vendredi 31 juillet 2015

Reading Challenge 2015 : un point

Image empruntée ici

Rappelez-vous : j'en étais à 16/50. Et maintenant, un point (en vert, les nouveaux items atteints).

1) Un livre de plus de 500 pages : Le noeud de la sorcière de Deborah Harkness

2) Un livre devenu un film : Dune de Frank Herbert

3) Un livre publié cette année : Temps glaciaires de Fred Vargas

4) Un livre avec un nombre dans le titre : Au bord de la 6ème tombe de Darynda Jones

5) Un livre écrit par un auteur de moins de 30 ans : 

6) Un livre avec des personnages non humains : Les liens du sang de Patricia Briggs

7) Un livre drôle : Vampire et célibataire de MaryJanice Davidson

8) Un livre écrit par une femme : J’ai l’embarras du choix, alors citons Vernon Subutex de Virginie Despentes.

9) Un livre noir ou un thriller : Les initiés de Thomas Bronnec

10) Un livre dont le titre est un mot unique : Soumission de Michel Houellebecq

11) Un recueil de nouvelles :

12) Un livre qui se déroule dans un autre pays : Mentir (One Tiny Lie) de K.A. Tucker

13) Un ouvrage hors fiction : Les étrangers sont nuls de Pierre Desproges

14) Le premier roman d'un auteur populaire : 

15) Un livre d'un auteur que j'aime et que je n'ai pas encore lu : 

16) Un livre recommandé par un ami : 

17) Un livre ayant reçu le prix Pullitzer - ou un prix français, soyons francophile ! - :

18) Un livre à partir d'une histoire vraie : 

19) Un livre en tête de liste à lire :

20) Un livre que ma mère aime : Impossible… désolée. 

21) Un livre qui effraie : 

22) Un livre de plus de 100 ans : Orgueil et préjugés de Jane Austen

23) Un livre choisi à partir de sa couverture :

24) Un livre que j'aurais dû lire à l'école et que je n'ai pas lu :

25) Des mémoires :

26) Un livre achevé en une journée : 

27) Un livre avec des antonymes dans le titre :

28) Un livre se déroulant dans un lieu que j'ai toujours voulu visiter : 

29) Un livre publié l'année de ma naissance :

30) Un livre ayant reçu de mauvaises critiques : La gaieté de Justine Lévy

31) Une trilogie : 

32) Un livre de mon enfance : 

33) Un livre avec un triangle amoureux : Prettu Reckless de Jodi Linton (USA : Texas)

34) Un livre se déroulant dans le futur :

35) Un livre se déroulant dans un établissement scolaire :

36) Un livre avec une couleur dans le titre :

37) Un livre qui fait pleurer : Nos faces cachées de Amy Harmon

38) Un livre avec de la magie : Les deux premiers tomes des aventures de Rachel Morgan de Kim Harrison.

39) Un roman graphique : Petites coupures à Shioguni de Florent Chavouet

40) Un livre d'un auteur que je n'avais jamais lu auparavant : 

41) Un livre que j'ai mais que je n'ai pas encore lu :

42) Un livre qui se déroule dans ma ville de naissance : Euh, ça je préfère éviter, j’ai déjà donné, stop! (mais promis, j'essaierai de me sacrifier pour le challenge)

43) Un livre publié initialement dans une autre langue : La bibliothèque des coeurs cabossés de Katarina Bivald

44) Un livre dont l'action se déroule pendant les fêtes de Noël :

45) Un livre écrit par un auteur qui a les mêmes initiales que moi : 

46) Une pièce de théâtre : 

47) Un livre interdit :

48) Un livre inspiré ou qui a inspiré une série télévisée :

49) Un livre que j'ai commencé et que je n'avais jamais terminé : Corsets et Complots de Gail Carriger

50) Une romance classique

Bilan : 21/50. 

mercredi 29 juillet 2015

Le Sculpteur de Scott McCloud


Présentation
David Smith est un artiste exigeant qui veut se faire une place sur le marché de l'art et qui est prêt à donner sa vie pour cela... C'est d'ailleurs ce qu'il fait : un pacte avec la mort. Son talent est décuplé, il peut sculpter ce qu'il veut à mains nues. En échange, il mourra dans 200 jours. Ce pacte satisfait pleinement le jeune homme, mais c'est sans compter sur les embûches d'un milieu complexe et parfois injuste, et surtout sans compter sur l'amour, qui survient quand on ne l'attend plus. 

