samedi 28 décembre 2013

L'heure du bilan

Décembre a passé rapidement et je l’avoue, j’ai été complètement dévorée par le travail  et les déplacements qu’il a supposés. Dans un sens c’était une bonne chose car je n’ai pas vu arriver Noël, période que je n’aime guère, mais en même temps, j’en ressors épuisée, sans grande énergie. Travail accablant, déplacements, fatigue, tout cela explique mon silence inhabituel, à la fois sur ce blog et sur les vôtres, que j’ai pourtant fréquentés assidûment. J’espère repartir d’un bon pied en 2014.
Nous voici donc au terme de décembre et d’une année 2013 riche en lectures, dont je vais m’efforcer de faire le bilan, tout en gardant un œil sur 2014.
Difficile de choisir, parce que je ne veux pas faire un trop long billet. Par ailleurs, parce que je lis beaucoup plus de romans que je ne lis de bandes dessinées, ce sera déséquilibré. Tant pis ! Et puis je vais évoquer quelques « regrets », comprendre un ouvrage qui est dans ma PAL et qui ne patiente que trop, ou un ouvrage que j’aimerais acquérir mais dont l’achat est différé faute de temps et pour cause de PAL vertigineuse…
C’est parti !

Côté bande dessinée, peu de lectures cette année, même si depuis quelques semaines, je retrouve un grand appétit pour le 9ème art. Je vais donc retenir, un peu arbitrairement, un album qui a été un grand coup de cœur, et une exposition.
L’album, c’est le premier volume de La colère de Fantômas, par Olivier Bocquet et Julie Rocheleau, Les bois de justice

Dans la foulée, j’ai acheté les deux premiers volumes du Fantômas de Souvestre et Allain, réédités superbement par Robert Laffont/Bouquins, lu l’essai passionnant de Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux, vu les films de Louis Feuillade. L’effet Fantômas, en quelque sorte ! En tout cas, je pourrai bientôt lire le deuxième volume de la bande dessinée et j’en suis fort aise, cela me donnera l’occasion de relire le premier !
L’exposition, c’est celle qui est consacrée, au Musée de la Bande dessinée à Bruxelles, à l’immense Will Eisner : une quantité impressionnante d’originaux, de quoi mesurer l’importance du créateur du Spirit. L’exposition dure jusqu’en mars, je crois, pour ceux qui peuvent faire un tour à Bruxelles…




Côté jeunesse, nombre de lectures furent agréables mais j’en retiendrai avant tout la découvert des Ava, de Maïté Bernard. J’ai chroniqué le premier volume et je reviendrai sans tarder sur les volumes suivants. J’aime beaucoup ce personnage et je prends un grand plaisir à lire ses aventures. Je ne suis pas si souvent séduite par les séries jeunesse françaises, cela mérite donc d’être noté ! Maïté Bernard ne prend pas ses lecteurs pour des imbéciles, ne se sent pas obligée de leur délivrer un message moral ou bien-pensant, les intrigues sont bien ficelées et elle écrit bien.




Côté romans, comme je le disais, il est plus difficile de choisir, mais en faisant le bilan, je me rends compte que c’est le roman noir – ceux qui me connaissent ne s’en étonneront pas – qui m’a le plus fait vibrer. Tout de même, je rappelle à quel point la lecture de l’ouvrage de François Guérif m’a passionnée : Du polar. C’est déjà, pour moi, un ouvrage de référence.
Alors, puisqu’il faut choisir, en voici trois, qui m’ont bouleversée, émue, parfois fait rire : Les feuilles mortes de Thomas H. Cook, chroniqué récemment, parce que j’y repense souvent… Ma part d’ombre de James Ellroy, pour la même raison et parce qu’il y a la puissance de l’écriture d’Ellroy. Monsieur le commandant de Romain Slocombe que j’annexe un peu abusivement au roman noir (mais la vision du monde qui préside à ce récit est noire…), que j’ai trouvé d’une force peu commune. 



Ah la la ! Dur de choisir, parce que j’ai aussi découvert Victor Del Arbol, Carlos Salem, Noah Hawley, Frank Bill, Bill Gutentag, Ingrid Astier, Elsa Marpeau, Philipp Meyer, et aussi retrouvé Craig Johnson,  joe Lansdale…
Ce fut une belle année…

Des regrets ?
Je n’ai toujours pas lu Ils vivent la nuit de Dennis Lehane, ni le dernier Ken Bruen, ni le dernier tome du Protectorat de l’ombrelle de Gail Carriger, ni Mapuche de Caryl Ferey, ni le dernier Manotti, ni La Nuit de Jaccaud, et pire encore, je n’ai toujours pas acheté le dernier Antoine Chainas !

