samedi 17 novembre 2018

China Li, 1. Shanghaï de Maryse et J.-F. Charles


Présentation éditeur
Chine, les années 20. Li, sept ans, jouée et perdue par son oncle, est envoyée à Shanghai. Son nouveau maître, le cruel Zhang Xi Shun, est l’un des dirigeants de la triade « la Bande verte » qui domine la ville. La petite fille, affectée aux cuisines, est un jour accusée d’avoir volé du papier de riz et est traînée devant le maître. Découvrant chez cette créature chétive un don pour le dessin, l’homme, terrifiant mais raffiné, décide de la prendre sous sa protection.

Ce que j'en pense
Une nouvelle saga de Maryse et Jean-François Charles, ça attire toujours l'attention. Et quelle réussite! D'abord, le dessin, d'une beauté renversante, parfois pleine page, et de fait, on en prend plein les mirettes, de cette beauté, de cette délicatesse du trait, du travail sur les couleurs. Et la fluidité dans la narration graphique est tout aussi remarquable. Le récit est complexe, Shanghaï est une ville grouillante, cosmopolite, et jamais on ne s'égare, le dessin se fait tour à tour foisonnant et épuré, donnant à ressentir les atmosphères de façon saisissante. 

Complexe, le récit l'est par la période choisie et la situation géo-politique de la ville de Shanghaï, la concession internationale, la révolution qui se prépare, les méandres des alliances qui se jouent alors. Une fois de plus, Maryse et Jean-François Charles parviennent à être d'une grande clarté sans pesanteur didactique, et à mon sens, c'est un tour de force. 
Mais tout cela ne serait rien sans les personnages : ils sont nombreux, mais les deux protagonistes qui se détachent sont Li et Zhang. Le second, un eunuque très puissant et cruel, est aussi un père adoptif qui veille à l'éducation de Li. Li est une enfant perdue au jeu par son véritable père, violée dès son arrivée à Shanghaï, qui s'affirme d'emblée comme l'un de ces personnages féminins chers à nos deux auteurs. Chez eux, la peinture de la condition des femmes n'est jamais loin, et leurs albums mettent toujours en leur coeur des femmes dont on suit la destinée en même temps que celle d'un peuple, d'un pays. Cette articulation entre la sphère intime, individuelle, et l'Histoire est une grande réussite. 
Je pense que le récit va parcourir environ 80 ans d'Histoire chinoise, et j'ai hâte de lire la suite de l'histoire de Li... 

Maryse et J.-F. Charles, China Li, 1. Shanghaï, Casterman, 2018.

lundi 12 novembre 2018

3 minutes 7 secondes de Sébastien Raizer


Présentation éditeur 
Au crépuscule, le vol MU 729 a quitté Shanghai pour rejoindre Kyoto. Mais tandis que l’appareil survole la mer de Chine, un missile balistique nord-coréen prend le Boeing 777 pour cible. L’information est transmise au pilote. Dans quelques instants, l’appareil sera détruit. Aucune échappatoire.
À bord de l’avion, trois cent seize passagers vivent leurs derniers instants. Il ne leur reste que 3 minutes et 7 secondes pour savoir quel sens donner à ces ultimes moments.

