dimanche 31 août 2014

Un bilan de fin d'été (août 2014)

Dessin de Quint Buchholz (source)

Un mois d’août plein de bandes dessinées, voilà ce que je retiendrai pour ce bilan. 
Côté romans, le deuxième volume des aventures de Nicolas Le Floch m’a plu mais je connaissais l’intrigue: L’homme au ventre de plomb de Jean-François Parot reste un plaisir de cet été, et sans impatience quant à la suite de la série, je sais que j’y reviendrai, à un moment ou à un autre. 
Ils désertent de Thierry Beinstingel a été une très belle découverte, en dépit d’une fin réconfortante  un peu irréaliste à mon goût… Mais voilà un auteur à suivre, dont un nouveau roman sort ces jours-ci je crois. 

Trosième tombe tout droit  de Darynda Jones a tenu ses promesses et plus encore, là je fais durer le plaisir alors que j’ai envie de me précipiter sur le volume suivant!
D. de Robert Harris m’a tenue en haleine: l’auteur est un bon faiseur, efficace, rien de plus et rien de moins. 
Pétronille d’Amélie Nothomb m’a fait rire : c’était mon premier Nothomb « non-japonais », j’avais quelque appréhension, et je me suis régalée…
Les péchés de nos pères de Lewis Shiner a failli être un très grand roman noir, il est un bon polar, dommage… Mais j’en recommande la lecture (billet à venir).


Enfin, seule lecture jeunesse de l’été, et en VO s’il vous plaît, We Were Liars de E. Lockhart m’a beaucoup plu, c’est un piège à lecteurs, j’y reviendrai sans doute.


Les bandes dessinées m’ont comblée, c’était un plaisir de renouer avec le 9ème art que j’ai un peu délaissé ces dernières années, et auquel je n’ai pas eu accès à cause de mes yeux pendant plusieurs mois. 
J’ai beaucoup aimé le trait de Virginia (tome 1) de Blary (le tome 2 m’attend mais à quelques centaines de kilomètres de chez moi, patience), et l’histoire, sans être pour le moment bouleversante d’originalité, a un côté Dans la brume électrique avec les morts confédérés qui n’est pas pour me déplaire… Autre tome 1 au dessin fort talentueux, Broadway, de Djieff dont j’ai déjà parlé, je lirai le tome 2, c’est certain. 

Côté manga, j’ai aimé Daisy. Lycéennes à Fukushima, T01, de Reiko Momochi, qui mêle délicatement les codes du shojo à des témoignages bouleversants sur l’après-tsunami. 

Enfin, dernière série inachevée, Les gens honnêtes de Durieux et Gibrat, à la fois sombre et enchanteur, un concentré d’humanité, mais damned, je croyais sottement que le tome 3, récemment paru, venait clore la série, et pas du tout, il y en aura un quatrième… 

La malle Sanderson de Götting est une petite merveille graphique et scénaristique, j’ai adoré découvrir cette bande dessinée (pas une parution récente). 

Et puis il y a eu des romans graphiques, également passionnants ou presque: oui, il y a eu la déception Lip. Des héros ordinaires de Galandon et Vidal… Mais il y a eu le formidable La vie sans mode d’emploi de Désirée et Alain Frappier, chronique attachante des années 1980, le très touchant Cet été-là signé par les deux Tamaki, une belle entrée dans l’adolescence racontée avec beaucoup de délicatesse, et Ainsi soit Benoîte Groult de Catel, regard fin sur une trajectoire de femme militante… 

  

Enfin, il y a eu La maison n’accepte pas l’échec, de David Snug, le petit album inattendu qui provoque (chez moi) des fous rires et que je relirai, forcément, juste pour rire encore… Celui-ci aura son billet, malgré mon retard…


J’oubliais : j’ai lu le premier épisode (issue 1) de The Fade Out de Ed Brubaker et Sean Phillips (Image), et waouh! outre que la couverture est d’une beauté renversante (je pense l’encadrer, c’est vous dire), le début du récit est accrocheur, très ellroyen et très film noir… J’ai hâte de lire la suite!



Vous le constatez, comme plusieurs d’entre vous, j’ai du mal à suivre le rythme d’écriture, je lis mais je rédige peu de billets, et comme le mois de septembre devrait voir les choses s’accélérer côté boulot, je ne suis pas certaine de tout chroniquer. 


Bon, c’est pas le tout, mais au moment où je rédige celui-ci, de billet, je dois passer à la librairie voir les nouveautés de la rentrée, notamment en BD. A plus tard, et bonnes lectures!

EDIT 1er septembre: hier dimanche 31 août, se sont ajoutés à la liste ci-dessus:
- un roman : Quiconque exerce ce métier stupide mérite ce qui lui arrive, de Christophe Donner 
- des albums: Lunes Vénitiennes de Vianello (bof); Mort au tsar. T01: Le gouverneur de Nury et Robin (formidable); Blue Note T01 de Mariolle et Bourgoin (fantastique). 

