J’aime les documentaires, et j’aime les récits de crime.
Après avoir été sidérée par Making a Murderer, j’ai regardé Amanda Knox. Comme
tout le monde, je connaissais les grandes lignes de cette affaire, sans plus.
Je l’abordais sans a priori. Le projet n’a évidemment pas la même portée que
Making a Murderer, qui dressait à la fois le portrait d’une Amérique des marges
et d’une justice détraquée. Il n’est pas question de cela ici, et nous savons
peu de choses, au bout du compte, sur la victime ou les suspects, juste ce qu’il
faut pour saisir les faits. Mais voilà encore une affaire qui trouble par ses
dérives médiatiques et judiciaires. Je lis çà et là que le doute subsiste sur
la culpabilité des deux jeunes amoureux. Mouais, admettons. Moi je ne vois pas
grand chose, dans ce qui nous est ici présenté, qui les incrimine. En revanche,
je vois une scène de crime souillée constamment par des services manquant de
professionnalisme ; ce ne serait pas très grave sans la personnalité du magistrat,
qui m’afflige au-delà du possible. Ce type n’est pas malhonnête, mais il se
sent investi d’une mission morale (imprégnée de catholicisme), et tout le
dérange dans la personnalité d’Amanda. Elle ne se comporte pas comme le doit
selon ses standards une jeune femme de 20 ans, elle est trop libérée, elle n’entre
pas dans les cadres. Et la fierté de ce type à être reconnu dans les rues de
Pérouse après l’arrestation me dégoûte profondément, je ne vous le cache pas.
Ce que montre le documentaire, c’est une instruction menée à charge, avec une
interprétation orientée de toutes les preuves. J’ignore si Amanda Knox est
innocente, mais il me semble que c’est ainsi qu’on fabrique les erreurs
judiciaires.
Et puis il y a le journaliste. Il dit devoir sa vocation à l’affaire
du Watergate, il se cache derrière le secret des sources, évoque le fait de
relayer les infos qu’on lui donne sans avoir le temps de vérifier (vous n’y
pensez pas)… Oui, moi je vois un type qui écrit des articles aux titres
raccoleurs, qui balance des informations sur l’intimité des suspects sans
respect (et sans se soucier de la vérité), je vois un type qui s’abrite
derrière de grands modèles alors qu’il écrit de la merde et contribue à faire d’un
fait divers un divertissement à rebondissement, je vois un type qui ne se
soucie pas des dégâts qu’il fait, en toute impunité.
Je ne perds pas de vue que le documentaire est lui aussi une
vision orientée, peu ou prou. Mais ce que j’évoque ici, ce qui m’a dérangée, n’est
lié qu’aux propos des intéressés. A croire que les gens ne s’entendent pas.
Rod Blackhurst et Brian McGinn, Amanda Knox, USA, 2016, 90 mn. Sur Netflix.