Ce que j'en pense
Vous savez tout le bien que je pense de l'oeuvre de Sébastien Raizer, pour moi un des auteurs les plus intéressants aujourd'hui. J'attendais donc avec une folle impatience cette parution. Il s'agit d'une novella et le format est parfait pour le récit. Un vol en retard à cause de la surcharge de l'aéroport de Shangaï, un typhon qui amène le commandant de bord à changer légèrement de trajectoire, et un missile nord-coréen qui prend pour cible l'avion. 3 minutes 7 secondes avant l'impact. Tout est aligné pour que la tragédie survienne. C'est court, mais justement, tout peut commencer. Chacun des personnages (personnel, passagers) va apprendre l'imminence de la mort, inéluctable, et c'est comme un précipité de vie qui apparaît. Individuellement ou non, quel sens donner à une existence sur le point de s'achever? Comment finir ses jours, dans la folie ou une extrême lucidité? Certains basculent dans une folie salvatrice, d'autres cherchent à donner un sens qui transcenderait l'évènement pour aller vers l'Histoire, tous vivent intensément ces derniers instants. 
A la perfection du mouvement du missile vers l'avion répond la perfection de la construction de ce récit, sec, puissant et direct. Sébastien Raizer déjoue tout pathos, car là n'est pas le propos. Du chaos naît une autre forme de chaos, folie, démesure presque orgiaque, mais naissent aussi la perfection et la pureté d'un mouvement concentré vers l'issue fatale. Par moments on ne sait plus si on est dans le réel ou l'onirique et c'est très bien comme ça. 
Sur Quatre sans quatre, vous trouverez une très bonne chronique de ce livre, qui explicite des références que je ne maîtrise pas mais qui éclairent l'oeuvre. 
Passant de l'ampleur de L'alignement des équinoxes à la brièveté de 3 minutes 7 secondes, Sébastien Raizer confirme son talent, avec un récit d'une intensité rare, surprenant de bout en bout. 

Sébastien Raizer, 3 minutes 7 secondes, La manufacture de livres, 2018.

dimanche 11 novembre 2018

Alexandre Lenot, Ecorces vives


Présentation éditeur
C’est une région de montagnes et de forêts, dans un massif qu’on dit Central mais que les routes nationales semblent éviter. Un homme venu de loin incendie la ferme dans laquelle il espérait un jour voir jouer ses enfants, puis il disparaît dans les bois. La rumeur trouble bientôt l’hiver : un rôdeur hante les lieux et mettrait en péril l’ordre ancien du pays. Les gens du coin passent de la circonspection à la franche hostilité, à l’exception d’une jeune femme nouvellement arrivée, qui le recueille. Mais personne n’est le bienvenu s’il n’est pas né ici.

Ce que j'en pense

Retenir déjà ceci : c'est un premier roman. J'ignore si c'est toujours Manuel Tricoteaux qui est aux manettes d'Actes noirs, mais il faut en tout cas reconnaître à la collection un sacré talent de dénicheur de plumes françaises en matière de roman noir. 
Le roman nous plonge d'emblée dans un territoire dont on sent qu'il sera un personnage à part entière, fait de montagnes et de forêts, sauvage, dur et protecteur à la fois. Le roman alterne les points de vue par chapitres, s'ouvre sur celui d'Eli et se ferme sur celui de Louise. Toute la construction converge vers ce final éblouissant, dont je ne peux rien vous dire sans gâcher votre plaisir de lecture. Ce qui me frappe dans ce roman, c'est qu'il allie une atmosphère qui sera familière à tous ceux qui connaissent les campagnes - quel qu'en soit le paysage - dans ce mélange de vieilles rancoeurs, de haines solides, de peur de tout ce qui est étranger ; et une envolée dans quelque chose de hors norme, où les rôles changent (je pense en particulier à Jean et Patrick, et à Andrew), faisant de ce roman une fable puissante, sociale et politique, l'air de rien, sans pesanteur. 
Une autre force de ce roman, c'est de ne pas tout nous expliquer, en long, en large et en travers. Les personnages gardent une part de leur mystère, et c'est très bien comme ça. Qu'il s'agisse d'Eli, de Laurentin, de Louise, enfin tous, à vrai dire. Et chacun est fascinant, touchant, troublant. Ils sont chacun à leur manière marginaux, et donc menacés par la norme, par la majorité empêchée de tourner en rond par leur seule présence. Chacun est en fuite, d'une certaine façon, oui, même Laurentin. 
Enfin, l'écriture est magnifique, à la fois simple et poétique, puissante. Je vous livre le dernier paragraphe du roman, parce qu'il ne vous livre rien de ce qui se passe directement, et parce qu'il est renversant de beauté:
"Et nous, vieux capitaine, enfants déracinés, jeunes mourants, hommes endeuillés, femmes abandonnés, fils et filles du monde mécanisé, nous les exilés, tous nous sursautons d'un coup. On l'entend enfin, après des décennies de silence, timide peut-être, l'oeuvre d'un solitaire, d'un éclaireur, pas encore celui d'une meute, mais bel et bien là: le hurlement d'un loup."
Rien à ajouter que ceci : lisez Ecorces vives. 

