a, sans y toucher, de saisir une époque, ou les évolutions d’un pays et d’un milieu. Comme le milieu est l’édition, je comprends que les critiques y aient été sensibles, cependant je n’irais pas jusqu’à considérer que Salter en fait un sujet de premier plan. Je me trompe peut-être. 
La grande affaire dans cette existence, c’est l’amour, saisi là encore sans violons, sans larmes (de joie comme de tristesse), et c’est d’une beauté saisissante. Salter fait de cela quelque chose d’éminemment romanesque tout en évitant les habituels ressorts du roman en la matière. L’amour dans Et rien d’autre est fort mais il n’y a pas de vision romantique, c’est en cela que c’est bouleversant. 
Au final, James Salter saisit ce qui fait une existence, ses aléas, ses choix subis ou non, ses rencontres et ses tournants, le tout sans tambours ni trompettes. Je suis ressortie du roman songeuse, bouleversée, mais aussi apaisée. Une vie, c’est tout cela, ce n’est que cela. 

Quelques semaines après ma lecture, cependant, je repense peu à ce roman, que je ne pense pas relire. C’est déconcertant, au vu du plaisir que j’ai eu à accompagner Salter pendant quelques centaines de pages : Et rien d’autre ne sera sans doute pas un roman marquant pour moi…

James Salter, Et rien d'autre (All that is), Editions de l'Olivier, 2014. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville. Publication originale: 2013. Disponible en ebook.

mardi 28 octobre 2014

Ranger, dit-elle...

Source (non, ce n'est pas chez moi : j'adorerais, notez bien)

Une envie de bouger les bibliothèques pour gagner de la place dans le bureau, une envie de tri dans les bouquins qui se sont accumulés et qui ont parfois été rangés de manière hâtive et anarchique, voilà qui donne finalement un dimanche de rangement. 
Jeune, étant issue d’une famille où l’on ne lisait pas (mais où l’on m’a toujours acheté tous les bouquins que je voulais), j’étais heureuse d’accumuler les livres, et je me souviens de ma première bibliothèque, fabriquée par mon père dans un mauvais matériau. Les étagères n’ont pas tardé à ployer sous le poids, mais cela importait peu. J’étais fière de regarder mes premiers livres de poche de grande s’y accumuler peu à peu. 
L’apprentissage de la lecture a été un bonheur pour moi et l’amour des livres remonte à mes premiers balbutiements d’apprentie lectrice : je sais qu’au CP, j’emportais partout avec moi le livre de lecture (avec Mimi, Coco pour ceux à qui ça parle). J’ai dévoré tout ce qui me tombait sous la main, et je suis d’une époque et d’un milieu où ce penchant immodéré pour l’activité solitaire qu’est la lecture inquiétait quelque peu. Evidemment, je préférais déjà la compagnie d’un livre à celle de mes petits camarades… C'est toujours le cas. 
En 6ème, conseillée par une prof de français, j’ai découvert Agatha Christie. Je me suis mis en tête de devenir auteure de romans policiers, et j’ai même écrit au Masque pour savoir comment on se fait éditer : ils m’ont répondu très gentiment, sans doute amusés et touchés par cette demande d’une gamine de onze ans… Je donnerais cher pour avoir encore cette réponse, malheureusement perdue. 
En 4ème j’ai commencé à lire les classiques, comme mon premier Balzac, Eugénie Grandet, acheté dans une brocante en Livre de Poche, dans un état impeccable. Et j’ai découvert la littérature contemporaine : un oncle (ancien instit) m’a offert Lullaby de Le Clézio, et ça a été l’enchantement… Comme cette année-là Le Clézio faisait paraître Le chercheur d’or, j’ai cassé ma tirelire et acheté ce magnifique roman en grand format, dont je connais encore la première phrase : « Du plus loin que je me souvienne, j’ai entendu la mer. » Mais j'ai aussi acheté Quartier perdu de Patrick Modiano, qui m’a bouleversée et que je relis très souvent, comme vous le savez si vous suivez ce blog… J'ai commencé à lire la presse spécialisée, comme Les nouvelles littéraires.
Entre l’âge de 11 ans et de 30 ans, j’ai lu compulsivement (ce que je continue de faire) et surtout, j’ai acheté, acheté. Adolescente, je crois que tous les petits sous obtenus lors des anniversaires et des Noël y passaient, sans compter que mes parents, sans réserve, contribuaient financièrement à mes achats de livres avec générosité. Puis j’ai gagné ma vie et de quoi nourrir ma passion. Entrée dans la vie active de manière stable, j’ai investi dans l’achat de bibliothèques, qui sont près de moi au moment où j’écris ce billet. 

