mardi 11 novembre 2014

Hollywood Babylone de Kenneth Anger


Présentation (éditeur)
Livre d’une très grande originalité de propos et de facture, Hollywood Babylone présente toutes les caractéristiques de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler un « livre culte ». On pourrait même dire qu’il constitue un prototype du genre. Longtemps resté inédit dans les pays anglo-saxons, et d’abord publié — dans une version embryonnaire — par Jean-Jacques Pauvert à Paris, Hollywood Babylone invente, dès les années 1950, ce qui deviendra au cours des décennies suivantes l’approche « people », voire « trash », de la célébrité et du show-business.

Ce que j'en pense
C’est par un article des Inrocks, à la sortie du livre, que j’ai entendu parler de ce récit de Kenneth Anger, proclamé livre-culte. Le livre patientait depuis lors et ce n’est que ce mois-ci que je l’ai lu, ayant envie de quitter les rives de la fantasy urbaine que je fréquente ces temps-ci. C’est un curieux livre et aujourd’hui encore je me demande ce qui m’a poussée à le lire, car disons-le tout net, il y a dans ce récit une avalanche de faits divers trash concernant les stars hollywoodiennes du grand écran. On se sent un peu voyeur tout de même en lisant Hollywood Babylone et ce n’est pas très agréable… Pourtant, Anger ne fait que relayer la manière dont les médias de l’époque se sont emparés des frasques des stars, et le récit vaut bien mieux que la presse de bas étage qui est évoquée, surtout dans les deux premiers tiers du livre. Ce que Anger saisit, mine de rien, c’est la naissance du star system hollywoodien, la création de ce miroir aux alouettes qui s’empare de jeunes gens souvent mal préparés à être sous les feux des projecteurs, broyés par un système pourri jusqu’à l’os, imposant des cadences de travail qui font le bonheur des dealers de drogue, profitant sans vergogne des starlettes et même des vedettes féminines. Bref, Hollywood est bien un enfer de stupre et de luxure, une sorte de Moloch qui dévore ses créatures. Au-delà de cette mise en évidence, Anger retrace aussi l’évolution du système hollywoodien dans le contexte d’une Amérique puritaine qui va accoucher du code Hays, pour encadrer les productions cinématographiques et « moraliser » la production. Cet aspect-là est passionnant. Néanmoins, la fin du livre est plus faible, car Anger a écrit Hollywood Babylone en 1965 (repris en 1975 semble-t-il), et lorsqu’il aborde l’après-guerre, deux difficultés se dressent devant lui: la proximité avec les faits relatés - et quoi qu’on en pense, Anger n’est pas un charognard - et le manque de distance analytique. Mon intérêt a donc nettement faibli sur la fin. 
Au final, c’est une lecture intéressante, et qui offre des échos bien involontaires avec l’univers d’un James Ellroy ou d’une Megan Abbott, dans cette peinture des dessous sales de Hollywood. 


Kenneth Anger, Hollywood Babylone (Hollywood Babylone), Tristram, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Gwilym Tonnerre. Publication originale: 1965, 1975.

dimanche 2 novembre 2014

Rage de dents - Maeve Regan tome 1 de Marika Gallman


Présentation (édtiteur)
Avant, ma vie était simple : l'université si j'en avais envie, les hommes quand j'en avais envie.
Et je n'avais aucun problème qu'un barman ne puisse m'aider à résoudre. Mais là, depuis un moment, rien ne va plus. Le type sexy qui me draguait a rendu son déjeuner quand on a voulu concrétiser. J'ai cassé le nez du copain de ma meilleure amie, et elle ne l'a pas très bien pris. Lui non plus, d'ailleurs. Ensuite, je me suis mise à faire des cauchemars.
Et tout ça, c'était avant qu'une bande de vampires décide de redécorer mon appart et qu'un colosse me kidnappe.
Quand je vous dis que ce n'est pas ma semaine...


Ce que j'en pense
Il faut que j’avoue: je trouve depuis quelques temps déjà bien du plaisir à lire une littérature que je n’aurais considérée qu’avec mépris jadis. La bit-lit et autres avatars d’une fantasy urbaine ciblant un lectorat féminin me détend, pour peu que je fasse des choix judicieux dans une production variée et pléthorique. Je m’étonne moi-même d’en lire et surtout d’aimer en lire, et pour tout dire, j’ai encore un peu de mal à assumer ces  lectures de pur divertissement. 
Bref, j’en viens à Rage de dents, de la francophone Marika Gallman. Ce premier tome de la série des Maeve Regan me laisse une impression mitigée. J’aime le personnage de Maeve, très jeune femme libérée, avec un fort penchant pour les rencontres d’une nuit et l’alcool, et affligée d’une forte propension à la colère. Ce côté trash de l’héroïne m’a séduite. J’aime également l’humour de la série, même si certains passages sont un peu prévisibles en la matière. Je crois d’ailleurs que c’est une condition sine qua non pour que j’apprécie ce genre: il me faut de l’humour, de la dérision, sans quoi je risque de m’ennuyer. Les scènes de bagarre et autres affrontements sont assez jubilatoires, avec ce petit côté girl power qui n’est pas pour me déplaire: Maeve n’a peur de rien, surtout pas des machos et autres mâles enclins à frapper les femmes; cela donne quelques échanges réjouissants. D’une manière générale, j’aime dans cette littérature le point de vue féminin, que ce soit dans les rapports sociaux ou les scènes de sexe, et si stéréotypes il y a, ils sont différents de ceux que je lis sous des plumes masculines, c’est déjà ça. 
Qu’est-ce qui tempère mon enthousiasme? 
Comme je l’ai dit, l’humour est assez prévisible, et il manque à mon sens une certaine force à cet univers: ce qui me séduit terriblement dans les Charley Davidson, c’est la puissance comique des personnages, de Charley aux personnages les plus éphémères, et le comique de répétition (pas au sens strict du terme) qui se met en place de volume en volume; il y a chez Darynda Jones (comme chez Janet Evanovich dans un autre genre) une créativité folle et barzingue, qui me fait m’esclaffer. Mais je suis consciente que je n’ai lu que le premier volume de cette série et que je pourrai mieux juger de cette supposée fragilité ultérieurement. 
Autre défaut: une certaine faiblesse dans l’écriture. Quelques passages m’ont semblé terriblement mal écrits, des formulations m’ont fait dresser les cheveux sur la tête, et je ne peux accuser ici une traduction hâtive… Je n’ai jamais attendu de la bit-lit une recherche stylistique dont on se fiche ici, mais une belle écriture, ou tout au moins une écriture un peu plus ferme serait bienvenue. J’avoue avoir parfois grincé des dents à la lecture de certaines phrases… 
Je pense néanmoins lire le tome 2, pour me faire une idée plus juste. L’intrigue ne me donne pas d’impatience particulière, mais je veux savoir si mon impression évolue ou non. Mais je sais déjà que je vais me mettre en quête d’une autre série de bit-lit propre à assurer ma détente. 


Marika Gallman, Rage de dents, Maeve Regan tome 1, Milady, 2012. Disponible en ebook.