mardi 30 janvier 2018

Résolutions? Quelles résolutions?


Bon, bon, bon...
Je sais, j'avais dit que je freinerais les achats de livres, de BD, et c'est vrai, je m'y suis tenue pendant presque tout le mois de janvier. J'ai pioché dans les stocks, vaillamment, et j'ai lu des choses formidables. 
Mais je suis faible, que voulez-vous. Faisons donc un point sur ma défaite. 

Côté BD, mon drame s'appelle Angoulême. Eh oui, j'ai fait un passage samedi au festival, et je vous jure que j'ai fait très attention, que je me suis retenue, sans quoi je serais revenue avec une dizaine d'albums. J'ai donc acheté le tome 3 d'Irena, Varso-vie, de Morvan, Tréfouël, Evrard et Walter, chez Glénat. Toujours chez Glénat, le deuxième volume de Docteur Radar de Bézian et Simsolo. Ce sont mes seuls achats dans le Monde des bulles, le chapiteau consacré aux poids lourds du secteur, pour moi irrespirable et assez pénible : je n'ai cherché nulle dédicace, le système des tickets (dont je conçois l'utilité) me hérisse, et les files sont un cauchemar. 
J'ai passé plus de temps dans le chapiteau Le Nouveau Monde et l'espace BD alternative, c'est là que vont mes principaux intérêts en ce moment. J'ai acheté Dans le noir, de Daria Bogdanska (Rackham), que j'ai fait dédicacer, tout simplement parce que la dessinatrice était là... C'est un album que j'avais feuilleté à Bruxelles et dont j'avais très envie. J'ai offert Les voyages de Tulipe de Sophie Guerrive (2024), merveille d'humour et de poésie, dont je vous reparlerai très vite. 
La BD appelant la BD, devraient rejoindre mon stock le Journal d'Italie de David B., tomes 1 et 2 (Delcourt), Exit Wounds de Rutu Modan (Actes Sud BD), et le tome 3 de Bouche d'ombre de Martinez et Begon (Casterman). 

Côté romans, c'est la débâcle, et ma foi, tant pis...
Ont donc rejoint mon stock : 
Ma ZAD de Jean-Bernard Pouy, déjà dévoré avec gourmandise et délectation...
LaRose de Louise Erdrich
Simple mortelle de Lilian Bathelot
115 de Benoît Séverac

Mais j'hésite encore sur 
Une vie comme les autres de Hanya Yanagihara
La Vespasienne de Sébastien Rutès
et ce ne sont là que deux titres qui me tentent particulièrement... 

Je suppose que je suis un cas désespéré. Mais je suis bien contente... 


dimanche 28 janvier 2018

Ma ZAD de Jean-Bernard Pouy


Présentation (éditeur)Camille Destroit, quadra, responsable des achats du rayon frais à l'hyper de Cassel, est interpellé lors de l'évacuation du site de Zavenghem, occupé par des activistes. À sa sortie de GAV, le hangar où il stockait des objets de récup destinés à ses potes zadistes n'est plus qu'un tas de ruines fumantes, son employeur le licencie, sa copine le quitte... et il se fait tabasser par des crânes rasés. Difficile d'avoir pire karma et de ne pas être tenté de se radicaliser! Heureusement, la jeune Claire est là qui, avec quelques compagnons de lutte, égaye le quotidien de Camille et lui redonne petit à petit l'envie de lutter contre cette famille de potentats locaux, ennemis désignés des zadistes, les Valter.

