mercredi 28 janvier 2015

Le jeu des titres

J'ai pris ce gif ici 


Je me suis livrée au "jeu des titres", dont j'ai repris l'idée à Aifelle

1) Décris-toi : Miss Alabama et ses petits secrets

2) Comment te sens-tu ?  Blast

3) Où vis-tu actuellement ?  Deuxième tombe sur la gauche

4) Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ?  Passage du désir

5) Ton moyen de transport préféré ?  Driven

6) Ton(ta) meilleur(e) ami(e) est ?  Charley Davidson

7) Toi et tes amis vous êtes  We were liars

8) Comment est le temps ?  A toute épreuve 

9) Quel est ton moment préféré de la journée ?  L’appel de la lune (Mercy Thompson 1)

10) Qu'est la vie pour toi ?  Où sont passés les grands jours?

11) Ta peur ?  Et rien d’autre

12) Quel est le conseil que tu as à donner ?  Te succomber

13) Pensée du jour :  La maison n’accepte pas l’échec

14) Comment aimerais-tu mourir ?  Sans âge

15) Les conditions actuelles de ton âme ?  Divergente


16) Ton rêve ?  Demain j’arrête


mardi 27 janvier 2015

Divergente 3 - Allégeance de Veronica Roth


Présentation 
Le règne des factions a laissé place à une nouvelle dictature. Tris et ses amis refusent de s'y soumettre. Ils doivent s'enfuir. Mais que trouveront-ils au-delà de la clôture ? Et si tout n'était que mensonge ?

Ce que j'en pense
J’ai enfin lu le troisième tome de Divergente, trilogie laissée de côté depuis des mois. Sans nul doute, c’était une erreur, pas tant parce que j’avais oublié les faits que parce que la dynamique de lecture était brisée. J’ai eu bien du mal à me replonger dans cet univers. Il faut le savoir pour nuancer mon avis, qui sans être négatif est très mitigé. 
Je commence par ma réserve: je ne retrouve pas dans ce dernier tome ce qui m’avait d’abord séduite, à savoir une héroïne dont les peurs étaient bien plus intéressantes que le courage ou l’audace. D’une manière générale, je n’ai pas réussi à vibrer pour les personnages, dont j’ai trouvé qu’ils s’étaient affadis dans ce dernier volume. Cette impression est peut-être liée à ma lecture longtemps interrompue. Au final, j’ai le sentiment que les personnages sont trop héroïsés, et que leur propre action ne soulève pas assez de questions en eux, sauf peut-être pour Quatre, mais je ne suis pas très convaincue, ou pas très intéressée.
Je poursuis par ce qui reste à mes yeux la qualité de ce dernier volume, mais je ne veux pas en dévoiler le dénouement… La fin est réussie, à la fois parce l’auteure taille dans la masse et ne fait pas de concession, et parce qu’elle ferme son univers. Je savais qu’il se passait quelque chose de terrible, puisqu’une jeune lectrice de mon entourage m’avait dit avoir été cueillie par la surprise et avait fini sa lecture en larmes… 
Globalement mon impression sur la trilogie est positive mais pas enthousiaste. Positive parce que c’est une dystopie intéressante qu’on peut recommander à nombre d’adolescents sans réserves. Pas enthousiaste parce qu’elle ne m’a pas plus émue que ça, parce que je ne lui trouve pas la force d’autres dystopies  jeunesse: je la place loin derrière Hunger Games et Le Dernier jardin
Je pense aussi avoir commis une autre erreur: j’ai vu le premier film tiré de Divergente peu avant cette lecture du troisième volume et je l’ai trouvé consternant. Le choix d’un vrai beau gosse pour jouer Quatre est pour moi une ineptie, et le film gomme presque tout ce qui fait de Tris une héroïne intéressante, tout en jouant la carte de l’héroïsation outrancière. Le film m’a tapé sur les nerfs et je ne peux exclure que cela ait influencé - négativement - ma lecture du volume trois, aussi curieux que ça puisse paraître. 


