dimanche 28 avril 2013

Oh! Toulouse...


La librairie Série B à Toulouse (crédits)

Virée (impromptue) à Toulouse ce week-end… mais sur place, comme à peu près partout je crois, froid et pluie. La parade ? Trouver refuge dans les librairies* ! Ai-je besoin de livres ? Certes non. Ai-je envie d’acquérir de nouveaux livres ? Toujours.
Première étape, tandis que la pluie glaciale tombait : Ombres blanches, évidemment. Je peux déambuler longtemps dans cette superbe librairie mais c’est toujours aux rayons polar et poches, voisins, que je passe le plus de temps. J’ai été TRES raisonnable (voire ascétique) et ne suis ressortie de là qu’avec Le temps qui va, le temps qui vient, de la romancière Hiromi Kawakami, tout juste sorti en poche (ce qui m’avait échappé). L’argument me fait penser à La brocante Nakano, que j’ai tant aimé.
Je tenais aussi à aller à la librairie Série B, qui a ouvert ses portes, je crois, en novembre 2012. J’adorerais habiter Toulouse pour de nombreuses raisons, et cette librairie en est une à elle seule ! Spécialisée dans le polar, la SF et la fantasy, elle est très agréable, il y a là de vrais choix de libraire, ça fait du bien ! Et j’y ai trouvé un livre (manquant à Ombres blanches, damned !) : 30 ans d’écrits sur le polar 1982-2012 de Claude Mesplède (Krakoën). C’est le premier volume et je me réjouis de l’avoir entre les mains. J’ai également acheté la revue L’indic (n°14), qui s’attarde dans ce numéro sur le polar français. En bref, une très belle adresse que cette librairie (regardez ), j’y serais souvent si j’habitais Toulouse, d’autant qu’il y a un Club du Mardi fort alléchant ! 
Un rayon de soleil a daigné pointer, le temps de prendre un thé en terrasse (chauffée, la terrasse, faut pas exagérer), et hop ! on repart… Direction rue Pargaminières, pour l’ex-librairie Album, devenue librairie Bédéciné, spécialisée dans la BD et la SF (et un peu de fantasy). Nous ne pouvions qu’y entrer, il recommençait à pleuvoir. Des choses me tentent en BD mais c’est tout de même au rayon SF & Co que je m’attarde. Comme je rame terriblement dans La guerre des vanités de Marin Ledun, j’ai envie de légèreté. Mon regard est attiré par un volume à la couverture très girly (une fois n’est pas coutume), estampillé d’un « recommandé par la libraire » et d’un « attention humour » qui me plaisent bien : Vampire et célibataire de Mary Janice Davidson (Milady). Comme l’unique premier tome de cette série est enveloppé dans un film plastique, je demande à la libraire si je peux le prendre ou si elle en a un autre quelque part ; elle me dit que c’est le seul et que cela ne pose aucun problème que je l’embarque, puis elle ajoute que, pour une prochaine fois, si j’ai envie de quelque chose de rigolo, je peux tenter un roman qu’elle a trouvé très léger et amusant, Les dieux ne valent pas mieux, de Marie Phillips (disponible en J’ai Lu). Splendeur et décadence des dieux grecs dans le Londres du 21ème siècle, ça promet ! Comme pour moi il n’y aura pas de prochaine fois toulousaine avant des mois, j’embarque ce roman-là aussi. Ce n’est pas la première fois que je vais dans cette librairie, mais mon cher et tendre et moi-même sommes toujours conquis par la qualité du fonds (notamment les choix SF dans un espace très réduit) et du conseil.
Me voilà riche de quelques livres supplémentaires… Ce dimanche matin, un rapide passage au marché Victor Hugo nous a permis de faire quelques emplettes très appétissantes, chorizo de canard et autres petites choses délicieuses.
La conclusion unanime de ce week-end toulousain, malgré le mauvais temps : 
« pourquoi on n’habite pas à Toulouse ? »
Et je vous assure que je me pose vraiment la question.

* je sais que je suis d’une mauvaise foi incomparable. Eût-il fait le temps estival de jeudi que j’aurais prétendu avoir plaisir à me protéger du soleil dans les librairies, ou bien avoir éprouvé le besoin impérieux de me fournir en livres pour lire au soleil, que sais-je encore. 

mercredi 24 avril 2013

Baisers de cinéma d'Eric Fottorino



Présentation (quatrième de couverture)
« Je ne sais rien de mes origines. Je suis né à Paris de mère inconnue et mon père photographiait les héroïnes. Peu avant sa mort, il me confia que je devais mon existence à un baiser de cinéma. » Photographe de plateau, le père de Gilles Hector a le don de pressentir chez les comédiens leurs moments d'abandon. Il sait saisir sur leurs visages une défaillance, une colère muette, la trace infime d'un incident de tournage. Après sa mort, Gilles hérite de sa sensibilité à la lumière, mais aussi de questions sans réponse. C'est alors qu'il retrouve Mayliss, croisée le jour de la mort de son père deux ans auparavant. Petit à petit, leur relation prend forme et Gilles vit à l'envers de sa vie... Éric Fottorino offre à son huitième roman des mots doux, presque fragiles, pour rendre hommage au cinéma, pour raconter un temps où l'amour peut encore apparaître comme un jeu risqué.