Et maintenant j’ai 42 ans. Je lis toujours autant, même si j’ai quasiment abandonné les classiques. Presque chaque pièce de la maison (certes petite) accueille des livres: à dire vrai, seule la salle de bains n’en contient pas. Garage, cuisine, couloir, aucun espace n’y échappe, nous sommes deux grands lecteurs dans cette petite maison… 
J’en ai déjà parlé, je suis passée au numérique. Cela me permet de limiter les achats de livres papier (hormis les BD), afin de juguler l’accumulation. Mais j’ai décidé aussi de faire un grand tri, occasion d’un rangement rigoureux qui n’a que trop tardé. 
Etape 1 : les classiques. Soyons lucide : les éditions de poche accumulées depuis les années 1980 ont vieilli, et la police est parfois microscopique. Le grand âge venant et mes problèmes de vue étant ce qu’ils sont suite à l’opération, je sais que je ne relirai pas ces éditions-là. Une bonne partie de ces classiques est disponible gratuitement en numérique (dans des éditions de qualité certes variable), de sorte que si je veux les relire un jour, ce ne sera certainement pas dans ces éditions. Vérification du stock disponible en numérique, et hop! à dégager, direction Emmaüs.
Etape 2: les romans contemporains (comprendre : parus après 1960). Premier principe de tri: ce que j’ai aimé, ce que je n’ai pas aimé; ce que je peux avoir envie de relire, ce que je ne relirai assurément pas. Second principe de tri: les polices microscopiques à bannir. J’ai été sans pitié. L’envie de bibliothèques moins chargées était trop forte. 
Etape 3: les doublons. Ce n’est pas un cas fréquent, mais il m’est arrivé, faute d’un rangement rigoureux, faute d’une mémoire impeccable, de racheter un bouquin que j’avais déjà, soit parce que je ne le trouvais plus (persuadée alors de l’avoir prêté), soit parce que j’avais oublié que je l’avais. Et puis il y a les bouquins présents en diverses éditions parce qu’à un moment de mes études, on m’a fait racheter une édition différente. 

Résultat : cinq grands sacs pleins de livres sont partis ou sont en partance chez Emmaüs. Pas de grand vide dans mes bibliothèques mais des rayonnages plus cohérents et une impression plus agréable à l’oeil. J’y ai passé presque tout mon dimanche et à un moment, alors que le sol était jonché de piles de livres, j’ai eu un grand moment de désespoir. Je trouve toujours qu’il y en a trop. Mais j’ai le sentiment d’avoir repris le contrôle de la situation et d’y voir clair. C’est déjà un grand pas. 
Et je me souviens de Pepe Carvalho dans les polars de Montalban: Pepe brûlant ses livres, voilà qui me choquait terriblement. Je le comprends désormais, même si mes motivations pour me débarrasser de mes livres n’ont rien à voir avec les siennes. 


Et vous, vous arrive-t-il de vous dire que vous avez trop de livres? Comment faites-vous pour ne pas vous laisser dépasser par la situation? 

dimanche 26 octobre 2014

Quatrième tombe au fond et Cinquième tombe au fond du tunnel de Darynda Jones


Présentation du tome 4 (éditeur)
Être faucheuse, c'est glauque. Charley a d'ailleurs pris quelques mois pour... se morfondre. Mais lorsqu'une femme vient frapper à sa porte convaincue qu'on essaie de la tuer, la jeune femme doit se relever. Dans le même temps, un pyromane s'attaque à Albuquerque et ses crimes pourraient avoir un rapport avec le très chaud Reyes Farrow, sorti de prison et de la vie de Charley depuis un moment. Il est grand temps pour la faucheuse de reprendre du poil de la bête !


Ce que j’en pense
J’ai déjà parlé de cette série de romans, qui pour moi remplace celle des Stephanie Plum de Janet Evanovich, au prix d’un déplacement générique puisque les Charley Davidson se classent dans ce que certains appellent la romance paranormale. Les romans de Darynda Jones sont pour moi une bulle de légèreté, une promesse de romanesque assumé, une bonne perfusion d’humour, et chaque lecture signifie désormais le retour à un univers dans lequel je me glisse avec délectation, avec ce qu’il faut d’inventivité à chaque volume pour que je ne m’ennuie jamais. Les quatrième et cinquième volumes m’ont enchantée, et j’ai hâte que soit publié chez Milady le sixième, avec la perspective d’un septième opus, qui sort en ce moment aux Etats-Unis. 
L’univers des personnages est désormais bien rôdé, et je me réjouis de retrouver l’oncle Obie, la fidèle Cookie et le ténébreux et sexy Reyes, aux côtés de notre héroïne déterminée, indépendante et… douée pour se jeter la tête la première dans les ennuis. Le quatrième volume contient son lot de révélations quant aux destinées de Reyes et Charley, et c’est passionnant. La relation entre ces deux-là est toujours aussi torride (âmes prudes s’abstenir), et le quatrième volume ajoute du sel en la personne d’un bad boy, Donovan, dangereuse tentation sur sa moto… C’est en cela que Charley me rappelle souvent le personnage de Janet Evanovich. 
Et puis il y a l’humour ravageur de cette série, qui se fonde sur l’univers des personnages mais qui se renouvelle aussi à chaque volume, car Darynda Jones s’y entend pour créer des situations inédites et loufoques. Cela n’empêche pas une tension narrative liée aux affaires de meurtres ou à l’histoire de Reyes. J’avoue que ces femmes mortes qui peuplent l’appartement de Charley dès le début du cinquième volume ont quelque chose de terrifiant pour peu qu’on essaie de visualiser… L’équilibre est réussi entre l’humour et le suspense, et c’est un délice. 
Alors bien sûr, cette série n’a d’autre but que de divertir son lecteur (sa lectrice?), et il n’est pas question ici de recherche formelle, d’écriture poétique ou que sais-je encore. C’est sûr, Darynda Jones n’aura pas de Nobel de littérature. Mais elle me fait oublier tout ce qui me pèse en cet automne, et ça, ça vaut tous les Nobel de littérature à mes yeux. Je ne bouderai pas mon plaisir, c’est une lecture régressive, confortable, d’une efficacité remarquable en termes d’immersion dans la fiction. Vivement le tome 6!