Ce que j'en penseC'est le grand retour de Jean-Bernard Pouy, et il est en forme! Il y a dans Ma ZAD tout ce qu'on aime chez lui : un sens aigu de l'époque, un mauvais esprit anar réjouissant au possible, une virtuosité de la langue et de l'écriture jubilatoire. Camille se laisse mener par le bout du nez par la belle Claire, sans être dupe, ça c'est pour le côté un peu classique de la trame : un personnage qui, au fond, accepte de tout perdre pour les yeux d'une belle esquintée au possible. Camille ne se laisse pas emmerder par les nervis de tout poil, par les pourritures nanties, par les tenants de tout pouvoir. Et puis Camille voyage, des Landes à Riga, et ça déménage. Ma ZAD est un roman noir, qui ne manque pas de pointer les aberrations industrielles, politiques, la capacité de résistance mais aussi les vues à court terme (salauds de zadistes qui empêchent la création d'emplois), l'impunité des puissants. La ZAD de Camille, c'est sa maison, c'est Claire. Mais Pouy a l'élégance de nous faire rire avec tout ça, et en ce qui me concerne, j'ai ri sans me soucier de la tête de ceux qui me voyaient rire dans le train (oui j'ai beaucoup pris le train ces deux jours). Il y a ce qu'on aime chez Pouy : les références à des romans noirs, des jeux de mots, des digressions en forme d'agacements (les "en fait", les valises à roulettes, qui me donnent des envies de meurtre sur les quais de gare et de métro), des dialogues qui claquent, et ce dernier chapitre, avec sa longue phrase de plusieurs pages, morceau de bravoure stylistique. C'est bon de voir Pouy revenir à la Série Noire. 

Jean-Bernard Pouy, Ma ZAD, Gallimard/Série Noire, 2018.

mardi 23 janvier 2018

Les premiers Maigret: Pietr le Letton et Le charretier de la Providence


Chose étonnante, je ne connaissais Maigret que par les adaptations qui avaient été faites de son univers. Je me souviens, enfant, de la série télé avec Jean Richard, une adaptation qu'à l'époque déjà je détestais. J. Richard me semblait trop vieux (l'était-il? pas sûr, j'étais une enfant), je le trouvais ridicule et pas très bon, et la transposition à l'époque contemporaine était étrange. Je n'en ai pas revu depuis, car dans les années 1990 est arrivé le Maigret "de" Bruno Crémer. Et alors que je n'avais jamais lu Maigret, il me semblait être le bon Maigret, le seul, l'unique. Après deux lectures, je vois ce que Crémer apporte, ou plutôt ce qu'il enlève, le côté teigneux du commissaire. Mais je confirme qu'il livre une incarnation très réussie. Je ne parlerai pas de la récente adaptation britannique: je ne suis pas convaincue par Atkinson (non son jeu mais son incarnation même), encore moins par la reconstitution des décors... J'ai vu aussi des films avec Jean Gabin dans le rôle de Maigret, mais la personnalité de Gabin me semble trop fortement imprimée sur celle de son personnage. Peut-être changerai-je d'avis en le revoyant après la lecture de plusieurs Simenon. 
Mais je reviens à Simenon, donc. Des Maigret, il y a en a à la maison, et comme une panne de lecture me guettait, j'avais besoin d'un roman court. Pourquoi pas Maigret? J'ai donc pris le premier volume, Pietr le Letton. Et je ne m'attendais pas à autant aimer... Je découvre le personnage sous la plume de Simenon, je retrouve sa placidité, sa présence physique très imposante, sa façon de se couler dans un milieu pour observer, comprendre. C'est déjà bien, mais il y a plus. J'aime l'écriture de Simenon, sans fioritures, presque behaviouriste par moments, sa façon de poser des personnages très rapidement, de leur donner chair par des gestes, des mouvements, des paroles. J'ai été surprise de la rapidité de l'action, de son côté captivant. Je suppose que j'attendais quelque chose de plus lent, mais en fait, Simenon a un sens du rythme remarquable. J'ai enchaîné très vite avec Le charretier de la Providence, aussi déchirant et addictif. Difficile de lâcher ces deux romans, en tout cas... Et puis même si je connaissais nombre d'intrigues via les épisodes avec Crémer, je ne m'attendais pas à tant de noirceur, de tragique, et ça me plaît énormément. Il y a l'empathie de Maigret, et il y a la force des intrigues, de ce qu'elles charrient d'humain. Ces deux premiers volumes ont en commun d'explorer les conséquences tragiques de liens indéfectibles, d'amour et de dépit, et c'est très beau. Me voilà conquise en tout cas, et ravie. J'ai dans la foulée de mes lectures regardé quelques vidéos où Simenon parle de son personnage, de son écriture, et si je ne peux bien sûr préjuger de l'homme, l'homme public en tout cas me plaît par sa modestie et sa simplicité. Je pense que je lirai d'autres romans de l'auteur, hors de la série des Maigret, mais pour le moment je suis bien avec le commissaire. 