Des souhaits et des impatiences?
2014 nous apportera probablement un nouveau Craig Johnson, je sais que la Série noire va nous proposer un nouveau Frank Bill tandis que Rivages nous ramènera Wessel Ebersohn. De quoi être comblé. Et puis je voudrais réessayer de lire Deon Meyer, lire James Sallis, me rendre au Salon du Livre à Paris où je n'ai pas mis les pieds depuis des années. 
En janvier, donc, il y a aura le deuxième volume de La colère de Fantômas, mais il y aura aussi un nouveau roman de Donna Tartt, Le Chardonneret, dont j’ai tant aimé Le maître des illusions.
Bref, vivement 2014 !
Et pour vous alors, quels souhaits, quelles impatiences pour 2014?





dimanche 1 décembre 2013

November, november (un bilan)

Alors que les jours raccourcissent et que les températures ont chuté (un peu trop à mon goût pour une fin novembre mais c’est un autre sujet), il fait bon se pelotonner avec de bons livres… Novembre fut essentiellement polareux pour moi, même si ce n’est pas le roman noir à proprement parler qui a dominé.
Noir, assurément, Les Feuilles mortes de Thomas H. Cook, probablement mon coup de cœur de ce mois-ci, le roman qui m’a emportée, bouleversée, et auquel je repense.

Noir également, et je vous en parlerai dans un prochain billet, Flic ou caillera de Rachid Santaki, qui ne m’a pas totalement convaincue, sans que le livre soit en question (c’est plutôt une affaire de goûts).


Teinté de noir seulement, le roman policier de Françoise Guérin (billet à venir là aussi), Cherche jeunes filles à croquer, une jolie surprise pour moi : je n’en attendais rien et j’ai aimé, les personnages, l’intrigue, l’écriture, le ton.
Il y a également eu une incursion du côté du récit d’énigme avec un retour vers le début du 20ème siècle : j’ai savouré quelques enquêtes du père Brown, sous la plume de Chesterton, et c’était amusant de découvrir ce détective un peu atypique, au rebours des Sherlock Holmes et autres Rouletabille.
Deux lectures moins enthousiasmantes : le roman de L. C. Tyler, Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage, m’a amusée, mais pas emballée autant que je m’y attendais. Le roman de Cyril Legendre, Quitte ou double, ne me plaît guère, il rassemble quelques uns des travers du polar que je redoute le plus, sans me captiver le moins du monde. Il n’est pas certain que je ferai un billet, on verra.
Ma seule incursion hors du polar aura été C’est toi ma maman ? d’Alison Bechdel, roman graphique très intéressant mais que j’ai moins aimé que Fun Home.  

En dépit des déceptions (relatives et pas toutes aussi marquées les unes que les autres), c’est un bon mois ; j’ai eu plaisir à lire et c’est ce que j’en retiens. Et puis ce n’est pas tous les mois qu’on est enthousiasmé comme je l’ai été par Les Feuilles mortes. Rien que pour ça, novembre est un très bon cru de lecture !
PS : je vais essayer de rattraper mon retard dans la rédaction des billets, mais ces semaines-ci sont un peu chargées côté travail...

jeudi 21 novembre 2013

Ava préfère les fantômes de Maïté Bernard


Présentation
Ava doit passer quelques temps sur l’île de Jersey, chez son oncle, qui lui réserve un accueil un peu froid, occupé qu’il est à préparer une exposition importante : en effet, un trésor viking a été découvert sur l’île par une jeune femme. Mais alors qu’Ava commence à prendre ses repères à Jersey, la jeune femme en question, Billie, meurt, puis réapparaît aux yeux de la seule Ava, qui depuis ses trois ans possède un don insolite, celui de voir les fantômes. C’est pour l’adolescente le début d’une enquête passionnante et d’une série de rencontres avec des fantômes étonnants.

Mon avis
C’est après avoir lu Fantômes que j’ai lu Ava préfère les fantômes, premier opus d’une série pour la jeunesse écrite par Maïté Bernard : ma lecture a donc quelques mois, presque un an en fait. Au départ, je voulais attendre d’avoir lu le deuxième volume, dont la sortie était alors imminente, mais les mois ont passé, je suis passée à autre chose et ma lecture est restée sans billet. Aujourd’hui, il y a trois volumes et j’ai la ferme intention de ne pas tarder à lire Ava préfère se battre et La mort préfère Ava, puisque mes yeux me permettent enfin de revenir à des livres papier, en tout cas en grand format : il est donc temps que je vous parle d’Ava préfère les fantômes.
L’argument laisse entrevoir clairement le mélange de récit d’énigme et de fantastique qui caractérise ce roman. L’île de Jersey est un décor parfait pour ce mélange des genres : avec ses falaises, ses landes, son passé et ses demeures vénérables, Jersey se prête aux atmosphères fantastiques ; mais en tant qu’île anglo-normande, elle suggère aussi à merveille les ambiances so british des romans d’Agatha Christie, avec un côté « meurtre en chambre close » sur l’île que j’ai beaucoup aimé.
On pourrait craindre une espèce de Ghost Whisperer made in France (la série télévisée m’est assez sympathique, d’ailleurs) mais on est loin de l’hystérie de la série de John Gray, Dieu merci. Ava voit des fantômes, ce n’est pas chose facile à assumer mais il y a quelque chose d’apaisé dans ses rencontres avec les spectres, aussi inquiétants soient-ils parfois. Fantômes fraîchement passés de vie à trépas ou surgis du fond des âges, ils m’ont été sympathiques d’emblée, car ce sont plutôt les vivants qui sont dangereux ou tout simplement négligents.
J’ai donc beaucoup aimé l’harmonie entre fantastique et récit d’énigme, d’autant que le fantastique n’est jamais là pour pallier les manques de l’énigme : non, l’intrigue est bel et bien celle d’un récit policier, et le fantastique est un élément supplémentaire.
Ava est un bien joli personnage : jeune adolescente intelligente, solitaire, elle va peu à peu apprivoiser son don, ce qui confère à ce premier volume une dimension de roman d’apprentissage très réussie. J’ai très envie de la retrouver dans les volumes suivants, c’est une héroïne comme je les aime, loin des stéréotypes, indépendante.
J’ai passé un excellent moment avec Ava préfère les fantômes, et si vous goûtez les polars jeunesse menés par des héroïnes fines, intelligentes et malignes, vous aimerez Ava.