(oui monsieur, je me tais) Image trouvée ici.

jeudi 28 août 2014

Les apparences de Gillian Flynn


Présentation (éditeur)
Amy et Nick forment en apparence un couple modèle. Victimes de la crise financière, ils ont quitté Manhattan pour s'installer dans le Missouri. Un jour, Amy disparaît et leur maison est saccagée. L'enquête policière prend vite une tournure inattendue : petits secrets entre époux et trahisons sans importance de la vie conjugale font de Nick le suspect idéal. Alors qu'il essaie lui aussi de retrouver Amy, il découvre qu'elle dissimulait beaucoup de choses, certaines sans gravité, d'autres plus inquiétantes. 

Ce que j’en pense
Comme je suis influençable, c’est parce qu’on m’en a dit du bien que j’ai lu Les apparences de Gillian Flynn. Vous le savez, je n’aime guère les thrillers, peu me convainquent vraiment. Celui-ci me laisse une impression mitigée et il va être difficile d’en parler sans dévoiler l’intrigue. Impression mitigée mais j’insiste sur le fait que c’est mon peu de goût pour le thriller qui l’explique, car je reconnais que Gillian Flynn offre là un thriller d’excellente facture. 
J’ai adoré la première partie: cette autopsie d’un couple, par deux voix alternées est remarquable d’intelligence et de subtilité. J’ai trouvé fantastique l’idée de croiser le regard du mari, qui commence par « la fin » et celui de la femme, qui prend les choses dans l’ordre puisqu’on lit son journal. Pour moi, cette première partie est digne d’un roman noir, tant le regard est impitoyable sur la comédie sociale et conjugale, sur la bonne société new-yorkaise frappée par la crise financière. Cependant, je dois dire - et je n’en tire aucune gloire - qu’une hypothèse m’est venue au bout d’un moment, pas dans les détails mais dans les grandes lignes. Par conséquent, le twist majeur, à la mi-roman, ne m’a pas fait tomber de ma chaise, je me doutais de la fracassante nouvelle. Cela n’a pas nui à la tension narrative, mais la seconde moitié du roman prend un autre tour, qui m’a moins intéressée, au point que je m’ennuyais un peu. Heureusement, le dénouement, glaçant à souhait, terrible sans être spectaculaire, estompe cette impression en partie. 
Au final, Gillian Flynn signe à mon sens un thriller excellent, totalement maîtrisé, qui ravira les amateurs du genre. Le roman m’a intéressée à plus d’un titre, sans que je sois totalement emballée cependant. 


Gillian Flynn, Les apparences (Gone Girl), Sonatine, 2012. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié. Disponible en Livre de Poche et en ebook. Publication originale: 2012.

mardi 26 août 2014

Demain, j'arrête! de Gilles Legardinier


Présentation (éditeur)
La soirée organisée pour célébrer le troisième divorce de Jérôme avait super bien commencé. Dans une ambiance détendue, chacun y allait de bon cœur pour raconter son dernier échec. Et puis soudain un inconnu demande à Julie ce qu'elle a fait de plus idiot dans sa vie. Comme tout le monde, Julie a fait beaucoup de trucs stupides. Enfiler un pull en dévalant des escaliers, ou tenter de réparer une prise électrique en tenant les fils entre ses dents. Mais tout cela n'est rien comparé à son obsession pour son nouveau voisin qu'elle n'a pourtant jamais vu. Et tout cela n'est rien, absolument rien, à côté des choses délirantes qu'elle va tenter pour approcher cet homme dont elle s'évertue à percer le secret. Poussée par son esprit, son cœur et son imagination, de plus en plus attirée par celui à côté duquel elle vit mais dont elle ignore tout, Julie va chaque jour prendre davantage de risques, jusqu'à pouvoir enfin trouver la réponse à la drôle de question posée par un inconnu dans une soirée...

Ce que j’en pense
Je n’aurais sans doute pas lu ce livre sans l’avis positif d’un libraire, pourtant spécialiste du polar dans une librairie parisienne. Il se réjouissait que l’auteur ait détrôné dans les palmarès de ventes certains points lourds aux qualités littéraires discutables. Cependant, cela faisait un moment que Demain, j’arrête! attendait son heure, car ma méfiance persistait. Et puis les vacances sont arrivées, et après des lectures très sombres (Après la guerre et 911), je me suis dit qu’un peu de légèreté serait la bienvenue. Ce n’est pas une lecture inoubliable mais j’ai passé un bon moment. Dire que je me suis esclaffée serait excessif, mais j’ai aimé plonger dans cet univers où rien ne semble grave, pas même la mort. Demain, j’arrête! est l’équivalent en littérature d’un feel-good movie, on est content de s’immerger dans ces appartements, dans l’agence bancaire (pourtant peu riante), dans la boulangerie, on est heureux d’être auprès des personnages dans un monde où l’injustice appelle toujours réparation et où la gravité engendre quelque chose de positif. On en ressort brièvement apaisé, et ce n’est pas rien. Et il y a quelques jolies trouvailles, comme la voiture improbable et son échappée incongrue (chut!). 
Par ailleurs, je me suis posé des questions (qui n’intéressent que moi): peut-on considérer que ce roman est de la chick-lit? Je ne crois pas que le roman ait été identifié comme tel, et certes, il est écrit par un homme, en langue française (oui oui je sais, il y a des romans français de chick lit, mais ce n’est toujours pas une production abondante). Pour le reste, tous les ingrédients sont là: une héroïne jeune, à l’âge de se poser des questions sur ce qu’elle est et ce qu’elle veut, avec un métier qui ne la satisfait pas, ses relations familiales, amicales, et évidemment, sa quête de l’amour, le tout avec une bonne dose d’humour et de dérision. Happy end de rigueur, cela va sans dire. N’allez pas croire que j’y vois un défaut: je ne crache pas sur la chick lit quand elle ne m’impose pas des héroïnes nunuches et aliénées, au contraire. Mais voilà, même avec l’immense détente que m’a apportée ce très sympathique roman, je n’ai pu m’empêcher de faire ma raseuse, jusque dans ce billet. 
Bon mais au fait, une question s’impose : lirai-je un autre roman de Gilles Legardinier? Probablement, oui, car il a accompli sa mission à merveille: me détendre!