Darynda Jones, Quatrième tombe au fond (Fourth Grave Beneath my Feet), Charley Davidson tome 4, Milady, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Vadori. Publication originale: 2012.
Darynda Jones, Cinquième tombe au fond du tunnel (Fifth Grave Past the Light), Charley Davidson tome 5, Milady, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Vadori. Publication originale: 2013.


vendredi 24 octobre 2014

La malédiction du tigre (T01) de Coleen Houck


Présentation (éditeur)
Au cirque, Kelsey a trouvé un job d’été pas comme les autres : elle est chargée de s’occuper d’un majestueux tigre blanc. Très vite, elle s’attache à l’animal, et, lorsque le tigre est racheté pour être remis en liberté, on propose à Kelsey de voyager jusqu'en Inde pour s'occuper de l'animal ! Mais une fois au cœur de la jungle, Ren se métamorphose. Victime d'une malédiction vieille de 300 ans, le beau prince ne peut reprendre sa forme humaine que 24 minutes par jour. Kelsey est la seule à pouvoir lever la malédiction… et ses sentiments pour le jeune homme ne lui facilitent pas la tâche. C’est le début d’une quête incroyable qui envoie Kelsey, Ren et son frère Kishan dans les profondeurs de l’Inde, dans une lutte sans merci contre de puissants ennemis.

Ce que j’en pense
Je n’ai plus la moindre idée de ce qui m’a amenée à lire ce roman jeunesse. Peu importe, je sais en revanche que j’ai pris un grand plaisir à lire ce conte merveilleux sur fond d’aventures à la Indiana Jones, accessible dès 11-12 ans. L’héroîne, Kelsey, est orpheline, et vit dans une famille d’accueil; à la sortie du lycée, elle doit trouver un job d’été. La voici engagée dans un cirque de passage dans sa petite ville, afin de s’occuper des animaux et en particulier d’un très beau tigre blanc, avec qui elle ne tarde pas à nouer une relation étonnante… C’est que le tigre est en fait un prince indien, maudit comme il se doit. 
Tiré par les cheveux? Pas plus que dans un conte traditionnel. Nous ne tardons pas à embarquer pour l’Inde, et Coleen Houck joue avec les figures des mythologies anciennes, pour notre plus grand plaisir. 
J’ai aimé aussi que l’auteure ne joue pas inutilement avec mes nerfs : pas de retournement abrupt, pas d’affrontement terrifiant dans ce premier tome, mais du suspense, des rebondissements et de jolis personnages. J’ai passé un bon moment et je pense qu’il peut plaire à de jeunes lecteurs (11-13 ans) férus d’aventures et de merveilleux. Dire que c’est un roman inoubliable serait très exagéré, mais c’est une belle histoire, bien menée, et je pense que je lirai le tome 2 lorsqu’il paraîtra en novembre. 

Coleen Houck, La malédiction du tigre (Tiger’s Curse), tome 1, PKJ, 2014. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cécile Morand. Publication originale: 2011. Disponible en ebook. 


mercredi 22 octobre 2014

Le ratage de lecture du mois d'octobre


Cela faisait un moment que je voulais lire la série d'Anne B. Ragde autour des Neshov. En ce mois d'octobre, j'ai eu une envie de grande saga familiale, avec émotions fortes, romanesque affirmé, et dépaysement. Dans la perspective d'un (nouveau) déplacement en train, j'ai embarqué L'héritage impossible et j'ai commencé ma lecture... Et ce n'est que dans le dernier tiers que je me suis dit que la construction était étrange, qu'il y avait des allusions à des personnages que je comprenais mal, sans que ma compréhension soit toutefois entravée complètement. Profitant d'un rare moment de connexion internet sur le trajet, j'ai pianoté sur mon téléphone et... 
Ô MY GOD!
J'avais commencé la trilogie par le dernier tome!!!!!!!!!!!
En voilà un moyen de lire vite une trilogie! Car vous pensez bien que ce dernier tome est une sorte de méga-spoiler, je ne peux désormais être surprise par les premiers volumes.
Impossible de dire si j'ai aimé, encore que mon impression soit plutôt favorable, j'ai aimé les personnages....
Il faut que les éditeurs me mettent clairement sur la couverture "tome X", sinon ma pauvre tête de linotte peut faire ce genre d'erreurs.
Voilà voilà. C'était le ratage de lecture du mois d'octobre. 