Alexandre Lenot, Ecorces vives, Actes Sud (Actes noirs), 2018. 


samedi 10 novembre 2018

Lectures d'octobre 2018

On se rapproche, on se rapproche...

François Médeline, Tuer Jupiter, La manufacture de livres
Autre sensation de la rentrée, malin et fort. 

DOA, Lykaia, Gallimard
"Après avoir dévoré en un week-end le monumental (dans tous les sens du terme) Chainas, je viens de passer celui-ci en compagnie d'un autre très grand du roman noir à mes yeux, DOA. Je n'avais rien lu sur le roman avant d'entamer ma lecture (je savais juste qu'il évoquait l'univers du BDSM) et je n'ai rien lu/entendu en commençant ces lignes, ni chronique, ni critique, ni interview. Je veux rester saisie par ma lecture en toute subjectivité. 
Première remarque, la plus évidente: difficile de lâcher le bouquin quand on a plongé dedans. Lykaïa m'a happée tout de suite, et pourtant la scène d'ouverture est insoutenable. Mais la beauté de l'écriture est stupéfiante, une mélopée vénéneuse qui redonne tout son sens à l'expression les "fleurs du mal". Certes, il faut avoir le coeur bien accroché pour supporter certaines scènes: celle du début et celle de la fin (dans l'appartement vénitien) m'ont pétrifiée d'horreur et de dégoût. J'ai pensé à Bataille, plus qu'à Sade. Cependant, je n'ai jamais songé à poser définitivement le livre (juste le temps de remettre mon estomac à l'endroit). J'étais tombée dès le début sous le charme - même si le terme semble totalement niais ici - des protagonistes. Le roman alterne les points de vue de deux personnages : la Fille, qui ouvre le récit, dans une narration à la troisième personne, et le Loup, à la première personne. Je les ai aimés tous les deux d'emblée, et peut-être est-ce un contresens, mais j'ai lu Lykaïa comme une histoire d'amour entre ces deux-là, et cet amour est déchirant, bouleversant. 
DOA surprendra sans doute ceux qui l'ont découvert avec Pukhtu, mais j'y retrouve pourtant son univers. Est-ce un roman noir? A mes yeux, assurément. Pour ceux qui chercheraient des codes et des thématiques, regardez-bien: il y a bien déviance criminelle et même meurtre. Mais là n'est pas l'essence du roman noir, n'est-ce pas? Je ne sais pas si le cul est politique (pour moi, oui, d'ailleurs, everything is political, isn't it?), mais le roman et les trajectoires des personnages interrogent le rapport à l'autre, à soi, à la norme. Il y a dans Lykaïa une inquiétude sadienne. Sade n'était pas le chantre de la libération des pulsions, me semble-t-il (et encore moins de la révolution). Il exprimait une inquiétude fondamentale: qu'advient-il quand on libère les pulsions? Du sang, de la souffrance, de la mort, l'aliénation de l'autre et à l'autre. Oh! on en jouit, c'est vrai. Le Loup et la Fille ne peuvent bientôt plus se passer l'un de l'autre, leurs pratiques sexuelles, aussi consenties soient-elles, restent un rapport d'aliénation autant que de libération. Et puis il y a dans le roman ce jeu de masques, qui signifie tant. Le roman ne pouvait se terminer qu'à Venise, ville des masques, des faux-semblants et de la corruption, ville des touristes et des perches à selfie. Les adeptes du BDSM n'échappent pas à la mise en spectacle des corps et du sexe, le roman s'ouvre sur une performance et à Venise, on applaudit aussi une mise en scène sexuelle. On se regarde jouir, on se regarde souffrir. J'insiste sur la forme pronominale : il est peu question de voyeurisme dans le roman, plutôt du rapport à soi à travers l'autre. 
Le final de Lykaïa est tragique et somptueux, le Loup achève de se perdre, paradoxalement, dans une rédemption que l'on espérait un peu. 
En conclusion, si vous voulez être émoustillé ou frémir devant des scènes de cul hors norme, passez votre chemin : allez sur les sites dédiés à cela sur le net, ce sera plus dans le sujet, croyez-moi. Mais si vous voulez être bousculé, bouleversé par des personnages magnifiques et sidérée par une écriture somptueuse et jamais dans la recherche de l'effet, prenez le risque et lisez Lykaïa. 
Pour finir : mention spéciale à l'objet lui-même, somptueux écrin noir. Chapeau, Gallimard!"