Veronica Roth, Divergente 3 - Allégeance (Allegiant), Nathan, 2014. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Delcourt. Parution originale : 2013.

dimanche 25 janvier 2015

Les étrangers sont nuls de Pierre Desproges, avec des illustrations d'Edika


Présentation
En 1980 et 1981, Pierre Desproges publie dans Charlie Hebdo une chronique, "Les étrangers sont nuls", dans laquelle il égratigne de nombreux pays, dans un mélange d'absurde et de satire bien sentie. Le recueil qui en a été tiré se clôt par "Les Français sont nuls", évidemment.

Ce que j'en pense
Enfant, je me souviens de La Minute de Monsieur Cyclopède, et je me souviens surtout que je n’y comprenais rien. Adolescente, en revanche, j’ai biberonné à l’humour de Pierre Desproges, dont je retiens deux choses qui le distinguent de beaucoup de ses confrères: le caractère extrêmement écrit et littéraire ; l’humour noir qui n’épargne personne. Lorsque je revois Desproges dans des apparitions à la télévision ou sur scène, je suis toujours stupéfaite par la puissance de son humour.  Je suis également persuadée qu’en ces temps où l’on ne peut se moquer de personne sans s’exposer au mieux à un procès, au pire à la mort, Desproges ne pourrait plus exercer son métier. 
J’ai donc relu Les étrangers sont nuls, ensemble de chroniques parues dans le premier Charlie Hebdo, et j’ai hurlé de rire, bluffée comme si je le découvrais par son humour, son talent d’écriture, sa manière d’asséner quelques bonnes gifles… 
C’est drôle, jamais gratuit, toujours ébouriffant, superbement écrit. Aujourd’hui chaque pays irait de sa petite protestation diplomatique, et ce n’est pas la récente réaction chinoise à la une de Fluide Glacial qui me fera penser le contraire. Je ne voudrais pas verser dans le « c’était mieux avant », mais franchement, nous vivons une drôle d’époque. En tout cas, je vais continuer à relire et à revoir Pierre Desproges, pour moi le plus grand, le meilleur humoriste de tous les temps, et je pèse mes mots. En tout cas, c’est mon préféré, et de très loin. 
L’édition référencée ci-dessous n’est pas la mienne (et donc pas celle dont vous voyez la couverture ci-dessus), mais celle que l’on trouve actuellement, toujours illustrée par Edika, évidemment!

Pour le plaisir, la dernière chronique, « Les Français », qui a aujourd'hui une résonance particulière. Il va de soi que je retirerai ce texte si l’éditeur ou les ayant droits de Pierre Desproges me le demandent.

"Le Français qui grattouille dans France-Soir-Figaro est nul.
Il a vu l'émission bruyante et pathétique que Polac a consacrée à la mort d'un hebdomadaire irrévérencieux.
Le journaliste de France-Soir-Figaro a trouvé cette émission ignoble, et répugnante, et odieuse, et son âme distinguée de chroniqueur des fœtus de Denise Fabre et des aventures du papa d'Iglesias s'est soulevée d'horreur en entendant des gros mots dans SA télé de SON salon pompeux. Et les poils de sa moquette ont frémi d'indignation sous cette avalanche de vulgarité, tellement inattendue à l'heure des Carpentier.

Le Français qui grattouille dans France-Soir-Figaro, le même qui fait sa « Une » du week-end sur les faux anus papaux, les courses de nains sur canassons ou Saint-Étienne-Moncuq, en accordant trois lignes par an aux enfants du monde qui crèvent de nos excès de foie gras, ce Français-là et ceux qui le lisent réservent les mots d'ignoble, d'odieux, de salace et d'immonde aux colères télévisuelles éthylico-suicidaires des gens qui ont inventé le seul nouveau journal en France depuis je suis partout. Le seul journal de France qui ne ressemble pas à France-Soir-Figaro.
Oui, le seul. Et ce n'est pas par hasard si ceux qui l'ont créé étaient aux premières loges pour participer à la seule émission de télé nouvelle en France depuis Louis-Philippe.