Anne B. Ragde, L'héritage impossible, Balland, 2010. Traduit du norvégien par Jean Renaud. Disponible en 10/18.

mardi 21 octobre 2014

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier de Patrick Modiano

Présentation
Le narrateur est un écrivain aguerri et solitaire. Un mystérieux individu le contacte, car il a retrouvé son carnet d'adresses, mais dans ce carnet, un nom l'intéresse, celui de Guy Torstel. Un nom que le narrateur n'avait pas entendu depuis bien longtemps, et qui le ramène à une femme, Annie Astrand, surgie de son enfance. 

Ce que j'en pense
Que dire qui n’ait été dit sur le dernier Modiano? 
Avant toute chose, je me réjouis que Patrick Modiano se soit vu attribuer le Prix Nobel de Littérature 2014. Je sais qu’il n’en avait peut-être pas besoin, mais cela lui confère une visibilité nouvelle au niveau international, et basta. 
Cet été, j’ai lu son premier roman et je ne l’ai pas aimé. Pour autant, il me semblait inconcevable de ne pas lire Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, car j’attends toujours avec impatience le nouveau Modiano. 
C’est un roman complètement modianesque, et pourtant peut-être pas le plus facile pour qui voudrait découvrir l’auteur. En effet, Modiano y radicalise certains traits de son écriture, par une structure articulée à trois niveaux temporels (le narrateur enfant, le même en écrivain débutant, l’homme d’aujourd’hui), et surtout par un goût affirmé des portes ouvertes et pas refermées… Par cette métaphore consternante, je veux dire que ceux qui aiment les romans qui bouclent tout, qui ne laissent rien en suspens, qui donnent toutes les explications, en seront pour leurs frais. De Chantal et de Gilles nous ne saurons pas grand-chose pour finir, des mystérieux personnages qui ont peuplé l’enfance du narrateur non plus, d’Annie Astrand et des raisons qui la poussent à fuir encore moins. Le roman se construit sur des réminiscences, des vrais-faux hasards, des attentes déçues, des abandons inattendus. La mémoire fait défaut, elle déforme, reconstruit, surprend, on souhaite se souvenir autant qu’on le redoute, chez Modiano, et c’est toujours bouleversant. Je ne sais comment il parvient à créer des personnages aussi émouvants avec si peu de choses. 
J’ai terminé le roman sans m’en rendre compte, au bord du vide, et un curieux sourire aux lèvres, enchantée par ce nouvel opus. 


Patrick Modiano, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Gallimard, 2014. Disponible en ebook.

dimanche 19 octobre 2014

Les liens du sang de Thomas H. Cook


Présentation de l'éditeur
Petit avocat de province, David Sears a grandi sous l'autorité d'un père fou, surnommé le Vieux, et dans l'ombre de sa sœur, l'intellectuelle Diana, promise à un brillant avenir. Mais cette dernière a donné le jour à Jason, un garçon schizophrène dont le père, Mark, spécialiste de génétique, n'acceptera jamais la maladie. Lorsque cet enfant se noie, l'enfer ne fait que commencer. 
Diana refuse la thèse de l'accident et soupçonne Mark d'avoir poussé leurs fils à la mort. Elle adopte alors un comportement de plus en plus étrange, envoie à son frère des messages sur d'anciens crimes rituels et exhume de vieilles histoires sordides à seule fin d'étayer ses accusations. Quand elle finit par emmener dans son sillage la propre fille de David, la situation devient intenable. 
Tiraillé entre la volonté de défendre sa sœur, ses craintes sur sa santé mentale et les éléments troublants de l'enquête, David décide de faire à son tour la lumière sur la mort du jeune Jason, laissant les spectres du passé menacer l'existence tranquille qu'il s'était péniblement construite...


Ce que j'en pense
Après le choc des Feuilles mortesLes liens du sang m'ont déçue. La construction est classique mais efficace, une alternance entre des chapitres où le personnage principal parle (ou avoue) à un policier, et ceux qui, en flash-back, relatent les faits qui l'ont amené là. J'ai tout de suite été fascinée par les personnages et par l'atmosphère vénéneuse de l'intrigue. Une fois encore, Thomas H. Cook explore les liens familiaux, l'amour, la loyauté. C'est fort, c'est beau, c'est effrayant. 
Ma déception provient du dénouement, à mon sens insatisfaisant et, oserai-je le dire, facile. En refermant le roman, j'avais l'impression que l'auteur n'avait pas su comment se sortir de son histoire. La fin se veut surprenante et non-close, mais pour moi elle n'est qu'une pirouette. 
Pas de quoi hurler à la trahison, pas de quoi me détourner de l'auteur. 

C'est déjà ça!

Thomas H. Cook, Les liens du sang (The Cloud of Unknowing), Gallimard, 2009. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Clément Baude. Publication originale: 2007. Disponible en Folio Policier. Disponible en ebook. 

samedi 18 octobre 2014

Le dernier jardin (tomes 1, 2, 3) de Lauren DeStefano





Présentation (éditeur) du tome 1
L'humanité croyait son avenir assuré. La science avait créé des enfants parfaits, immunisés contre toutes les maladies. Mais qui pouvait imaginer le prix à payer ? Car désormais, personne ne survit au-delà de vingt-cinq ans. Le monde a changé. Pour les jeunes femmes, la liberté n'est plus qu'un souvenir. Au nom de la survie de l'espèce, elles sont kidnappées et contraintes à des mariages polygames. Rhine a seize ans. Quand elle se réveille dans une prison dorée, elle n'a qu'une idée en tête : fuir...