André Héléna, Les flics ont toujours raison, Les salauds ont la vie dure, Le festival des macchabées, Le goût du sang, 10/18
Petite plongée dans les débuts du roman noir français. Héléna est avec Meckert/Amila et Malet le père du roman noir français. Si la misogynie est assez pénible, il faut lire le portrait sans concession de la France de l'Occupation que livre l'auteur. Un réquisoire contre la peine du mort dans Le goût du sang. Très bon...

David Lagercrantz, La fille qui rendait coup sur coup, Actes Sud, Actes Noirs
Pff... 

Joe Lansdale, Honky Tonk Samouraïs, Denoël
Du roman divertissant de grande qualité. Jubilatoire, on castagne, les dialogues claquent, fan forever...

Serge Quadruppani, Sur l'île de Lucifer, La Réserve sauvage
Moins fort que Loups solitaires mais bien plaisant, féroce et politique toujours, le nouveau Quadruppani, à lire!

Jacky Schwartzmann, Pension complète, Seuil 
"J'avais déjà ri avec Demain c'est loin, mais Pension complète est encore meilleur, à mon sens. Pas facile, la comédie noire, et en France, ils ne sont pas si nombreux à exceller dans ce registre. Pour moi, Jacky Schwartzmann est le meilleur, je ne trouve jamais le trait forcé (la recherche du bon mot à tout prix peut m'agacer très vite), et son humour n'est jamais condescendant, ce qui n'est pas facile. J'ai tout de suite aimé Dino et Lucienne, tout de suite cru en leur histoire d'amour, et si j'ai trouvé la peinture au vitriol du Luxembourg irrésistible, c'est quand le personnage arrive au camping que j'ai commencé à rire tout haut, et nom de Zeus ça fait du bien. Evidemment, les enfants des années 80 comme moi visualisent tout de suite Charles en Higgins, et l'image ne m'a plus lâchée. 
Comme dans le précédent opus, ça claque, ça fuse, l'auteur a le sens de la formule, comme dirait l'autre, et mine de rien, il égratigne au passage les travers de notre époque (le tourisme humanitaire, que j'ai ri!), la norme sociale. Mais il s'agit avant tout de s'amuser dans ce roman noir où "l'enfer, c'est les autres". Et Charles a sa manière bien à lui de surmonter cela.
Rythme parfait, rapidité, fluidité : j'ai lu le roman en une fois ou presque (j'avais lu les premières pages la nuit précédente), on ne s'ennuie pas une seconde et le dénouement, mazette! le dénouement... chut....
Voilà, c'est Pension complète de Jacky Schwartzmann, c'est au Seuil dans la collection Cadre Noir."

Gabrielle Filteau-Chiba, Encabanée, XYZ
Court roman qui fait un bien fou quand nos contemporains nous fatiguent, une réclusion volontaire, un retour à l'essentiel. Magnifique. 

Sylvain Kermici, Requiem pour Miranda, Les Arènes Equinox
Déconcertée par ce roman, très bien écrit, très bien mené, mais dont je ne saisis pas l'enjeu. Documenter le mal? Je partage complètement la perplexité de Jean-Marc Laherrère. 


Un petit ralentissement en septembre 2018

Nicole Krauss, Forêt obscure, Editions de l'Olivier
Roman de la rentrée littéraire. J'aime tous les romans de Nicole Krauss, et celui-ci m'a emmenée. 

Janet Evanovich, Y a pas 18 solutions, Fleuve Noir
Je ne me lasse pas de cette série de polars pour de rire, de sa galerie de personnages. Comme Darynda Jones, une récréation dont je n'ai même pas honte. 