Simenon, Pietr le Letton, Le Livre de Poche, 2003. Publication originale: 1931.
Simenon, Le charretier de la Providence, Le Livre de Poche, 2003. Publication originale: 1931.

samedi 20 janvier 2018

Ma PAL BD


Une fin d'année à Bruxelles, un possible passage à Angoulême pendant le Festival fin janvier, voilà de quoi me donner envie d'acheter et de lire des BD... Il y a quelques sorties que j'attends avec impatience, des albums et romans graphiques qui me font envie (sorties récentes ou non), mais avant de faire des folies, j'ai eu envie de faire le point sur les BD que j'ai en stock et que je n'ai pas lues, sachant que certaines appelleront d'autres achats (volumes suivants pas encore acquis). 

J'ai donc rajouté une page PAL BD à ce blog, manière pour moi de me rappeler à l'ordre... 

mercredi 17 janvier 2018

Une saison de nuits de Joan Didion


Présentation (éditeur)Près d’un demi-siècle avant L’Année de la pensée magique, une jeune femme faisait ses débuts sur la scène littéraire américaine. Joan Didion n’a pas trente ans lorsque paraît en 1963 Run River, premier roman et premier jalon d’une œuvre immense à venir, dont il annonce déjà, à bien des égards, les thèmes, la couleur et l’écriture si particulière. À première vue, c’est une histoire presque banale : Everett McClellan tue l’amant de sa femme, Lily. Aux mains de n’importe quel écrivain, on aurait affaire, au choix, à une bluette sentimentale ou à un roman policier des plus ordinaires. Mais l’auteur du Bleu de la nuit n’est pas n’importe qui ; chez elle, cette trame domestique et dramatique sert un propos ô combien plus ambitieux. Derrière l’analyse des tromperies et des faux-semblants de la vie de couple, il s’agit pour elle de démonter méthodiquement les ressorts et les conséquences d’un assassinat d’une tout autre nature : celui des illusions qu’une certaine Amérique aura nourries pendant plusieurs décennies, depuis l’époque des grands pionniers californiens dont Everett et Lily sont les ultimes descendants, jusqu’à l’aube des années 1960, qui sous la plume acérée et visionnaire de Didion s’apparente plutôt à un crépuscule : la fin du Rêve Américain.