Ce que j’en pense
C’est avec une grande méfiance que j’ai abordé cette trilogie dystopique pour adolescents. Pour tout vous dire, quand j’avais vu les couvertures de ces romans (du premier tome, pour être précise), je m’étais demandé ce que pouvait être ce roman à la couverture si moche, que je trouvais même niaise. Puis j’ai compris que c’était une dystopie, et dans mon exploration de cette production, j’ai stocké, en attendant le bon moment. 
Eh bien vous savez quoi? J’AI A-DO-RE! 
Le dernier jardin n’a pas tout à fait la force de Hunger Games, dont j’aime le questionnement désabusé sur le pouvoir et sur ce qui motive nos actes (aussi courageux semblent-ils), mais il arrive juste derrière, sans hésitation.
Les personnages m’ont tout de suite séduite, de l’héroïne jusqu’aux affreux, sachant que le roman évite le manichéisme et le simplisme. L’intrigue pourrait faire craindre une ressemblance avec La sélection (que j’abhorre), mais pas du tout, elle permet la mise en place d’une réflexion sur nos affects, nos sentiments, sur l’empathie et la haine, sur le pardon et la vengeance… L’amour est présent, mais jamais il ne donne lieu à des niaiseries. 
La construction est parfaitement logique, comprenez par là que certains retours, certains retournements sont prévisibles, ou plutôt inévitables, et pourtant j’ai été surprise, captivée, jamais je ne me suis dit d’un air las « pff, évidemment… » 
Captivée, je l’ai été, au point que j’ai enchaîné les trois tomes, ce qui m’arrive très rarement. Pire encore, j’ai lu le tome 2 lors d’un trajet en train, et à mon arrivée, je me suis empressée d’acheter le tome 3, qui venait de paraître… C’était intenable, une urgence absolue! Le bonheur, quoi.
Un dernier point doit être souligné: c’est une trilogie dystopique d’une noirceur inouïe. Cela ne passe pas par des combats ultra-violents comme dans Hunger Games, mais on meurt beaucoup dans ces romans, et la violence n’est pas absente (le tome 2 est redoutable). Prostitution, meurtres, enlèvements, tortures médicales, on n’est pas au pays de Oui-oui, mieux vaut le savoir avant de le mettre dans les mains de lecteurs sensibles. Il me semble que c’est à réserver aux plus de 15 ans. Evidemment, ce n’est pas étranger à mon intérêt, j’aime que l’on n’esquive pas la noirceur humaine. 

Lauren DeStefano, Le dernier jardin:
Tome 1, Ephémère (Wither), Castelmore, 2011. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Tristan Lathière. Publication originale: 2011.
Tome 2, Fugitive, (Fever), Castelmore, 2012. T Publication originale: 2012.
Tome 2, Rupture (Sever), Castelmore, 2014. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marianne Durand. Publication originale: 2014.
Les trois volumes sont disponibles en ebook.


La bande-annonce du premier volume:


vendredi 17 octobre 2014

La maison des chagrins de Victor Del Arbol


Présentation (éditeur)
Une violoniste virtuose commande à un peintre brisé le portrait du magnat des finances qui a tué son fils. Elle veut déchiffrer sur son visage la marque de l’assassin. Pour cautériser ses propres blessures, elle ouvre grand la porte de la maison des chagrins dont personne ne sort indemne. Un thriller viscéral qui conduit chaque être vers ses confins les plus obscurs. 

Ce que j'en pense
Victor Del Arbol m'avait enthousiasmée avec La tristesse du samouraï, et j'abordais avec confiance La maison des chagrins. J'ai tout de suite aimé les personnages, aussi bien ceux qui sont affichés comme victimes que les présumés bourreaux. L'auteur s'y entend pour brosser un portrait en quelques pages, en quelques actes, et si les apparences cèdent parfois la place à une réalité plus complexe, l'impression première n'en est pour autant pas effacée. Les gens ne sont pas seulement ce qu'ils semblent être, c'est tout. 
La construction est d'une maîtrise remarquable. Jamais Del Arbol ne s'égare, tout se met peu à peu en place, et à mon sens, peu d'auteurs savent retomber sur leurs pieds avec autant de grâce après avoir mis en place un tel chœur de personnages englués dans des histoires qui se recoupent. 
Enfin, j'ai apprécié de ne pas lire une redite du précédent roman. Del Arbol délaisse les plaies de l'histoire espagnole, pour explorer les méandres de l'âme humaine, chez des êtres marques par leur histoire (qui rejoint notamment l'histoire tragique de l'Algérie) et par une soif de réparation, condition illusoire du deuil. 
Et pourtant... Pourtant je n'ai pas adhéré. J'ai été touchée par ces trajectoires brisées, mais deux choses m'ont gênée. La première est la somme de ces destins brisés. Quel regroupement d’éclopés! Personne n'est épargné, tout le monde ne connaît que l'horreur, certains ont connu brièvement le bonheur mais pour se le faire arracher avec une brutalité inouïe. Certes, c'est un roman noir, mon genre de prédilection, mais ce jusqu'au-boutisme dans la noirceur portée par les personnages m'a pesé. A chaque nouvelle révélation de vie fracassée, j'avais envie de crier grâce, n'en jetez plus.
La seconde est la perfection même de la structure. Chacun est mû, d'une manière ou d'une autre, par un besoin de réparation, je le disais, par une volonté de destruction aussi et chacun se retrouve le jouet de quelqu'un d'autre. Tout cela se met parfaitement en place, mais j'ai envie de dire, trop parfaitement. Chaque rouage en entraîne un autre, et au final, l'horlogerie est superbe mais peu crédible, l'intelligence de l'auteur me semble excessive et contrevient à mon sens à la vraisemblance. Il n'y a aucune place pour le hasard, et rien ne rate dans ces vies dédiées à la vengeance. J'exagère quelque peu mais c'est l'impression que j'ai eue. Le roman noir propose souvent un tragique lié à l'absurdité des actes, aux ratages et aux hasards ironiques. Tout est trop bien huilé ici. 
Par son intelligence écrasante, le roman m'a finalement laissée en dehors. Je suis allée au bout sans déplaisir mais sans enthousiasme. 
Ces grosses réserves mises à part, je pense néanmoins que Victor Del Arbol est un romancier de premier plan, et je continuerai à le suivre.