Mon avis
J’ai cédé aux sirènes du marketing : Folio permettait il y a quelques jours de découvrir une poignée de titres de son catalogue en numérique à un prix imbattable, je me suis donc laissé tenter, créature faible que je suis, par un roman d’Eric Fottorino, Baisers de cinéma. Finalement, je suis très partagée sur ce roman. D’un côté j’ai aimé la manière dont le narrateur parle du cinéma, du travail de directeur de la photographie effectué par son père disparu sur les tournages des grands films des années 50 et 60, de cet hommage rendu aux comédiennes. D’un autre côté je n’ai pas été passionnée par cette histoire d’amour adultère, doublée d’une quête des origines maternelles pour le narrateur. Il y a quelque chose de modianesque dans ces déambulations parisiennes, dans le mystère des ces êtres croisés et/ou aimés, mais n’est pas Modiano qui veut… Je suis peut-être injuste, j’ignore si Fottorino accepterait cette comparaison, mais c’est l’impression que j’ai eue. Cette femme fardée a quelque chose de fantasmatique, comme ces apparitions féminines sur pellicule, et si cet aspect me semble tout à fait volontaire, il m’a un peu irritée, sans doute parce que la jeune femme est une sorte de projection, de fantasme, auquel je ne crois pas.
J’avais envie de plonger dans un roman nostalgique, mélancolique, doux, et j’ai finalement trouvé l’ambiance un peu glauque, je suis ressortie de ma lecture décontenancée (mais ça c’est une bonne chose, souvent) et un peu mal à l’aise, ce qui est bien la dernière chose que je recherchais.
Bon, un rendez-vous manqué, mais au moins j’aurai découvert un auteur que je ne connaissais pas et dont je lirai peut-être autre chose, car Eric Fottorino écrit fort bien, et ce n’est pas parce que je ne suis pas conquise par ce roman que je n’apprécierai pas un autre titre de ce romancier (si vous avez des titres à me suggérer, n’hésitez pas).

Pour qui ?
Pour les amateurs de créatures mystérieuses et cinégéniques.

Le mot de la fin
Déconcertant.

Eric Fottorino, Baisers de cinéma, Gallimard, 2007 (Prix Fémina 2007). Disponible en Folio. Lu en e-book.

lundi 22 avril 2013

Du polar de François Guérif



Présentation
François Guérif a fondé la collection Rivages/Noir (et Rivages/Thriller) : on lui doit certains des plus grands auteurs de romans noirs. Dans une série d’entretiens avec Philippe Blanchet, il revient sur l’ensemble de la littérature policière et du roman noir en particulier, sur sa trajectoire d’éditeur, sur les grands auteurs du genre.

Mon avis
Bon, il faut déjà que je vous dise : pour moi, François Guérif, c’est le maître absolu, un peu le dieu du roman noir en France, côté éditeur (faudrait que je fasse mon Olympe du noir, ce serait amusant). Certes, il y eut Marcel Duhamel, qui a fait exister le genre en France en créant la Série Noire, mais François Guérif nous a donné quelques unes des plus grandes merveilles de la littérature du 20ème siècle. Et j’ai bien dit « littérature », pas polar. Pour lui emboîter le pas, je le dis bien clairement : le roman noir, c’est de la littérature.
Bref. François Guérif publie un livre d’entretiens sur le polar : sur sa trajectoire de libraire et d’éditeur, sur les grands hommes du noir (de Léo Malet à James Ellroy en passant par Pierre Siniac, Robin Cook ou Donald Westlake, pour ne citer qu’eux), sur la littérature policière et le roman noir en particulier, son évolution, ses auteurs majeurs. C’est passionnant et l’on apprend des tas de choses, bien au-delà de l’anecdote, sur ce qu’est le roman noir, sur sa difficile acceptation littéraire (toujours pas acquise complètement). C’est un fait et si on le savait déjà, ce livre apporte des précisions : après l’avènement permis par la Série Noire, il y a eu une sorte de révolution Rivages/Noir : Guérif est un éditeur passionné qui s’attache à suivre un auteur et son œuvre, qui a donc une politique de publication cohérente, parfois exhaustive ; surtout, il a révolutionné les usages en matière de traduction. La Série Noire a créé un format mais aussi une langue propre au genre, à grand renfort d’argot pittoresque : le prix à payer (pour l’auteur et le lecteur) était le caviardage des textes (on coupe, on coupe !) et une traduction parfois très approximative*. Je me suis déjà agacée contre les traductions, chez Rivages, de Van de Wetering, mais globalement, Rivages/noir s’attache à des traductions soignées de textes intégraux. Guérif revient assez longuement là-dessus, et c’est très intéressant.
François Guérif le martèle et il a bien raison : le roman noir, c’est avant tout une écriture (et pas un sujet). C’est ce qui fait la singularité de James Ellroy, de Jim Thompson, de Pierre Siniac et de tous les autres : « c’est une musique qui s’installe, dès les premières lignes, et qui t’emporte. Qui te bouleverse. Qui t’émeut, et qui ne te lâche plus. » (p. 153)
Par conséquent, Du polar est un livre qui donne envie de lire, de lire, de lire : à côté des romans que j’avais bien sûr lus, il y avait tous ceux qui sont encore à découvrir (chouette !).  Rien de tel qu’un amoureux du noir pour vous donner envie d’en dévorer encore et encore, sa passion est communicative… A compléter ensuite par les (fabuleuses et indépassables) Chroniques de Jean-Patrick Manchette, publiées précisément par Rivages, une des plus formidables analyses du genre que je connaisse.