Ce que j'en pense
C'est après avoir vu le documentaire diffusé sur Netflix, Joan Didion, le centre ne tiendra pas, que je me suis décidée à lire cette figure importante des lettres américaines. Mon choix s'est porté sur le premier roman de l'autrice. J'ai eu un début difficile, je dois le confesser, parce que je trouvais le propos très psychologisant. Et puis apparaissent des aspects plus sociaux, et j'ai commencé à être passionnée. C'est un roman qui fait penser à ces romans du Sud, alors qu'il se passe en Californie. Dans les grandes propriétés de ces exploitants blancs, le temps semble tourner au ralenti, et Joan Didion saisit parfaitement le basculement qui est en train de s'opérer: un vieux monde se meurt, celui des exploitations familiales et de l'ancrage dans la terre, pour céder la place à l'exploitation par les grands capitaux anonymes, à la spéculation immobilière. Elle ancre le drame qui se joue pour ses personnages juste avant le point de rupture. On ressent la chaleur écrasante, une forme de nostalgie aussi pour ce vieux monde, sans que ses travers soient masqués le moins du monde. 
Joan Didion alterne les points de vue, s'attardant sans doute davantage sur Lily. La jeune et belle Lily, fragile, dont le mariage sombre peu à peu sans que jamais l'amour entre elle et Everett ne s'éteigne. Jamais Joan Didion ne juge, et c'est ce qui permet au lecteur d'aimer chacun des personnages, hormis peut-être Joe (mais c'est parce qu'il ne signifie pas grand-chose pour Lily non plus). Même le séducteur Ryder Channing, qui représente l'énergie destructrice de ce monde nouveau, qui mène à sa perte Martha, Lily et Everett (les représentants du vieux monde) n'est pas détestable. Ne croyez pas pour autant que les personnages ne soient que des symboles ou des allégories, ils sont des êtres de chair et de sang, et j'ai particulièrement aimé les personnages féminins. Le regard de Joan Didion n'est jamais plus acéré que lorsqu'elle fait des portraits de femmes. Lily et Martha sont des femmes magnifiques, des personnages complexes et sombres. Mais Everett n'est pas en reste, vestige d'un monde ancien, fait de loyauté, de fidélité et d'engagement. 
Je n'en ai pas fini avec Joan Didion, je me demande comment il se fait que cette figure intellectuelle m'ait échappé jusqu'alors... 

Joan Didion, Une saison de nuits (Run, River), Grasset, 2014. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Philippe Garnier. Publication originale: 1963. Disponible en ebook. 

lundi 15 janvier 2018

Made in China de Jean-Philippe Toussaint


Présentation (auteur-éditeur)
Depuis le début des années 2000, j’ai fait de nombreux voyages en Chine, je me suis rendu à Pékin, à Shanghai, à Guangzhou, à Changsha, à Nankin, à Kunming, à Lijiang. Rien n’aurait été possible sans Chen Tong, mon éditeur chinois. La première fois que j’ai rencontré Chen Tong, en 1999, à Bruxelles, je ne savais encore quasiment rien de lui et de ses activités multiples, à la fois éditeur, libraire, artiste, commissaire d’exposition et professeur aux Beaux-Arts. Ce livre est l’évocation de notre amitié et du tournage de mon film The Honey Dress au cœur de la Chine d’aujourd’hui. Mais, même si c’est le réel que je romance, il est indéniable que je romance.

Ce que j'en pense
La première fois que j'ai lu Toussaint, je savais peu de choses de lui et de son oeuvre. C'était La télévision, qui m'a comblée de son humour et de son intelligence. Depuis, je guette chaque sortie, sans avoir tout lu de l'auteur (je n'ai toujours pas La salle de bains). C'est donc à sa sortie que je me suis précipitée sur Made in China, même si je ne l'ai pas lu immédiatement. Une nouvelle fois, c'est un pur bonheur. C'est le récit d'un tournage en Chine (à Canton) et d'une amitié avec son éditeur chinois et producteur de ses films, Chen Tong, un regard porté sur la Chine. C'est l'occasion pour Jean-Philippe Toussaint de déployer une fois encore son humour jamais moqueur, plutôt empreint d'autodérision. Mais c'est aussi une réflexion sur les rapports entre réalité et fiction (quand ment-il? quand invente-t-il? quand arrange-t-il la réalité à son gré?) et surtout, sur le rôle du hasard dans la création. Rien ne se passe comme prévu sur le tournage et même lors de la préparation: et c'est tant mieux, car le film se nourrit des contraintes, des surprises. Ne croyez pas que c'est barbant : l'écriture de Toussaint est toujours, quels que soient les sujets abordés, un miracle de légèreté, de délicatesse. J'ai souri, je me suis émerveillée, et je suis allée voir le film à la fin (lien hypertexte dans l'édition numérique, adresse dans l'édition imprimée), qui n'a pas grand intérêt en lui-même, si ce n'est de nous donner à voir le résultat de ce qui s'est construit un peu sous nos yeux... 
Une fois de plus je suis ressortie charmée, enchantée, séduite...