Les Français sont nuls. Pas tous. Pas mon crémier, qui veut voir la finale Le Pen-Marchais arbitrée par Polac à la salle Wagram, mais les Français coincés chafouins qui s'indignent parce qu'on a dit prout-prout-salope dans leur télé. Changez de chaîne, connards, c'est fait pour ça, les boutons. Quand vous voyez trois loubards tabasser une vieille à Strasbourg-Saint-Denis, vous regardez ailleurs. Eh bien, faites pareil quand il se passe vraiment quelque chose dans votre téléviseur. Regardez ailleurs. Regardez « Le grand échiquier ». C'est une émission où tout le monde s'aime, et Jean-Louis Barrault (qui fait très bien le cheval) congratule Jean Marais, qui l'embrasse, et qui congratule Silvia Monfort (qui fait très bien le cheval) et qui congratule Georges Descrières qui raconte quand Jouvet lui tirait l'oreille en disant : « Petit, tu iras loin. »

Ça va mal. Les Russes arrivent et je n'ai rien à me mettre, et Cavanna pointe à l'ANPE. C'est la fin du monde."


Pierre Desproges (auteur), Edika (illustrateur), Les étrangers sont nuls, Seuil, coll. Points, 2014.





jeudi 22 janvier 2015

Grossir le ciel de Franck Bouysse


Présentation (éditeur)
L abbé Pierre vient de mourir. Gus ne saurait dire pourquoi la nouvelle le remue de la sorte. Il ne l'avait pourtant jamais connu, cet homme-là, catholique de surcroît, alors que Gus est protestant. Mais sans savoir pourquoi, c'était un peu comme si l'abbé faisait partie de sa famille, et elle n'est pas bien grande, la famille de Gus. En fait, il n'en a plus vraiment, à part Abel et Mars. Mais qui aurait pu raisonnablement affirmer qu'un voisin et un chien représentaient une vraie famille ? Juste mieux que rien. C'est justement près de la ferme de son voisin Abel que Gus se poste en ce froid matin de janvier avec son calibre seize à canons superposés. Il a repéré du gibier. Mais au moment de tirer, un coup de feu. Abel sans doute a eu la même idée ? Non.
Longtemps après, Gus se dira qu'il n'aurait jamais dû baisser les yeux. Il y avait cette grosse tache dans la neige. Gus va rester immobile, incapable de comprendre. La neige se colore en rouge, au fur et à mesure de sa chute. Que s'est-il passé chez Abel ?

Ce que j'en pense
J’avais quelques réticences à lire Grossir le ciel de Franck Bouysse, car j’avais lu il y a fort longtemps L’entomologiste, qui contenait quelques moments de grâce mais n’avait pas réussi à me convaincre. J’avais depuis perdu la trace de cet auteur. Il aurait pourtant été dommage de passer à côté de Grossir le ciel, parce que c’est un roman noir superbe, fulgurant, bouleversant. 
Franck Bouysse construit deux personnages de taiseux, de ces hommes solitaires et sans gloire, dignes et solides, qui peuplent les campagnes les plus arides. On est loin de L’amour est dans le pré, ici, on est dans une nature hostile (en particulier en hiver), on exerce un travail difficile et exigeant, on affronte sa solitude sans se plaindre. C’est Gus que l’on suit de plus près, le plus jeune des deux, mais plus si jeune. Jamais on ne s’ennuie à le côtoyer dans ses champs pour réparer une clôture, abattre des arbres secs, ou bien à le voir se préparer un repas frugal devant la diffusion des obsèques de l’abbé Pierre. On croise Abel, on comprend que les deux familles ont entretenu une de ces haines campagnardes tenaces, fondées sur un secret qui au fond, n’a plus d’importance, et que Gus ignore d’ailleurs. Mais Franck Bouysse instille une tension narrative par d’autres moyens, par des événements minuscules mais pas anodins dans ce coin perdu des Cévennes. Il happe son lecteur tout de suite, et il est impossible de lâcher ce court roman. La montée en puissance est parfaitement maîtrisée. On en ressort pantelant, le coeur à l’envers, et c’est beau…
L’évocation de la nature est d’une puissance rare, du moins dans les romans noirs français. Tout est minéral dans ce paysage d’hiver, on ressent la morsure du froid, l’éblouissement de la neige, on perçoit l’isolement que cela suppose. 
Le tout est admirablement servi par une écriture sèche, sans fioritures, d’une efficacité redoutable. Cela ne nuit pas à l’émotion, bien au contraire, cette sobriété la renforce. Il se dégage de Grossir le ciel une immense poésie, à l’image de ce titre, magnifique, qui prend tout son sens dans les dernières pages. 