Gilles Legardinier, Demain, j’arrête!, Fleuve Noir, 2011. Disponible en poche, chez Pocket. Disponible en ebook.

dimanche 24 août 2014

D. de Robert Harris


Présentation (éditeur)
Paris, janvier 1895. Par un matin glacial, un officier de l'armée, Georges Picquart, assiste devant vingt-mille personnes hurlant " À mort le juif ! " à l'humiliation publique d'un capitaine accusé d'espionnage : Alfred Dreyfus. Picquart est promu : il devient le plus jeune colonel de l'armée française et prend la tête de la section de statistique – le service de renseignements qui a traqué Dreyfus. Dreyfus, lui, est condamné au bagne à perpétuité sur l'île du Diable, il n'a le droit de parler à personne, pas même à ses gardiens, et son affaire semble classée pour toujours. Mais, peu à peu, Picquart commence à relever des éléments troublants dans l'enquête, tout en lisant les lettres de Dreyfus à sa femme dans lesquelles celui-ci ne cesse de clamer son innocence. Et quand le colonel découvre un espion allemand opérant sur le sol français, ses supérieurs refusent de l'écouter. En dépit des avertissements officiels, Picquart persiste et va se retrouver lui aussi dans une situation délicate.

Ce que j'en pense
Il y a quelques jours, j’ai appris au hasard de mes déambulations sur le net que Roman Polanski travaillait à une adaptation de D., avec son auteur, Robert Harris, comme il l’avait fait pour The Ghost Writer. J’ai appris en même temps la parution de ce roman, d’ailleurs. Ayant besoin de changement radical après Troisième tombe sur la droite, je me suis dit qu’un roman sur l’affaire Dreyfus serait parfait. J’ai dévoré ce redoutable page-turner, impatiente d’atteindre la fin tout autant que je le redoutais. Pourtant, me direz-vous, on connaît la fin. Et on connaît même la totalité de l’histoire. Voire… L’affaire Dreyfus faisait partie de mes cours d’histoire (au collège? au lycée? je ne m’en souviens plus) et je l’ai recroisée depuis, par Zola ou même par Proust. Mais j’en avais gardé l’idée d’une ERREUR judiciaire, rien de moins, rien de plus. Robert Harris a beau laisser parler son imaginaire de romancier, il n’en travailla pas moins documentation à l’appui, autant dire que dans les grandes lignes (et un peu plus), ce qu’il raconte correspond au déroulement des faits. Et ce n’est pas joli joli. On n’est pas dans l’erreur judiciaire mais dans le montage pur et simple d’un dossier d’instruction militaire contre un homme qui a le double tort d’être juif et alsacien, sur fond de (pas si lointaine) défaite de 1870 et d’étalage antisémite (Drumont fait les beaux jours de la presse antisémite). Des petits arrangements aux faux caractérisés, tout est bon pour condamner Alfred Dreyfus puis pour ne pas l’innocenter, y compris la libération d’un coupable, Esterhazy. Je ne vais pas refaire ici la chronologie de l’affaire, mais disons que le roman de Robert Harris restitue avec force une France antisémite, haineuse. 
Robert Harris n’est peut-être pas l’écrivain du siècle, mais qu’il est efficace! Le choix de Picquart est bigrement malin pour relater l’affaire, et l’auteur s’y entend pour éviter la pesante reconstitution historique pour proposer un thriller politique, un roman d’espionnage haletant, rythmé, passionnant. J’ai hâte de voir ce qu’en fera Polanski, lui qui a soufflé l’idée du roman à Robert Harris et qui est passionné par le sujet. 

Robert Harris, D. (An Officer and a Spy), Plon, 2014. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par

Natalie Zimmermann. Publication originale: 2013.

vendredi 22 août 2014

Troisième tombe sur la droite de Charley Davidson


Présentation (éditeur)
Charley, la plus délurée des faucheuses, est de retour! Mais elle boit des quantités astronomiques de café pour rester éveillée. Sans quoi, elle n’échappe pas  la vision terrifiante qui s’impose à elle dès quelle ferme les yeux: Reyes, le fils de Satan qu’elle a emprisonné pour l’éternité. Pourra-t-elle retrouver une personne disparue, apaiser son père grincheux et affronter un gang de motards sanguinaires alors que le fils du Diable refuse de renoncer à la séduire et  se venger d’elle?