Pour qui ?
Pour tous les amoureux du roman noir et aussi pour ceux qui le connaissent peu et qui voudraient s’y plonger. La forme de l’entretien rend le livre aisé à lire, très plaisant.

Le mot de la fin
Indispensable.

François Guérif, Du polar. Entretiens avec Philippe Blanchet, Manuels Payot, 2013. 

samedi 20 avril 2013

Saratoga Woods d'Elizabeth George



Présentation
Hannah Armstrong est une adolescente dotée d’une faculté particulière : elle saisit les pensées d’autrui… C’est un don bien embarrassant, surtout quand on a un beau-père criminel qui se rend compte que vous savez ce qu’il a fait. Exit Hannah Armstrong : avec l’aide de sa mère, Becca King fait son apparition, loin de leur région, et trouve refuge sur une île où elles se retrouveront bientôt… Mais rien ne se passe comme prévu, et Becca doit se débrouiller seule sur cette île où elle ne connaît personne.

Mon avis
Je n’ai jamais rien lu d’Elizabeth George auparavant et pour être honnête, j’ai plutôt une image négative de ce qu’elle écrit, même si je ne saurais dire pourquoi… C’est donc avec beaucoup de méfiance que j’ai commencé Saratoga Woods, destiné aux « jeunes adultes », même si l’éditeur français a fait le choix de ne procéder à aucune marquage jeunesse, sans doute désireux de profiter de la masse de lecteur de cette romancière à succès.
Ce n’est certes pas une grande œuvre et d’aucuns me diront avec raison que la littérature pour ados et jeunes adultes fourmille de romans bien plus intéressants. Cependant, que voulez-vous, j’ai passé un bon moment et je reconnais à Elizabeth George un certain talent pour trousser une intrigue tortueuse et mystérieuse à souhait. Non seulement je ne me suis pas ennuyée mais j’éprouvais une certaine impatience à retrouver les personnages et leurs aventures. Le côté huis clos insulaire n’est pas pour rien dans le charme de ce roman, l’auteure travaillant ses atmosphères en tirant le meilleur parti de ce milieu un peu fermé sur lui-même et de la nature environnante, impressionnante et majestueuse.
J’ai trouvé l’intrigue un peu moins prévisible que dans la moyenne des thrillers pour ados que je lis, sans doute parce que l’auteure maîtrise les codes du genre, peut-être aussi parce que Saratoga Woods contient un zeste de fantastique, avec cette héroïne qui entend les pensées d’autrui.
Est-ce un grand polar pour ados ? Non. Est-ce un roman bien fichu et prenant ? Oui. Je lirai sans aucun doute la suite, car ce thriller a une autre particularité, il se termine sur un cliffhanger. Autrement dit, non seulement c’est une série qui commence – ce n’est plus si rare en thriller, genre longtemps considéré comme rétif à la sérialité – mais c’est carrément une intrigue qui se déploie sur plusieurs volumes, sans véritable clôture à la fin de ce premier volume.

Pour qui ?
Pour les adolescents amateurs de thriller et pour tous ceux qui ont envie de se détendre avec un roman simple et bien fichu.

Le mot de la fin
La surprise du mois !

Elizabeth George, Saratoga Woods (The Edge of Nowhere), Presses de la Cité, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Delarbre. Publication originale : 2012.