Franck Bouysse, Grossir le ciel, La Manufacture de Livres, 2014.

dimanche 18 janvier 2015

Aux animaux la guerre de Nicolas Mathieu


Présentation (éditeur)
Une usine qui ferme dans les Vosges, tout le monde s'en fout. Une centaine de types qui se retrouvent sur le carreau, chômage, RSA, le petit dernier qui n'ira pas en colo cet été, un ou deux reportages au 19/20 régional et puis basta. Sauf que les usines sont pleines de types dangereux qui n'ont plus rien à perdre. Comme Martel, le syndicaliste qui planque ses tatouages, ou Bruce, le bodybuilder sous stéroïdes. Des types qui ont du temps et la mauvaise idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds qui font la pluie et le beau temps entre Epinal et Nancy. Une fille, un Colt 45, la neige, à partir de là, tout s'enchaîne. 

Ce que j'en pense
Si vous cherchez un roman facile d’accès et immédiatement aimable, passez votre chemin. Aux animaux la guerre est un roman complexe, aux paysages arides, aux personnages bruts de décoffrage. Une fois le livre refermé, je me suis sentie admirative de la maîtrise de ce romancier, dont c’est le premier opus. Si je devais émettre une réserve, ce serait la suivante: le roman est si déconcertant dans sa construction que j’ai eu un peu de mal, pendant la première moitié, à me passionner pour l’histoire. Ne vous y trompez pas, il ne m’est jamais venu l’envie, ne serait-ce qu’une seconde, de laisser le livre de côté. Et heureusement, car j’ai la conviction qu’un auteur est né. 
Par quoi commencer pour vous convaincre de le lire? 
L’un des grands talents de Nicolas Mathieu est de faire exister, très rapidement, ses personnages, et pourtant, il nous en dit peu. Il peint cette humanité ordinaire d’une région française, les Vosges, mélange d’ouvriers dont l’usine est sur le point de fermer, salariés, petites frappes, prostituées, jeunes filles délurées. N’allez pas penser pour autant qu’il y a dans Aux animaux la guerre une vision glauque de ces gens, bien au contraire, l’auteur souligne, mine de rien, sans appuyer le trait, leur humanité. Juste pour le plaisir, j’évoquerai cette scène nocturne dans un bistro qui n’a l’air de rien, dans laquelle échouent trois ados, avec cette patronne et ce chauffeur de taxi, ce lien entre eux, et leur tendresse pour ces trois gosses qu’ils ne connaissent pas. Du plus mineur au plus important, chaque personnage est évoqué dans son humanité ou sa complexité, à part Bruce, sans doute, dont on connaît mal la jeunesse, et qui est trop stupide et cinglé pour émouvoir le lecteur. Il y a Martel, personnage peu aimable mais plus complexe qu’il n’en a l’air. Personnellement, j’ai tout de suite aimé Rita, directe, troublée, coriace: une autre scène qui la définit mieux qu’une longue et maladroite analyse psychologique est celle où elle court, au petit matin. 
Autre point fort du roman: sa construction, extraordinaire. Au début je me suis demandé où Nicolas Mathieu m’emmenait, avec son prologue algérien et la multiplicité des personnages, des regards, des intrigues, et surtout, l’enchevêtrement des niveaux temporels, qui ne s’encombre pas de précisions chronologiques: c’est au lecteur de démêler l’écheveau. L’intrigue se construit savamment, mais ce n’est jamais artificiel, les pièces du puzzle se mettent en place. Une seule certitude depuis le début : tout ça ne finira pas bien. Le final est aussi maîtrisé que le reste, et j’ai aimé cette fin sombre qui ne clôt pas tout, ou plutôt qui se refuse à conclure. 
Aux animaux la guerre est superbement écrit, et à la virtuosité de la construction fait écho une écriture sans effets, efficace, qui évoque avec une force inouïe la rudesse des Vosges. Le froid, la neige sont des éléments importants du roman, qui stoppent les plus déterminés, servent de linceul aux plus fragiles. 
Enfin, c’est un roman noir qui brosse le portrait de la province ouvrière, moribonde, perdue et condamnée à des expédients pas toujours reluisants. Ce n’est pas si fréquent dans le roman noir français, et d’autant plus remarquable. J’ai pensé à certains romans de Jean-Paul Demure. Pourtant Aux animaux la guerre est très différent. 
Voilà un premier roman très réussi, un auteur très prometteur, dans une collection - Actes Noirs - qui décidément n’en finit pas de me surprendre.