Ce que j’en pense
J’ai beaucoup aimé les deux premiers volumes de cette série, mais ce troisième volume prend en ampleur. Ou plutôt, l’univers étant mis en place, Darynda Jones peut se laisser aller à sa fantaisie en toute connivence avec sa lectrice. L’intrigue est captivante, ou plutôt les intrigues, car il y a d’un côté l’enquête sur ce curieux docteur dont la femme a disparu, de l’autre l’aventure à rebondissements avec le divin - que dis-je, le diabolique - Reyes Farrow. Et puis il y a ces situations rocambolesques et hilarantes, qui me font penser au ton des Stephanie Plum, situations dans lesquelles notre héroïne converse avec des morts parfois bien barrés, des motards pas si effrayants, et même un mineur bien utile. Sans oublier Cookie, évidemment. J’aime la légèreté de cette série, sa fantaisie, son rythme endiablé, son humour, ses personnages, et si je ne commence pas tout de suite le quatrième tome, c’est uniquement pour faire durer le plaisir, car les volumes nous sont comptés!


Darynda Jones, Troisième tombe tout droit (Third Grave Dead Ahead), Charley Davidson T03, Milady, 2012. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Pernot. Publication originale: 2012.

mercredi 20 août 2014

Après la guerre de Hervé Le Corre


Présentation (éditeur)
Bordeaux dans les années cinquante. Une ville qui porte encore les stigmates de la Seconde Guerre mondiale et où rôde la silhouette effrayante du commissaire Darlac, un flic pourri qui a fait son beurre pendant l'Occupation et n'a pas hésité à collaborer avec les nazis. Pourtant, déjà, un nouveau conflit qui ne dit pas son nom a commencé ; de jeunes appelés partent pour l'Algérie. Daniel sait que c'est le sort qui l'attend. Il a perdu ses parents dans les camps et, recueilli par un couple, il devient apprenti mécanicien. Un jour, un inconnu vient faire réparer sa moto au garage où il travaille. L'homme n'est pas à Bordeaux par hasard. Sa présence va déclencher une onde de choc mortelle dans toute la ville, tandis qu'en Algérie d'autres crimes sont commis… 

Ce que j’en pense
Pour rappel, je n’avais pas totalement été emballée par L’homme aux lèvres de saphir, dont je reconnais toutefois la grande qualité, et j’avais été bouleversée par Les coeurs déchiquetés, qui allie tout ce que j’aime dans le roman noir (noirceur, émotion, exigence de l’écriture). Par conséquent je me suis réjouie lors de la parution de Après la guerre, qui patientait depuis des semaines déjà et qui a trouvé son moment cet été… Hervé Le Corre réussit ici un roman magistral, qui brasse deux époques historiques proches mais complexes, l’Occupation et la guerre d’Algérie. Il éclaire les périodes en question sans jamais être pesant ni simpliste. Il entrelace les points de vue avec une grande maîtrise, avant de joindre tous les fils narratifs dans un final pas totalement surprenant (ce n’est pas le but) et éblouissant de noirceur (si si, on peut être ébloui par la noirceur, je vous jure). Les personnages sont tous captivants, forts, pas toujours aimables, et ils ne sont jamais caricaturaux. J’ai particulièrement aimé que l’auteur ne cède pas à la facilité quand il est question de la guerre d’Algérie: les jeunes appelés sont évidemment endoctrinés, et puis l’humanité ne brille pas particulièrement en temps de guerre, mais les officiers évoqués ne sont pas monstrueux, loin des caricatures parfois présentées; cela n’empêche pas cette guerre qui ne dit pas son nom d’être monstrueuse, elle. 
Et puis, même si ce n’est qu’annexe, ce roman m’a fait réfléchir à ce qu’on appelle - ou non - roman régional, car Hervé Le Corre s’était exprimé à ce sujet dans un numéro d’Alibi (avant la parution de Après la guerre), rejetant cette étiquette pour ses romans, niant l’existence d’un « roman bordelais ». Après la guerre est clairement ancré à Bordeaux (comme point central pour les personnages), et pourtant, cela me semble évident, Après la guerre n’est en rien un roman bordelais au sens où on l’entend pour les polars régionaux qui ont fleuri ces dernières années. En lisant, je me demandais pourquoi j’avais cette conviction. Il ne s’agit pas de l’ampleur du propos, « universel » quand on parle de littérature, non, ce n’est pas ça (je ne suis pas certaine que ça veuille dire grand chose pour la plupart des lecteurs, d’ailleurs). Il me semble que dans les polars régionaux (et j’en ai lu un certain nombre, souvent sans enthousiasme), il y a toujours la volonté de rendre hommage à la ville/région évoquée, même lorsque les apparences sont peu glorieuses, il se dégage un désir de louer ou de réhabiliter un endroit dans ce qu’il a de spécifique, de particulier, de différent. Le roman régional peut être sombre (ce n’est d’ailleurs pas la dominante, me semble-t-il), mais la ville/région se trouve toujours, d’une manière ou d’une autre, rehaussée, et par ailleurs, le lieu est l’un des sujets majeurs du roman. 
Rien de tel chez Le Corre: en bon auteur de roman noir, il regarde sous les jupons de Bordeaux et ce n’est pas très propre… La ville suinte d’ailleurs la crasse, on est loin de la pittoresque cité d’Aquitaine. Bordeaux est emblématique des compromissions de l’Occupation et de la Libération, en cela elle est un élément important du roman, mais c’est le trouble de ces époques qui intéresse Hervé Le Corre, qui n’a pas pour but de nous faire un portrait de Bordeaux. Par conséquent, Après la guerre est ancré dans une ville, mais n’a pas pour sujet cette ville. Après la guerre est un grand roman noir qui se passe à Bordeaux, pas un polar régional. 