Jean-Philippe Toussaint, Made in China, Editions de Minuit, 2017. Disponible en ebook.

vendredi 12 janvier 2018

Bande dessinée 2018 #1

Les derniers jours de l'année 2017... Je n'aime pas la période des fêtes, pour des raisons multiples que je vous épargne. Mais tandis que d'autres s'amusaient ou s'ennuyaient dans des réveillons festifs (non, ce n'est pas un pléonasme pour moi), j'ai passé la soirée à lire, et j'ai notamment lu des BD. J'ai une PAL BD monstrueuse, et je ne parle même pas des BD de Monsieur. 
Et les derniers jours de 2017 et les premiers de 2018 se sont passés à Bruxelles, ville chérie, ô combien, et ville tentatrice pour les amateurs de BD... Entre librairies spécialisées et librairies d'occasion, c'est l'enfer, surtout au moment de faire les sacs pour le retour en train. 
Moi en route pour la gare de Bruxelles Midi :-) (Tashi Sherpa/AP/SIPA)

La chine est précieuse car elle permet de se laisser tenter par des titres inattendus, des albums ou des romans graphiques que l'on ne connaissait pas ou qui n'étaient pas dans la priorité d'achats. Le passage vers 2018, ce fut donc une chambre d'hôtel confortable, des pâtisseries orientales dégustées à deux, des livres et des BD... Pour moi, le meilleur réveillon du monde. 

Allez, je commence.


Depuis longtemps, je lorgnais sur La propriété de Rutu Modan, et ce fut l'une de mes lectures du réveillon. Un pur régal, une histoire forte qui déjoue les attentes, refuse les facilités et qui m'a ramenée, ce que je n'attendais pas, en Pologne. Regina et sa petite-fille Mica font le déplacement d'Israël pour la Pologne (Varsovie), pour une histoire de propriété, de spoliation par les nazis. Rutu Modan fait fi de tout pathos : Regina n'éprouve nulle nostalgie du pays perdu ("un vaste cimetière", dit-elle), et il n'est pas question de pardon ou de rédemption dans ce récit de mémoire. Le récit est découpé en sept jours, durée nécessaire pour que sorte au jour un secret, pour que l'on comprenne aussi le rôle joué par l'ami "relou" qui les accompagne. Cette tragédie est traitée avec une grande sobriété et servie par un trait clair et précis, se mêle à la chronique intime (pour Mica). C'est magnifique, et bien sûr, maintenant, j'ai envie de lire l'oeuvre précédente de Rutu Modan, Exit Wounds. C'est malin. 
Rutu MODAN, La propriété, Actes Sud BD, 2013. Traduit de l'hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech. 



Autre régal dans un tout autre style : Et si l'amour c'était aimer? de Fabcaro. Il n'est jamais aussi à l'aise, me semble-t-il, que dans la parodie, et ici, comme le titre peut le laisser deviner, il s'empare des codes du roman-photo et fait mouche. Il se trouve que lorsque j'étais enfant, j'avais une voisine qui dévorait les romances : Harlequin, Delly, mais aussi les romans-photos de Nous Deux et Intimité. Comme j'étais du genre à lire tout ce qui me tombait sous la main, j'en ai lu! C'est dire si je perçois quelles situations codées, quels stéréotypes narratifs et (photo)graphiques du genre reprend Fabcaro, pour exercer son regard caustique, son humour absurde. C'est piquant, hilarant, j'adore et j'en redemande. 
Fabcaro, Et si l'amour c'était aimer? 6 Pieds sous terre, 2017