Ah et puis quand même, ce titre : superbe!


Nicolas Mathieu, Aux animaux la guerre, Actes Sud, Actes Noirs, 2014. Disponible en ebook.

jeudi 15 janvier 2015

Soumission de Michel Houellebecq


Présentation
Nous sommes en 2022, à la veille de l'élection présidentielle. Dans un pays à la classe politique discréditée, le Front National et les mouvances identitaires progressent inexorablement, mais un candidat va pourtant l'emporter, porté par les partis classiques désorientés par le FN: le Parti Musulman. La France bascule... François, quadragénaire et universitaire, observe tout cela…

Ce que j'en pense
Deux précisions s'imposent d'abord : 
- de Houellebecq je n'ai lu jusqu'ici que Extension du domaine de la lutte, il y a fort longtemps, et je me souviens être sortie de cette lecture convaincue par la qualité de l'oeuvre mais éprouvée par une vision anti-humaniste à la limite du soutenable pour moi.
- avant la date du 7 janvier, j'avais décidé de lire Soumission, agacée par certains jugements à l'emporte-pièce sur le roman, notamment de la part de gens qui n'avaient aucune intention de le lire. Je voulais en parler en connaissance de cause.

Bien entendu, les récents évènements déplacent un peu le regard, et le livre n'est pas de ceux qu'on peut juger à la seule aune de leurs qualités littéraires, à supposer d'ailleurs que cela puisse être séparé de toute réflexion sur le fond. Fond, forme, bla bla bla... Néanmoins, je me refuse à occulter cette dimension et à prendre le roman pour autre chose que ce qu'il est, c'est-à-dire une fiction littéraire qui jette un regard sur le monde et sur l'homme. 
Je n'ai ni aimé ni détesté le livre. J'en suis ressortie... en étant heureuse d'en être ressortie! 
Pourquoi? Mon impression n'est pas différente de celle que j'avais eue au sortir d'Extension du domaine de la lutte. Ce n'est pas un scoop, Houellebecq propose une vision anti-humaniste. Le plus dérangeant - et ce n'est pas dénué d'intérêt - dans Soumission est contenu dans le titre: l'homme n'est pas capable de gérer sa liberté, d'être responsable, il a besoin de cadres, d'un ordre "supérieur" pour organiser sa vie, donner un sens, une direction à son existence qui en elle-même, n'a pas de signification. Il est plus simple de se laisser porter, guider, que de réfléchir et d'en appeler au libre-arbitre. Il y a une scène édifiante dans le roman : un homme, musulman, semble éprouvé par ses responsabilités (le narrateur l'observe dans un train), accablé même ; en face de lui, ses deux très jeunes épouses, qui gloussent et se gavent de presse futile, délestées qu’elles sont de toute responsabilité dans leur soumission à l’époux. Qui est le plus heureux ?... (selon Houellebecq ou tout au moins son personnage)