Hervé Le Corre, Après la guerre, Rivages/Thriller, 2014. Disponible en ebook.

lundi 18 août 2014

911 de Shannon Burke


Présentation (éditeur)
Lorsqu'il devient ambulancier dans l'un des quartiers les plus difficiles de New York, Ollie Cross est loin d'imaginer qu'il vient d'entrer dans un monde fait d'horreur, de folie et de mort. Scènes de crime, blessures par balles, crises de manque, violences et détresses, le combat est permanent, l'enfer quotidien. Alors que tous ses collègues semblent au mieux résignés, au pire cyniques face à cette misère omniprésente, Ollie commet une erreur fatale : succomber à l'empathie, à la compassion, faire preuve d'humanité dans un univers inhumain et essayer, dans la mesure de ses moyens, d'aider les victimes auxquelles il a affaire. C'est le début d'une spirale infernale qui le conduira à un geste aux conséquences tragiques. 

Ce que j’en pense
J’avais un peu peur de ce livre. Son sujet et le ton - d’après ce que j’en supposais - me faisaient penser à ce roman de Joe Connelly, A tombeaux ouverts (adapté par Scorsese au cinéma), sur lequel j’avais calé en 1999 (année de la sortie du film): trop noir, aucune lueur d’espoir ou même d’humanité. Je craignais un roman du même ton. Mais il y a eu les billets de Jean-Marc Laherrère et de La Petite Souris… Et j’ai bravé ma peur (si c’est pas beau, ça). Bien m’en a pris, car 911 est un roman magistral, une grande claque, suivie d’une petite tape de réconfort. Je m’explique. 
Oui, 911 est d’une grande noirceur, c’est une plongée très sombre dans ce que nos sociétés occidentales et urbanisées font de plus effrayant; oui, le protagoniste vit une descente aux enfers, témoin au quotidien de la violence, de la misère, de la bêtise crasse, du désespoir; oui, je me suis dit que tout cela allait droit dans le mur, dans la mort et dans le sang. Mais le propos est d’une force inouïe. D’abord, j’aime que Shannon Burke ne prenne pas de gants, qu’il ne subsiste chez lui aucun angélisme, l’humain est souvent capable du pire, et qu’il y soit acculé par les circonstances sociales (lucidement analysées via le personnage) ne change finalement pas grand-chose à l’affaire. Cela permet de comprendre, voilà tout. Chacun est capable du pire, entraînant au passage ceux qui sont autour. Cela englobe les « usagers » des services d’urgence, considérés ici comme les sujets plus ou moins passifs d’une dégradation du tissu social, avec qui l’on ressent, dans l’ensemble, peu d’empathie, gagnés par la distance du personnage; et les soignants, qui se déploient en une galerie riche, complexe, car jamais Shannon Burke n’est caricatural. Il a lui-même exercé cette profession, il est évident que cela donne du corps à son roman… Le co-équipier est un beau personnage, déchiré sous ses dehors monolithiques, déchirant aussi, par exemple quand le héros le voit sourire à son enfant, sourire au point qu’il le reconnaît à peine, lui qui n’est qu’un bloc de distance dans l’exercice de son métier. 
Ensuite, Shannon Burke ne cherche pas à épargner son lecteur, et certaines scènes sont terribles, mais je n’ai pas ressenti de découragement, bien au contraire, j’avais du mal à interrompre ma lecture (ben oui, faut manger, sortir, parler aux gens!!!). 911 allie la noirceur la plus extrême à une structure narrative qui permet au lecteur de respirer. Je ne parlerai guère de la trajectoire du personnage, pour ne pas dévoiler de choses importantes, mais c’est une trajectoire qui apporte une forme de consolation. Malgré la mort. On referme donc le roman en étant un peu sonné, mais curieusement apaisé… 


Shannon Burke, 911 (Black Flies), Sonatine. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Diniz Galos. Publication originale: 2008. Disponible en ebook.

samedi 16 août 2014

Broadway, Une rue en Amérique, T01, par Djief


Présentation (éditeur)
Carrefour entre les extravagances du music-hall et les « speakeasies » baignant dans les vapeurs prohibées d'alcool frelaté, Broadway ne dort jamais. Ses façades parées d'enseignes lumineuses attirent les hommes et les femmes qui vouent un culte à la nuit. Gangsters, écrivains, danseuses, nouveaux riches ou célébrités, tous se donnent rendez-vous sur la « grande voie blanche », animés d'un même désir : saisir le rêve et le faire sien. Le « Chapman's Paradise » est fermé momentanément : à la mort de Walter, Lenny et George Chapman décident de reprendre la direction de l'établissement. Mais le suicide de l'aîné des trois frères a couvert le club d'une mauvaise aura : il est déserté par ses chorus girls, et les deux frères ne connaissent pas encore grand-chose au monde du showbiz. Faisant fi de leur inexpérience, Lenny et George font le pari de rassembler une nouvelle troupe, et surtout de faire du cabaret un lieu incontournable de Broadway. Fanny King, une chorus girl ingénue et un peu distraite, s'est fait renvoyer du club qui l'employait à cause de son animal de compagnie. Mais la jeune femme est d'une nature optimiste et entreprenante ; ses recherches la mènent tout droit au Chapman's Paradise...