Dans mes déambulations dans les librairies bruxelloises, j'ai découvert la trilogie de Merwan, Le bel âge, qui m'a énormément plu. Merwan est connu notamment pour sa collaboration avec Fabien Nury sur L'or et le sang. Il livre ainsi, seul aux manettes (scénario et dessin) une chronique intimiste et ce faisant, un portrait de l'époque, à travers trois jeunes femmes. Leurs hésitations, errements et choix sont au coeur de ce récit très fin, très délicat, porté par un dessin qui me fait penser, par moment, à Bastien Vivès. Trois portraits conjugués, trois jeunes femmes qui cherchent leur place (dans la société, le monde du travail, les relations amoureuses et familiales): ce récit choral en trois temps m'a passionnée et touchée. J'ai pensé aussi au travail orchestré par Thomas Cadène sur Les autres gens. Au terme de ma lecture, j'ai quitté les personnages à regret.
Merwan, Le bel âge, tome 1 Désordre, Dargaud, 2012.
Merwan, Le bel âge, tome 2, Territoire, Dargaud, 2012.
Merwan, Le bel âge, tome 3, Départs, Dargaud, 2014. 



Avec Ce que le vent apporte de Jaime Martin, on est dans la découverte de hasard, liée à la chine bruxelloise, et c'est un vrai coup de coeur. Mais que ce récit est sombre! On est en Russie, la Révolution s'annonce, et le lecteur suit les pas d'un jeune médecin envoyé aux confins de l'empire pour gérer un hôpital du bout du monde, aux conditions climatiques très dures. C'est un défi de tous les instants, d'autant que la contrée est le théâtre de meurtres terribles. Ce jeune homme se heurte à la superstition, lui qui est un être de raison aux idées progressistes. Je ne savais rien de l'histoire en achetant cet album, c'est le dessin à la fois réaliste et d'un esthétisme fou qui m'a attirée. C'est magnifique, sombre, tourmenté. 
Jaime MARTIN, Ce que le vent apporte, Dupuis Aire Libre, 2007.


Enfin, j'ai fini par acheter un album de Cosey que je voulais depuis longtemps, Saïgon-Hanoï. J'aime le dessin et l'univers de Cosey, et je ne sais pourquoi, ce titre me tentait particulièrement. J'ai donc plongé avec délices dans ce récit superbe, qui mêle à la conversation téléphonique entre un homme qui a fait la guerre du Viêt-Nâm et une jeune adolescente (pré-ado, elle a onze ans) qui a composé son numéro un peu au hasard les images d'un retour au pays connu pendant le conflit. En effet, nous sommes avec Homer, qui passe le réveillon seul dans la maison familiale, et qui regarde à la télévision un documentaire relatant la guerre du Viêt-Nâm et le retour sur les lieux d'un vétéran, qui n'est autre que lui-même. En même temps, il parle à cette très jeune fille, et l'ensemble dégage une impression de grand apaisement, de quiétude inattendue. La beauté des images et ce qu'elles suggèrent créent cette sensation. Je suis ressortie de ma lecture avec le sourire aux lèvres, sereine moi aussi. 
Cosey, Saïgon-Hanoï, Dupuis Aire Libre, 1992.

Maintenant, je souhaite que ma parenthèse bruxelloise se poursuive à travers la lecture des nombreuses BD que j'ai en stock! Et bientôt c'est le Festival d'Angoulême, donc les sorties vont se multiplier. Miam!








vendredi 5 janvier 2018

TAG Je lis donc je suis...


Je me prête une fois encore à l'exercice, à partir des titres lus en 2017. Je ne peux faire de renvoi vers des billets, car nombre de ces romans n'ont pas été chroniqués (pour cause d'absence sur le blog)...

Vu et aimé chez Fanny et chez Virginie !  

Je me suis bien amusée en le faisant, j'espère que cela vous plaira. 


Décris-toi


Comment te sens-tu ?


Décris où tu vis actuellement



Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ?


Ton moyen de transport préféré



Ton/Ta meilleur(e) ami(e) est…



Toi et tes amis vous êtes…



Comment est le temps ?