L'avis beaucoup plus positif de Jean-Marc Laherrère est ici


Victor Del Arbol, La maison des chagrins (Respirar pour la herida), Actes Sud/Actes Noirs, 2013. Traduit de l’espagnol par Claude Bleton. Publication originale: 2013. 

jeudi 16 octobre 2014

Disparition momentanée



Non, je n'ai pas abandonné le blog, mais il est vrai que le mois de septembre a été compliqué, pour diverses raisons. J'ai lu mais je n'ai trouvé ni le temps ni l'envie de chroniquer, et j'ai fréquenté vos blogs sans laisser beaucoup de commentaires...
Je vais revenir, sans aucun doute!

lundi 8 septembre 2014

Fatale de Cabanes et Manchette


Présentation (éditeur)
Aimée a tout pour plaire aux notables de Bléville : jeune, belle et veuve, elle s'intègre rapidement dans la sociabilité de cette ville de province rongée par l'habituel cocktail d'histoires de fesses et d'histoires de fric qu'on garde entre soi. Aimée observe. Elle attend la crise inévitable, celle qui finit toujours par éclater. Alors elle pourra enfin jouer franc jeu avec tous ces pourris, et les faire payer, dans tous les sens du terme. Car ce que personne ne sait, c'est qu'Aimée est une tueuse professionnelle…

Ce que j’en pense
Une nouvelle fois Cabanes s’attaque à l’oeuvre de Manchette (La Princesse du sang), aidé de Doug Headline (au passage, le fils de Jean-Patrick Manchette), pour nous livrer une adaptation graphique de Fatale. Alors c’est vrai, je suis dans une période un peu boulimique envers la bande dessinée, mais il faut que je vous dise: je suis fan de l’oeuvre de Jean-Patrick Manchette, et Fatale, paru en 1977, est un de mes romans préférés. A l’époque, Gallimard avait tenté une publication en grand format et hors collection policière, et l’illustration de couverture avait été confiée à Tardi, aux pinceaux pour le Griffu scénarisé par Manchette… Rien d’étonnant à ce que l’univers de Manchette ait été adapté, à plusieurs reprises, par le grand Tardi. 
Mais Cabanes n’a rien à lui envier. Si La Princesse du sang était une excellente bande dessinée, Fatale marque une montée en puissance. Côté scénario, rien à dire, c’est parfait, efficace, l’album reprend le récit sec et sans fioritures de Fatale, c’est du beau travail. Côté dessin, c’est d’une force et d’une beauté inouïe, rien de moins. Cabanes s’y entend pour rendre palpable l’atmosphère petite-bourgeoise de cette petite ville de province, son côté étriqué, tout le monde se connaît, surtout du côté des nantis et des bien-nés, et l’on sent tout de suite, comme Aimée, l’étouffoir des aspirations, le sacrifice au fric, les petits arrangements entre amis, la corruption absolue. Le modèle de Manchette était Poisonville, alias Personville, la cité gangrénée de Moisson rouge, de Dashiell Hammett, et Cabanes rend admirablement cela. La scène finale est somptueuse, nocturne et désolée à la fois, bien glauque…  Il faut saluer aussi la finesse de son trait quand il saisit les personnages, leur donne corps et âme tout à la fois. Appuyé sans être caricatural, son dessin vaut pour portrait d’une classe sociale. Et puis il y a les codes graphiques/visuels du noir, bien présents, dans des cases et des planches parfaitement maîtrisées, somptueuses, saisissantes, magnifiques. 
Je me suis régalée en lisant Fatale de Cabanes et Manchette. Bien sûr, si vous n’avez pas lu le roman de Jean-Patrick Manchette, foncez. Mais pour vous tous qui l’avez lu, lisez sans hésitation Fatale de Cabanes et Manchette, vous ne le regretterez pas. 
Sur le site de l’éditeur vous pourrez voir quelques planches.
Et Fatale, le roman, est évidemment disponible en Folio Policier.