Ce que j’en pense
Djief était un inconnu pour moi, bien qu’il ne soit pas un débutant. C’est néanmoins, je crois, la première bande dessinée qu’il scénarise seul. De fait, le scénario me semble assez classique, même s’il ne s’agit là que du premier tome (l’histoire devrait être complète dans un deuxième volume): héroïne candide, amitiés et rivalités entre danseuses, héritage et relations familiales, sombres machinations, tout y est. C’est néanmoins assez plaisant, et c’est tout de même ce que je cherchais dans cette bande dessinée. La seule chose qui m’a réellement gênée est le recours aux récitatifs, par lesquels un narrateur (omniscient) nous apporte des informations sur les situations ou les personnages: il y a ceux qui me semblent superflus, et ceux qui semblent indispensables, mais qui me semblent toutefois lourds, comme si quelque chose était raté puisqu’il faut avoir recours à un récitatif… 
En revanche, le dessin emporte mon adhésion sans réserve. Djief excelle dans les scènes de rue, il donne une beauté stupéfiante à New York, à Broadway, tout comme il donne sa pleine mesure en dessinant l’intérieur du music-hall, la scène, le public. N’allez pas croire cependant que son dessin est statique, il sait insuffler du dynamisme. J’aime aussi sa façon de croquer les personnages, et les dessins de silhouettes féminines de ces années folles sont très beaux… 
Broadway n’est sans doute pas un coup de coeur pour moi, mais c’est un bon album et j’achèterai assurément le tome 2. 
Pour voir quelques planches, allez là!


Djief, Broadway, Une rue en Amérique. Tome 1, Soleil/Quadrants, 2014.

jeudi 14 août 2014

Bilan de juillet (il serait temps!)

(je me verrais bien habiter là, moi)

Oui, je me suis un peu laissée dépasser ces derniers temps et je n'ai pas fait de bilan pour juin... Tant pis! Reprenons avec juillet: beaucoup de billets en retard, qui viendront - ou pas - en août. Et août est déjà bien avancé... La faute aux vacances, un petit tour par ci, un petit tour par là, des difficultés de connexion en déplacement et une grosse paresse...

Peu de lectures jeunesse ces derniers temps, des envies mais curieusement ces romans me passionnent moins en ce moment. Ainsi, je n'ai pas été captivée par Games de Barry Lyga. Il s'agit de la suite de I Hunt Killers, que j'ai adoré. La suite ne démérite pas en terme de tension narrative mais je la trouve moins intéressante, les questions essentielles ayant été posées dans le premier volume. De plus ce second volume se termine sur un énoooooooorme cliffhanger, on pourrait même dire qu'il se termine au beau milieu d'un truc, et ça me fatigue... Autre lecture jeunesse, Eleanor & Park de Rainbow Rowell, de très beaux personnages, une histoire sur fond d'années 80 (ce qui me parle, évidemment), à lire ou faire lire. 
 


Allez, retournons au noir (back to black)... Des lectures fortes, ô mon dieu comme c'est bon! Oublions Vilaines filles de Megan Abbott, et retenons Les chiens de Belfast dont j'ai parlé, je ne m'appesantis pas. Il y a surtout eu 911 de Shannon Burke, du noir d'encre, magistral, terrible, et Après la guerre de Hervé Le Corre, éblouissant de maîtrise, somptueux, accablant. Le Corre est décidément un très grand du roman noir français. De ces deux romans je vous reparlerai, pas moyen de faire autrement.
 

Des échappées divertissantes, avec le romanesque et captivant deuxième tome du Livre perdu des sortilèges de Deborah Harkness, L'école de la nuit, qui est mon pavé de l'été pour Brize. Et beaucoup de légèreté avec Demain j'arrête de Gilles Legardinier, qui patientait depuis fort longtemps dans ma pile à lire mais que je regardais avec méfiance. J'ai passé un bon moment, je vous en reparlerai.

 Du moins fun avec La place de l'Etoile de Patrick Modiano, son premier roman, qui m'a un peu déconcertée et que je n'ai pas beaucoup aimé, même s'il contient toutes les thématiques chères à l'auteur. Et une belle découverte: Le bruit des autres de Amy Grace Loyd, repéré à sa sortie dans Les Inrocks, et qui m'a enchantée, bouleversée, un roman très new-yorkais comme j’aime.


Enfin, des BD, avec bonheur. Outre Les Vieux fourneaux et Literary Life, dont je vous ai parlé, il y a eu Ainsi soit Benoîte Groult de Cateĺ, passionnant roman graphique, Lune et l'autre, de Germain, dispensable, Où sont passés les grands jours de Jim et Tefenkgi, bien. Et la claque: Blast, de Larcenet, les quatre volumes ingurgités en un weekend... Billets publiés ou à venir. 