Quel est ton moment préféré de la journée ?



Qu’est la vie pour toi ?



Ta peur ?



Quel est le conseil que tu as à donner



La pensée du jour…



Comment aimerais-tu mourir ?



Les conditions actuelles de ton âme



Ton rêve ?

A vous! 



mercredi 3 janvier 2018

Tous nos noms de Dinah Mengestu


Présentation (éditeur)
Isaac, un jeune Africain, est venu aux États-Unis dans le cadre d'un programme d'échange universitaire. Ni Helen, la jeune assistante sociale qui tombe amoureuse de lui, ni le lecteur ne connaissent son vrai nom : il l'a laissé derrière lui, en Ouganda, avec les promesses d'une révolution réprimée dans le sang par la future dictature, abandonnant aussi son ami le plus cher.
Du chaos de l'Afrique à la solitude du Midwest, dans une Amérique déchirée entre la guerre du Vietnam et la lutte pour les droits civiques, l'écriture intimiste et mélancolique de Dinaw Mengestu, mêlant les voix d'Helen et d'Isaac, saisit les paradoxes de l'Histoire et de la nature humaine avec une force et une intelligence peu communes.
Ce que j'en pense
Il y a des années de cela, j'avais été bouleversée par Les belles choses que porte le ciel et j'abordais Tous nos noms avec un mélange de confiance et d'appréhension. Il ne m'a pas fallu longtemps pour être prise par ce récit. Les deux récits menés en parallèle évoquent l'exil, car Isaac connaît un premier exil sur le continent qui l'a vu naître, en Ouganda, puis un exil aux Etats-Unis. Nous sommes dans les années 1970 et les deux pays connaissent, à des titres et des degrés divers, des bouleversements politiques. Révolutions ratées et conflits civils post-indépendance en Ouganda, populations terrorisées, climat social tendu: le jeune homme est un témoin légèrement en retrait de tous ces évènements. Il devra son exil et son nouveau nom au refus de quitter le pays de l'autre Isaac, celui avec qui il s'est lié d'amitié aux abords de l'université et qui joue un rôle d'agitateur dépassé par ses propres engagements. J'avoue avoir dû regarder ce qu'il en était des évènements politiques ougandais de l'époque, étant peu familière de l'histoire de ce pays. La partie américaine était plus simple à aborder. Isaac y est pris en charge par Helen, une assistante sociale dont nous avons cette fois le point de vue. Isaac et Helen ne tardent pas à avoir une liaison, socialement inacceptable dans une Amérique qui ne parvient pas à se débarrasser de la ségrégation, du moins dans les faits. La scène du diner est terrible. A travers ses deux personnages, Dinah Mengestu brosse le portrait de cette Amérique du début des années 1970, embourbée dans le conflit au Vietnam et dans ses propres archaïsmes. 
Tout cela serait déjà intéressant en soi mais comme dans son premier opus, Dinaw Mengestu donne de la force à son histoire par les sentiments, troubles, complexes, mouvants. Isaac est un personnage difficile à cerner, profondément marqué par les évènements sombres en Ouganda, et qui porte une amitié indéfectible à l'autre Isaac. Mais de ses sentiments pour Helen nous ne saurons pas grand-chose. Helen est un très beau personnage, que j'ai aimé dans ses rapports à sa mère comme dans sa relation à Isaac. J'ai trouvé Tous nos noms plus sombre que Les belles choses que porte le ciel : il était tragique mais il était aussi lumineux. Tous nos noms m'a semblé plus désespéré, plus amer. Je n'ai pas été bouleversée cette fois-ci, mais je ne boude pas mon plaisir. Dinah Mengestu est un auteur intriguant que je continuerai à suivre. 

Dinah Mengestu, Tous nos noms (All our Names), Albin Michel, 2015. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michèle Albaret-Maatsch. Publication originale: 2014.