Boris Quercia, Les rues de Santiago, Asphalte
Il patientait dans mon stock depuis sa sortie, imaginez... J'ai tant aimé que les deux autres patientent dans mon stock. 

David Lagercrantz, Ce qui ne me tue pas, Actes Sud, Actes Noirs
4ème tome de Millenium. Voilà, quoi. Pas une infamie, mais très très dispensable. 

Antoine Chainas, Empire des chimères, Gallimard Série noire. 
J'en ai dit le plus grand bien: "Chainas, à mes yeux, est l'un des plus grands auteurs (de noir) actuellement. Chaque nouveau roman prend en puissance par rapport au précédent, et Empire des chimères m'a un peu scié les pattes, sachant que Pur, il y a quelques années, m'avait déjà éblouie. 
J'avais dit que j'avais quelques réserves, je commence par là, puisqu'en réalité c'est UNE réserve, très ponctuelle. En commençant le roman je me suis dit "nom de zeus que ce type écrit bien!" Mais je dois dire que par instants, certes fugitifs, certains traits d'écriture m'ont paru un peu affectés. Mais foin de cette minuscule réserve, elle ne pèse rien par rapport au séisme qu'est le roman. J'ai commencé le roman vendredi soir et à la fin du week-end c'était plié. Etant donné que ce n'est pas exactement une novella, je le signale... Pas question de s'endormir sur le Chainas, impossible même.
Par quoi commencer pour expliquer ce que j'ai ressenti? Le roman a quelque chose d'insaisissable : il peint cette France des périphéries, ces lieux entre ville et campagne (mais plutôt campagne quand même), où un contrôle social s'exerce sans relâche. Il se lance sur la piste d'une disparition de fillette, sans ressembler ni de près ni de loin à ces thrillers (les "trileurs", spéciale dédicace à Stefanie Delestré) qui brillent sur les étals des libraires (j'ai rien contre, hein, m'insultez pas, c'est juste que je n'aime pas ça). Il évoque la guerre d'Algérie, ou non, attendez, les années 1980. Il bifurque vers une magouille immobilière tout en peignant l'univers des industries culturelles de masse. Il est tout cela et rien à la fois, rien de monolithique et pourtant tout est parfaitement cohérent. 
Et ce caractère protéiforme est servi par une construction redoutable. Nous suivons plusieurs personnages, parfois à des milliers de kilomètres, mais reliés malgré tout. Chacun a un point de vue, construit avec une précision qui nous les donne à voir, à ressentir, si je puis dire. Pour ma part, j'ai été touchée par Jérôme et Cindy plus que par les autres, mais chaque voix ou plutôt chaque point de vue est singulier. La construction virtuose mène à un dénouement qui laisse bouche bée, pas parce qu'il y aurait des retournements abracadabrants, mais parce qu'il confirme la maîtrise totale de l'auteur, sa capacité à nous accompagner jusqu'au bout sans jamais nous avoir égarés. 
La scène sacrificielle (chut!), par le feu, est l'une des plus puissantes qu'il m'ait été donné de lire depuis des siècles. J'ai retrouvé certains motifs habituels chez Chainas, notamment le rapport au corps, au corps souffrant, corps individuel et corps social. Et il y a ce recours au fantastique, ou bien est-ce de la science-fiction? Je ne sais pas. Roman noir, SF, fantastique, Empire des chimères est un roman total éblouissant. 
Maintenant vous faites ce que vous voulez, mais si j'étais vous, je saurais quoi lire."


Les lectures de l'été 2018

Il y a eu des lectures pour le boulot, d'autres liées à mes destinations de vacances... Du polar et du noir essentiellement. 

Giorgio Scerbanenco, Les enfants du massacre, Les Milanais tuent le samedi, Rivages Noir
L'un de mes auteurs préférés. Une relecture, dont l'émotion et la force restent intactes. Un très très grand, Scerbanenco. 

Stieg Larsson, Millenium (les trois tomes), Actes Sud, Actes noirs
A l'époque du phénomène, Millenium ne m'avait pas du tout séduite, trop thriller, pas assez noir. Il a fallu que je m'y remette pour le boulot et cette fois, j'ai abordé la trilogie différemment; comme un grand roman populaire, et pas comme un roman noir. Et ça m'a embarquée, grâce à Lisbeth Salander essentiellement, avatar XXIè siècle du Surhomme de la littérature populaire du XIXè siècle. 