Pour qui ?
Je pense que les lecteurs de 11-12 ans peuvent lire Ava préfère les fantômes sans problème, puis il n’y a plus de limite d’âge !

Le mot de la fin
To be continued.


Maïté Bernard, Ava préfère les fantômes, Syros, 2012. Lu en e-book.

lundi 18 novembre 2013

Les feuilles mortes de Thomas H. Cook


Présentation (quatrième de couverture)
Eric Moore a toutes les raisons apparentes d'être heureux : propriétaire prospère d'un magasin de photos et d'une jolie maison dans une petite ville sans problème de la côte Est, il mène une vie de famille épanouie auprès de sa femme Meredith et de son fils Keith, un adolescent de quinze ans. Cet équilibre parfait va pourtant voler en éclats à jamais… Un soir comme les autres, ses voisins demandent à Keith de garder Amy, leur fille de huit ans. Au petit matin, Amy est introuvable. Très vite, l'attention de la police se porte sur Keith et ce dernier, pataud et mal dans sa peau, se défend maladroitement. Du jour au lendemain, Eric devient l'un de ces parents qu'il a vus, à la télévision, proclamer leur foi dans l'innocence de leur enfant. Alors que l'enquête de la police se recentre autour de Keith, Eric doit lui trouver un avocat et le protéger contre les soupçons croissants de la communauté. Mais est-il tout à fait sûr de l'innocence de son fils ?

Mon avis
Lorsque j’ai lu Le bon père, de Noah Hawley, Brize a attiré mon attention sur Les feuilles mortes, de Thomas H. Cook, chroniqué par Jean-Marc Laherrère, lequel m’a à son tour encouragée à le lire. C’est chose faite, et ma foi, je suis contente d’avoir suivi cette suggestion ! J’ai dévoré ce court roman, embarquée comme je le suis trop rarement ces derniers temps.
Dès le début nous savons que c’est un roman noir : aucune issue heureuse n’est à espérer, et pourtant Thomas H. Cook réussit à surprendre. J’avoue que j’avais pensé juste concernant un élément capital de l’histoire, car au détour d’une phrase, l’auteur donne un indice ; mais cela n’a aucune importance, d’abord parce que j’ai pensé à cela comme j’ai pu penser à d’autres choses, ensuite parce que dans le noir, je me fiche de connaître le dénouement (ce qui n’était de toute façon pas le cas, pas dans le détail). Et puis il y a un retournement de taille, un très beau retournement, qui n’enlève rien à la tragédie.
Surtout, Thomas H. Cook développe, comme le fait Noah Hawley dans Le bon père, un point de vue original, qui n’est pas celui de l’enquêteur, ni de la victime, ni du coupable. Tout est affaire de regard, et celui du père est d’une folle complexité, en même temps qu’il est une sorte d’accélérateur d’émotions extraordinaire pour le lecteur. Il n’y a rien de manichéen, rien de mièvre, Thomas H. Cook ne joue jamais avec le pathos, qui serait pourtant si facile sur un tel sujet. Le regard est sans concession quoique plein d’émotion.
La noirceur du regard concerne à la fois le comportement d’une petite communauté secouée par la disparition d’une enfant et la famille. Tel est le grand sujet des Feuilles mortes : les photos de famille qui affichent un bonheur parfait mentent. Secrets, mensonges, faux-semblants, soupçons, voilà ce qui anime les êtres et ravage l’amour qu’ils se portent. Les autres ne sont pas ceux que l’on croit et nos proches ne sont pas ce que l’on voudrait qu’ils soient. On sort de cette lecture secoué, bouleversé, et comme avec tout grand roman, la tête pleine de questions. Dire que c’est un chef-d’œuvre du roman noir serait peut-être exagéré mais assurément, c’est un magnifique roman. Merci à Brize et à Jean-Marc Laherrère de m’avoir donné envie de lire ce livre : je lirai sans aucun doute d’autres romans de Thomas H. Cook.

Le mot de la fin
Un somptueux « misérable petit tas de secrets ».


Thomas H. Cook, Les feuilles mortes (Red Leaves), Gallimard/Série noire, 2008. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laetitia Devaux. Réédité en Folio Policier. Lu en e-book. Publication originale : Harcourt, 2005.