Et puis il y a eu l'expo Gotlib à Paris, passionnante, et deux revues que j'ai eu grand plaisir à dévorer: Alibi, que je fréquente de temps à autre, et Mythologica, pour un passionnant dossier sur le steampunk, largement rédigé par THE spécialiste, Étienne Barillier. 


Juillet s'achève sur la lecture dévorante des Apparences de Gillian Flynn, encore du polar, et de bonne facture même si ce n’est pas ce que je préfère… A suivre, donc... 

mardi 12 août 2014

Challenge Pavé de l'été : L'école de la nuit (Le livre perdu des sortilèges T02) de Deborah Harkness


Présentation (éditeur)
Diana Bishop, jeune historienne héritière d'une puissante lignée de sorcières, et le vampire Matthew Clairmont ont brisé le pacte qui leur interdisait de s'aimer. Quand diana a découvert l'Ashmole 782, un manuscrit alchimique, à la bibliothèque d'Oxford, elle a déclenché un conflit millénaire. La paix fragile entre les vampires, les sorcières, les démons et les humains est désormais menacée.

Déterminés à percer le mystère du manuscrit perdu, et tentant d'échapper à leurs ennemis, Diana et Matthew ont fui à Londres... en 1590. Un monde d'espions et de subterfuges, qui les plonge dans les arcanes du passé de Matthew et les confronte aux pouvoirs de Diana.
Et à l'inquiétante École de la nuit.



Ce que j'en pense
Il y a quelques mois, je me suis laissée embarquer par le premier volume de la trilogie de Deborah Harkness, Le livre perdu des sortilèges. Comme ce n'était pas un mince volume, j'ai patienté avant de m'attaquer au tome 2, L'école de la nuit, l'été me semblant propice à une telle lecture. Et puis quand je me suis inscrite au challenge estival proposé par Brize, L'école de la nuit m'a semblé parfait pour le "pavé de l'été"! 
J'ai eu grand plaisir à retrouver les personnages et à en découvrir de nouveaux au gré de ce volume qui prend place dans l'Angleterre élisabéthaine. Nos deux héros se réfugient dans ce passé où notre vampire bien-aimé, Matthew, se meut avec aisance, afin de retrouver le manuscrit Ashmole 782. Diana va apprendre à connaître sinon à maîtriser sa magie, tandis que Matthew retrouve ses vieux amis, parmi lesquels un certain Christopher Marlowe... Ce n'est pas le moindre des charmes de ce deuxième volume que de nous faire explorer le Londres du 16e siècle, et Deborah Harkness utilise de manière romanesque et remarquable sa formidable érudition, relisant à sa manière et pour les besoins de l'intrigue certaines figures et certains événements attestés. 
En revanche, L'école de la nuit s'éloigne assez nettement de la bit-lit, me semble-t-il, car l'histoire d'amour entre notre sorcière et le vampire se porte bien (merci pour eux), et n'est pas un enjeu romanesque fort. Le roman reste toutefois solidement ancré dans la fantasy, Diana explorant ses aptitudes surnaturelles dans une atmosphère de chasse aux sorcières.
L'ensemble est captivant, charmant, érudit et pourtant léger. Deborah Harkness n'a pas d'autre but que de divertir, et elle accomplit sa mission avec brio. J'ai hâte, ô combien, de lire le troisième volume, annoncé pour l'automne*. 
Bref, ce fut un pavé de l'été enthousiasmant. Pour aller sur la page récapitulative du Pavé de l'été chez Brize, c'est ici !!!!

Deborah Harkness, L'école de la nuit, Orbit, 2012. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascal Loubet. Disponible en Livre de Poche : 936 pages.  


* Le nœud de la sorcière est annoncé pour octobre 2014, chez Orbit évidemment. 

samedi 9 août 2014

Blast, T01 à 04, de Manu Larcenet






Présentation (BDgest)
Un homme est en garde à vue et deux flics le cuisinent. En douceur, sinon il risque de se verrouiller. L’homme s’appelle Polza Mancini, il a 38 ans, il est obèse et, avant de tout quitter pour tailler la route en direction de l’île de Pâques, il était écrivain. Maintenant, il est en garde à vue parce qu’il a fait quelque chose à Carole Oudinot, quelque chose de grave. Les flics sont là pour essayer de comprendre, et Polza se raconte, tranquillement. Tout a commencé le jour où il a vu son père mourant. C’est là qu’est arrivé le premier blast… Techniquement, le blast est l’effet que provoque une explosion sur l’organisme. Son blast à lui, c’était dans la tête, et ça l’a « modifié ». Explication que les flics, plutôt portés sur la rigueur des faits, ont du mal à gober : « Rhololo ! Les conneries… » S’ensuit un huis clos fascinant, d’où l’on s’évade au gré des souvenirs de Polza.