A partir de là, Houellebecq ne peut que développer une vision propre à choquer le plus grand nombre, notamment dans les sphères intellectuelles qui les premières lisent son roman (critiques et autres). Suis-je moi-même choquée ? Non, en tout cas pas au point de vouer Houellebecq aux gémonies. Mais je ne peux partager une telle vision. C’est peut-être parce que j’appartiens à cette catégorie de l’humanité qui dans Soumission est plus qu’une autre désireuse de soumission, incapable de libre-arbitre: les femmes. Le roman est ouvertement misogyne, mais il est au point que c’en est pathétique. Bizarrement, cela m’atteint moins que dans des romans qui prétendent ne pas l’être et qui véhiculent en toute innocence des clichés sexistes.
C’est sur le même mode que le roman peut être lu comme islamophobe. Mais qu’on ne s’y trompe pas: de même que les femmes sont des représentantes puissance mille de cette humanité stupide et incapable de se vouloir libre, les musulmans profitent avant tout de l’incurie des classes politiques françaises et imposent leur vision politique à ceux qui n’en ont plus/pas. Pour le reste, je soupçonne que Houellebecq ne sait pas bien de quoi il parle, mais je ne suis moi-même pas très éclairée par le sujet: je constate tout au plus que si les musulmans qui prennent le pouvoir dans son roman ne sont pas des fanatiques tueurs, ils ne sont pas non plus les tenants d’un islamisme modéré, comme Houellebecq l’écrit pourtant.

Sur le plan littéraire, je suis très partagée. Houellebecq écrit bien, c’est entendu, et jamais le roman ne m’est tombé des mains, il est assez enlevé et pas ennuyeux. Toutefois, je ne lui ai pas trouvé de grandes qualités littéraires, et deux choses m’ont gênée: d’abord, l’ensemble est très linéaire, sans surprise (il faut dire que tout le monde y va de son spoiler!), ensuite face à un narrateur passif et en retrait, à l’image de ces pauvres humains qui s’en remettent à un ordre supérieur pour organiser leur vie, il y a de nombreux bavards, qui exposent en long, en large et en travers leurs analyses de l’évolution des choses. Vers le milieu du roman, j’ai trouvé que cela devenait pesant, comme s’il y avait dans Soumission une tentation de l’essai, et cela m’a dérangée. La scène du train que j’évoquais plus haut est bien plus saisissante que ces discours.


Au final, je pense que Houellebecq n’est pas Zemmour, mais que son roman fait écho à des peurs nauséabondes (et que ce soit son intention ou non n’est pas le problème). Pour le reste, ce n’est pas un grand roman, et qui n’a pas envie de le lire n’a qu’à pas le lire (liberté d’expression, please). Comme je ne crois pas un instant qu’un roman puisse changer les opinions des individus en profondeur, je ne vois pas l’intérêt de s’exciter outre mesure contre ce livre. Il n’y a rien de condamnable dans Soumission, me semble-t-il (je parle d’infraction à la loi), juste une vision outrée, provocante. Mais en lisant çà et là des critiques, je le croyais plus violent, virulent. Je ne regrette pas de l’avoir lu, j’ai pu me faire ma propre opinion: il est subversif philosophiquement et peu intéressant littérairement. Je l’oublierai assez vite, je crois.

Michel Houellebecq, Soumission, Grasset, 2015.

mercredi 7 janvier 2015

JE SUIS CHARLIE

Bien entendu, il n'y a aucun commentaire...
Je suis trop émue pour cela.
Je pense à ceux qui sont morts, à qui sont vivants et qui luttent pour le rester, à leurs proches.