Cabanes (dessin) et Manchette (d’après un roman de, avec le scénario de Doug Headline), Fatale,  Aire Libre, Dupuis, 2014.

jeudi 4 septembre 2014

Les péchés de nos pères de Lewis Shiner


Présentation (éditeur)
Lorsque Michael arrive à Durham, en Caroline du Nord, pour accompagner son père mourant, il ne connaît que très peu de choses de la ville. C'est pourtant le berceau de sa famille, ses parents y ont vécu jusqu'à ce qu'il vienne au monde, avant de s'installer au Texas. Et c'est là que Michael va faire une étrange découverte, relative à sa naissance. Ce n'est que l'un des nombreux secrets et non-dits familiaux, et tous semblent liés à la destruction, à la fin des années soixante, d'Hayti, le quartier noir de Durham. À l'époque, celle de la lutte pour les droits civiques, ce haut lieu de la culture afro-américaine, symbole de liberté dans une région confite dans ses vieilles valeurs conservatrices, a été endeuillé par un meurtre jamais élucidé. L'assassinat d'un homme, la mort d'un quartier, d'une culture, Michael n'aura d'autre choix que de faire toute la lumière sur ces événements afin de lever le voile sombre qui recouvre son identité. Il est loin de se douter qu'il va ainsi réveiller de vieux fantômes, initier de nouvelles tragédies et mettre sa vie en péril. C'est le début d'une course contre la montre, aux multiples retournements, à l'issue incertaine.

Ce que j’en pense
Alors voilà: Les péchés de nos pères aurait pu un très grand roman noir. Il est un bon roman noir, ce qui n’est pas si mal, me direz-vous. Oui, mais on n’est pas passés loin du très grand livre, alors c’est un peu rageant. Shiner met en place un personnage fort et attachant, englué dans les secrets familiaux, revenu sur les lieux de sa prime enfance pour voir mourir son père. Il ne se doute pas de ce qui l’attend… Shiner travaille avec une grosse documentation, et qu’il parle de la lutte pour les droits civiques et de la condition des Afro-américains dans le Sud, de la ville de Durham, de la bande dessinée ou du vaudou, il est précis et rigoureux, ce qui est essentiel dans un roman noir qui explore un tel sujet. C’est passionnant, jamais pesant, et glaçant. Il sait aussi explorer les rapports parents-enfants avec une grande finesse, offrant au lecteur de très beaux moments romanesques. Si la relation entre Robert et Michael est captivante, j’ai été bouleversée par la grande discussion entre Robert et son propre père, un des plus beaux moments du livre. La construction est impeccable, offrant successivement ou alternativement les points de vue de Michael, Robert et Ruth: cela fonctionne admirablement. Le roman est si solidement ancré dans la réalité socio-politique des Etats-Unis en matière d’(in)égalité raciale que le pire est toujours certain, comme il se doit dans un roman noir digne de ce nom.
Alors pourquoi n’est-ce pas, à mon sens, un très grand roman noir? Parce que Shiner est un grand sentimental et qu’il ne veut pas sombrer dans la tragédie complète… et que cela nuit à la vraisemblance du récit à mon sens. L’histoire entre Michael et Denise était déjà un peu trop fleur bleue à mon goût, mais du moins était-elle cohérente avec le récit. Mais la folle échappée de Michael lors de la manifestation (chut!) verse dans le thriller de mauvais aloi pour moi, et les fantômes resurgis du passé pour que tout finisse bien ont gâché le roman, sans que ce soit utile à mes yeux. Après m’avoir bluffée et secouée, Lewis Shiner a fait retomber le soufflé dans un bruit de ballon qui se dégonfle, et c’est frustrant.
Pour autant, recommanderais-je Les péchés de nos pères? Oui, car cela reste un bon roman noir, bien au-dessus du lot commun, et qui vaut la peine d'être découvert.


Lewis Shiner, Les péchés de nos pères (Black and White), Sonatine, 2011. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau. Publication originale: 2008. Disponible en ebook.

mardi 2 septembre 2014

La maison n'accepte pas l'échec de David Snug


David Snug a publié quelques planches (des strips) dans un magazine que la maisonnée fréquente assidûment, Noise et publie sur www.jaimepaslamusique.net. Il y a quelques semaines (quelques mois?), Snug a fait paraître un petit volume, un album au titre irrésistible: La maison n’accepte pas l’échec. C’est irrésistible! Evidemment c’est plus parlant si l’on s’intéresse au rock, aux concerts de rock, à l’univers de la bande dessinée (même s’il en est peu question). Certains trouveront le dessin un peu raide. Pourtant, son trait est évocateur et dénote un vrai sens graphique, avec de belles trouvailles (Kurt Cobain, très drôle, vous verrez), un découpage simple et un art du détail incongru. Les histoires courtes sont hilarantes: il y a un mélange d’observation féroce et d’humour caustique qui fait mouche, provoquant chez moi rien de moins que des fous rires… Il peint aussi sans concession une génération sacrifiée, vouée à la précarité et à la débrouille, sans oublier d’en rire. Bref, c’est drôle, féroce, justement observé… J’espère qu’il y aura un autre volume!