William Boyle, Tout est brisé, Gallmeister
Pépite noire qui patientait depuis sa sortie dans mon stock, pur bonheur en même temps que déchirement. Du noir comme j'aime...

Nelly Arcan, Folle, Seuil
A travers le récit d'une rupture, un discours très fort sur l'aliénation féminine, qui prend une résonance particulière depuis le suicide de Nelly Arcan. Un choc, une révélation. 

Andrea G. Pinketts, Le vice de l'agneau, Le sens de la formule, Rivages Noir
Le deuxième était une relecture. Un bonheur inouï, mélange d'humour et de noirceur. J'adore!

Olivier Norek, Entre deux mondes, Michel Lafon
Excellent roman qui s'empare d'un scandale de nos sociétés européennes et plus largement occidentales. Aucun angélisme, aucun manichéisme, superbe. 

Fredric Brown, Martiens go home!, Denoël, Présence du futur
Relecture d'un roman qui a fait mes délices quand j'étais collégienne. J'avais oublié une bonne partie de l'histoire. Féroce, brillant. 

Simenon, Monsieur Gallet, décédé, Au rendez-vous des Terre-Neuvas, Le livre de poche
Simenon, encore et toujours, mais dans l'ordre, ai-je décidé. Je suis fan. 

Dror Mishani, Une disparition inquiétante, Seuil
Du polar israëlien, des personnages formidables, une intrigue sombre, j'ai beaucoup aimé. 
Le second volume patiente dans mon stock. 

Ryu Murakami, Miso Soup, Picquier
Fort, cruel, violent, dérangeant. TRES BIEN!

Petros Markaris, Le justicier d'Athènes, Seuil
J'aime Charitos, j'aime cette auto-dérision, l'acuité du regard. Le suivant est dans mon stock. 

Augustin Martinez, Monteperdido, Actes Sud, Actes Noirs
Dieu que j'ai aimé ce roman! A sa manière du rural noir, une atmosphère bien poisseuse, des personnages complexes et torturés, le portrait d'une communauté isolée. Magnifique. 




Lectures de juin 2018

Valentine Imhof, Par les rafales, Rouergue
Une belle claque que ce roman, dont j'écrivais alors : "Par les rafales de Valentine Imhof, bijou noir dont le personnage féminin est d'une puissance inouïe. Un roman brûlant, poétique et brut, avec un personnage somptueux, "ravagée" elle aussi, de bien des manières. Là aussi, il est question des violences faites aux femmes, du viol."

Louise Mey, Les ravagées, Fleuve Noir
Je disais: "en termes de polar, un roman bien ficelé, que j'ai lu en une journée, ce qui ne m'arrive pas souvent. Un polar de facture classique mais diablement malin, qui aborde avec des chiffres et des faits implacables la question des violences faites aux femmes (et aux hommes), qui pose des questions dérangeantes et salutaires, qui m'a embarquée avec des personnages que j'ai déjà très envie de retrouver dans le deuxième opus qui vient de sortir." J'ai acheté le deuxième mais je ne l'ai pas encore lu...

Anne Bourrel, L'invention de la neige, La manufacture de livres
La découverte du mois de juin, grâce aux Nuits noires d'Aubusson... 

Edouard Louis,  Qui a tué mon père, Seuil
Court récit, réconciliation avec le père par l'écriture, condamnation politique de nos gouvernants, de notre système. 

Darynda Jones, Douze tombes sans un os, Milady
Ma série de "paranormal romance" préférée, une récréation. J'assume. 

Xavier Boissel, Avant l'aube, 10/18
Un roman noir manchettien, une écriture ciselée, des atmosphères pesantes à souhait. Une réussite. 