Ce que j'en pense
Cela faisait un moment que je me promettais de lire Blast, dont les quatre volumes étaient disponibles dans la bibliothèque familiale. J’avoue que cette somme me faisait un peu peur, à cause de la noirceur soulignée par tous. Mais j’aime énormément le travail de Larcenet (Le Combat ordinaire est un grand choc narratif de ces dernières années), Blast était donc incontournable. 
J’ai lu les quatre volumes sur deux jours, profitant de ce début de week-end pour éviter une lecture morcelée. Qu’en pensé-je? Waouh… Ne nous voilons pas la face: ce n’est pas une lecture plaisante, ce n’est pas une oeuvre graphique aimable, et il n’est pas certain que je relirai cette bande dessinée. C’est du moins ce que je me suis dit en refermant le volume 4, mais en réalité, au moment où j’écris ces lignes, quelques heures après, je pense que j’aurai envie de revoir certaines planches. En tout cas, amateurs de légèreté et de friandises graphiques, passez votre chemin. Blast est tout en noirceur, offrant un personnage repoussant, des destins fracassés. L’ensemble dégage pourtant une poésie à la hauteur de la noirceur du récit et du dessin, ce qui n’est pas peu dire. Polza, l’anti-héros dont nous suivons les aveux avec la même circonspection, le même dégoût, la même attention et parfois la même colère que les deux policiers qui l’entendent, est un personnage riche, complexe, qui interroge le rapport au corps, à l’identité, à la folie, tour à tour repoussant et bouleversant. A travers lui, Larcenet aborde une fois encore le rapport au père, mais Blast est par ailleurs traversé par une foule de figures paternelles (réelles ou symboliques), ambivalentes, pas toujours protectrices. 
Ces quatre volumes débordent toutes les catégories, tout à la fois oeuvre noire, drame social et psychologique, réflexion mystique et poétique. Si la construction du récit sur les quatre volumes force l’admiration, le dessin n’est pas en reste et il faut reconnaître qu’avec Blast, Larcenet se surpasse. Il travaille les noirs et les gris de manière saisissante, avec seulement quelques pages en couleurs, pour évoquer le passé ou les moments de « blast », dans une explosion colorée, où se superposent le trait de Larcenet et des dessins d’enfants. De cette grande noirceur s’échappent des cases et des planches qui restituent la beauté simple, sobre et sauvage de la nature, la vraie, avec sa faune. Les visages m’ont également saisie: chez Polza, chez son père, il y a une oscillation entre le réalisme du trait et une stylisation poétique, qui confère aux visages des allures d’oiseau ou de pierrot (un peu monstrueux). 

Bref, Blast est une très grande oeuvre graphique, saisissante et bouleversante. 

Manu Larcenet, Blast, Dargaud, 2009-2014.
T01, Grasse Carcasse, 2009.
T02, L'apocalypse selon Saint Jacky, 2011.
T03, La tête la première, 2012.
T04, Pourvu que les bouddhistes se trompent, 2014.

mercredi 6 août 2014

Miss Alabama et ses petits secrets de Fannie Flagg


Présentation
Birmingham, USA. Ex-Miss Alabama. Maggie Fortenberry a pris une grande décision. Après avoir pesé le pour et le contre, elle a décidé de mettre fin à ses jours. Elle n'est ni malade, ni déprimée, elle a un travail plutôt agréable dans une petite agence immobilière locale, mais elle a, malgré tout, trouvé seize bonnes raisons d'en finir, la principale étant peut-être qu'à 60 ans, elle pense avoir connu le meilleur de la vie. Continuer, pour aller vers quoi ? Maggie a donc arrêté la date de sa mort et se consacre désormais méticuleusement à en régler les derniers détails, en tenant à jour la liste des dernières choses à faire avant de disparaître. Mais peu de temps avant de passer à l'acte, Maggie est invitée par une de ses collègues, Brenda, à un spectacle de derviches tourneurs. Le trouble est jeté dans son esprit. La représentation est dans six jours, elle peut bien attendre six jours encore avant de mourir, ne serait-ce que pour faire plaisir à Brenda. Loin est-elle de se douter combien ces six jours seront riches en surprises, en secrets dévoilés et en événements imprévus qui vont lui montrer que la vie a beaucoup plus à lui offrir qu'elle ne le pense.

Ce que j'en pense

De toute évidence, Miss Alabama et ses petits secrets (encore une traduction de titre stupide) est l’équivalent en littérature des feel-good-movies: on ressort de la lecture apaisé, souriant. Miss Alabama a des secrets, certes, mais le secret majeur, dévoilé dès le début, est qu’elle veut se supprimer, en finir avec la vie. Elle prévoit tout mais… Je n’en dirai pas plus. Notre héroïne, ancienne miss Alabama, toujours une beauté élégante, va de contrariété en contrariété, ce qui l’oblige constamment à différer ses projets de suicide; rien de glauque là-dedans, au contraire. Cette incorrigible altruiste, dotée d’un sérieux sens de l’engagement et d’une loyauté à toute épreuve, met constamment ses projets entre parenthèses pour aider ses amies. Et Fannie Flagg excelle à mettre en scène son petit groupe de femmes, qui toutes traversent l’existence avec détermination, malgré les difficultés. Mine de rien, Fannie Flagg évoque des décennies d’histoire des femmes, abordant souvent les choses sous un angle social qui n’est pas pour me déplaire. C’est ce qui faisait la force de Beignets de tomates vertes, c’est ce qui fait le sel de ce roman. Alors oui, le récit prend le chemin de l’optimisme, mais comme il fait sans niaiserie, il n’est pas désagréable de se laisser emporter. 

Fannie Flagg, Miss Alabama et ses petits secrets (I Still Dream about You), Le Cherche-Midi, 2014. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Luc Piningre. Publication originale: 2012. Disponible en ebook.