David Snug, La maison n’accepte pas l’échec, Les Enfants rouges, 2014.


dimanche 31 août 2014

Un bilan de fin d'été (août 2014)

Dessin de Quint Buchholz (source)

Un mois d’août plein de bandes dessinées, voilà ce que je retiendrai pour ce bilan. 
Côté romans, le deuxième volume des aventures de Nicolas Le Floch m’a plu mais je connaissais l’intrigue: L’homme au ventre de plomb de Jean-François Parot reste un plaisir de cet été, et sans impatience quant à la suite de la série, je sais que j’y reviendrai, à un moment ou à un autre. 
Ils désertent de Thierry Beinstingel a été une très belle découverte, en dépit d’une fin réconfortante  un peu irréaliste à mon goût… Mais voilà un auteur à suivre, dont un nouveau roman sort ces jours-ci je crois. 

Trosième tombe tout droit  de Darynda Jones a tenu ses promesses et plus encore, là je fais durer le plaisir alors que j’ai envie de me précipiter sur le volume suivant!
D. de Robert Harris m’a tenue en haleine: l’auteur est un bon faiseur, efficace, rien de plus et rien de moins. 
Pétronille d’Amélie Nothomb m’a fait rire : c’était mon premier Nothomb « non-japonais », j’avais quelque appréhension, et je me suis régalée…
Les péchés de nos pères de Lewis Shiner a failli être un très grand roman noir, il est un bon polar, dommage… Mais j’en recommande la lecture (billet à venir).


Enfin, seule lecture jeunesse de l’été, et en VO s’il vous plaît, We Were Liars de E. Lockhart m’a beaucoup plu, c’est un piège à lecteurs, j’y reviendrai sans doute.


Les bandes dessinées m’ont comblée, c’était un plaisir de renouer avec le 9ème art que j’ai un peu délaissé ces dernières années, et auquel je n’ai pas eu accès à cause de mes yeux pendant plusieurs mois. 
J’ai beaucoup aimé le trait de Virginia (tome 1) de Blary (le tome 2 m’attend mais à quelques centaines de kilomètres de chez moi, patience), et l’histoire, sans être pour le moment bouleversante d’originalité, a un côté Dans la brume électrique avec les morts confédérés qui n’est pas pour me déplaire… Autre tome 1 au dessin fort talentueux, Broadway, de Djieff dont j’ai déjà parlé, je lirai le tome 2, c’est certain. 

Côté manga, j’ai aimé Daisy. Lycéennes à Fukushima, T01, de Reiko Momochi, qui mêle délicatement les codes du shojo à des témoignages bouleversants sur l’après-tsunami. 

Enfin, dernière série inachevée, Les gens honnêtes de Durieux et Gibrat, à la fois sombre et enchanteur, un concentré d’humanité, mais damned, je croyais sottement que le tome 3, récemment paru, venait clore la série, et pas du tout, il y en aura un quatrième… 

La malle Sanderson de Götting est une petite merveille graphique et scénaristique, j’ai adoré découvrir cette bande dessinée (pas une parution récente). 

Et puis il y a eu des romans graphiques, également passionnants ou presque: oui, il y a eu la déception Lip. Des héros ordinaires de Galandon et Vidal… Mais il y a eu le formidable La vie sans mode d’emploi de Désirée et Alain Frappier, chronique attachante des années 1980, le très touchant Cet été-là signé par les deux Tamaki, une belle entrée dans l’adolescence racontée avec beaucoup de délicatesse, et Ainsi soit Benoîte Groult de Catel, regard fin sur une trajectoire de femme militante… 

  

Enfin, il y a eu La maison n’accepte pas l’échec, de David Snug, le petit album inattendu qui provoque (chez moi) des fous rires et que je relirai, forcément, juste pour rire encore… Celui-ci aura son billet, malgré mon retard…


J’oubliais : j’ai lu le premier épisode (issue 1) de The Fade Out de Ed Brubaker et Sean Phillips (Image), et waouh! outre que la couverture est d’une beauté renversante (je pense l’encadrer, c’est vous dire), le début du récit est accrocheur, très ellroyen et très film noir… J’ai hâte de lire la suite!



Vous le constatez, comme plusieurs d’entre vous, j’ai du mal à suivre le rythme d’écriture, je lis mais je rédige peu de billets, et comme le mois de septembre devrait voir les choses s’accélérer côté boulot, je ne suis pas certaine de tout chroniquer. 


Bon, c’est pas le tout, mais au moment où je rédige celui-ci, de billet, je dois passer à la librairie voir les nouveautés de la rentrée, notamment en BD. A plus tard, et bonnes lectures!

EDIT 1er septembre: hier dimanche 31 août, se sont ajoutés à la liste ci-dessus:
- un roman : Quiconque exerce ce métier stupide mérite ce qui lui arrive, de Christophe Donner 
- des albums: Lunes Vénitiennes de Vianello (bof); Mort au tsar. T01: Le gouverneur de Nury et Robin (formidable); Blue Note T01 de Mariolle et Bourgoin (fantastique). 

(oui monsieur, je me tais) Image trouvée ici.