Laurent Guillaume, Là où vivent les loups, Denoël
J'écrivais: "Il y a, une fois de plus, cette façon de camper des personnages, qu'il s'agisse des protagonistes qui portent l'enquête, Claire et Monet, ou des personnages secondaires, voire à l'arrière-plan. Que ce soit par les actions, les dialogues ou la narration, qui ne s'épuise pas en descriptions (heureusement), ils existent très vite, et on les aime ou on les déteste, selon les cas, mais ils EXISTENT. J'ai évidemment un faible pour Monet, par lequel l'auteur apporte une belle touche d'originalité à la figure du flic abîmé. Sa misanthropie apparente, son auto-dérision, son cynisme m'ont énormément plu. Les personnages féminins sont convaincants, touchants et forts. Il n'y a pas de pure victime, je veux dire par là que L. Guillaume ne victimise pas ses personnages de femmes, même si elles subissent la saloperie de certains personnages masculins. 
Autre point fort : je ne me suis pas ennuyée une seconde, et si j'ai mis 4 jours à lire le roman, c'est parce que la fatigue en avait décidé ainsi, et pas parce que je n'avais pas hâte de revenir au bouquin. J'avais hâte d'arriver à ce fichu week-end, histoire qu'on me foute la paix et que je puisse lire.
J'ai également beaucoup apprécié la peinture très western de ce coin de montagne. D'un côté, Laurent Guillaume mêle les codes du noir du western (d'ailleurs historiquement liés), et de l'autre, ou ce faisant, il livre une belle peinture de cette petite ville, entièrement dévolue à Chappaz. Y a des côtés Poisonville dans cette ville un peu fermée sur elle-même, où tout le monde connaît tout le monde, dans une ambiance toxique. L'air pur de la montagne vicié par la pourriture humaine, en somme. Du noir, quoi.
Bref, vous l'aurez compris, j'aime beaucoup Là où vivent les loups, du noir comme j'aime. Je ne sais pas si je reverrai Monet, j'aimerais bien..."

Claire Messud, La fille qui brûle, Gallimard
J'aime beaucoup Claire Messud et j'ai le souvenir d'une lecture agréable mais dont il ne m'est pas resté grand-chose...

Elizabeth Brundage, Dans les angles morts, Quai Voltaire
Un conseil de Franck Bouysse à l'occasion de Vins Noirs. Un roman magnifique, construction au cordeau, un livre sur les violences faites aux femmes...


Retour sur les lectures de mai 2018

Ouh là, c'est loin...
Mais allons-y, puisque c'est à ce moment-là que j'ai interrompu le blog pour poster sur FB.

Marin Ledun, Salut à toi, ô mon frère! Gallimard Série Noire
Chroniqué donc je ne m'attarde pas, mais j'en garde le souvenir d'un bonheur de lecture, pure jubilation. Marin Ledun quittait sa veine la plus sombre sans renoncer à son propos social et politique.

Patrick Pécherot, Hével, Gallimard Série Noire
Chroniqué aussi (la dernière chronique), du grand Pécherot, la guerre d'Algérie vue de France, un très beau roman.

Noah Hawley, Avant la chute, Gallimard Série Noire
J'avais aimé son précédent roman et j'ai adoré celui-ci. Une maîtrise totale de la construction, une capacité à créer des personnages forts, un talent pour vous empoigner et ne plus vous lâcher.

Wolf Haas, Quitter Zell, Rivages Noir
C'était l'occasion pour moi de découvrir cet auteur autrichien. J'ai le souvenir d'avoir aimé ce roman sans pour autant avoir l'impatience de découvrir les autres titres de la série.

Gilda Piersanti, Rouge abattoir et Vert Palatino, Le Passage
J'ai lu ces deux romans avec un immense plaisir. Ambiances, personnages, intrigues, tout m'a plu. Gilda Piersanti est désormais une romancière qui fait partie de mes auteurs préférés quand j'ai envie de lire une série, de me laisser emporter par un polar bien mené.

Franck Bouysse, Vagabond, La Manufacture de livres
Un court roman de Franck Bouysse, qui s'aventure ici en territoire urbain pour nous parler de solitude, de musique (le blues), avec une poésie qui me touche.

Difficile de dire quel roman j'ai préféré en ce mois de mai.
Top 3:
Franck Bouysse
Patrick Pécherot
Marin Ledun