Ce que j'en pense
Disons-le tout de suite, j'ai été déçue. Scott McCloud n'est pas n'importe qui et j'avais lu tant de critiques et de billets élogieux sur ce roman graphique imposant que je m'attendais à être emportée comme je l'avais été, en son temps, par Craig Thompson et Blankets (sur une thématique différente). 
L'ensemble est très bien exécuté, à la fois dans le dessin et dans la construction du récit. Il y a des planches superbes, intéressantes, intelligentes.
Pourtant, je me suis ennuyée. Les thèmes abordés sont certes passionnants: l'art est-il plus important que la vie? l'art est-il aussi une question de communication et de médiatisation? quel rapport l'art entretient-il avec la folie, l'amour, la maladie, la mort? Le problème est que je n'ai jamais été touchée par les personnages, car le tout est traité de manière convenue. J'ai eu l'impression de lire une histoire vue et revue de pacte faustien, d'angoisse morbide, avec une réaffirmation pour moi sans originalité de l'urgence de vivre, d'aimer, de la victoire ultime de la vie et de l'art.
Bref, ennui, ennui, ennui...

Scott McCloud, Le Sculpteur (The Sculptor), Rue de Sèvres, 2015. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fanny Soubiran. 

samedi 25 juillet 2015

Pretty Reckless de Jodi Linton


Présentation
Laney Briggs est lieutenant au bureau du shériff à Pistol Rock, petite bourgade du Texas où l'on a, comme il se doit, la gâchette facile. Elle doit épouser le parfait Nathan, vétérinaire local, qui lui a fait oublier ou presque l'histoire douloureuse avec Gunner Wilson. Alors qu'elle est envoyée sur le lieu d'une altercation sur fond d'arme à feu entre deux cow-boys pour une histoire de bétail mort, elle découvre un cadavre. Sur ces entrefaites, arrive en ville le Ranger... Gunner Wilson, venu enquêter sur une affaire de Kétamine.

Ce que j'en pense
C'est au hasard de mes pérégrinations sur le net que j'ai entendu parler de cette série des Laney Briggs, recommandée aux amateurs de Janet Evanovich: vous pensez si cela m'a intriguée, et bien que la série n'ait pas été traduite en français, je me suis laissée tenter. En dépit de quelques réserves, je suis assez emballée pour dire que je lirai le deuxième volume. 
Mes réserves portent sur deux points :
- oui, il y a quelque chose de l'univers de Janet Evanovich dans le côté polar léger pour poulettes (car la cible me semble clairement féminine), mais dans ce premier tome tout au moins, l'ensemble est moins barré et moins drôle que les Stephanie Plum. 
- l'intrigue était un brin prévisible. Je ne veux pas dévoiler l'histoire plus avant, mais disons que c'est un livre américain: il fallait qu'une certaine morale soit sauve sans contrevenir aux pulsions et sentiments de l'héroïne. Pour cela, il n'y avait qu'une solution (narrative et morale). Je n'en dis pas plus.
Néanmoins, ces deux réserves étant énoncées, je précise que j'ai aimé, que j'ai pris grand plaisir à lire ce roman. Sur la première réserve, je dirais qu'il y a du potentiel, que ce soit du côté du collègue de Laney, du tenancier de bar/empailleur de bêbêtes/coroner, de Boomer ou des parents de Laney. Quant au caractère prévisible de l'intrigue, il ne m'a pas gênée, la solution adoptée m'allait parfaitement...
Pour le reste, j'ai aimé le caractère dépaysant de ce Texas profond, tout en chaleur et poussière, j'ai aimé l'héroïne au caractère bien trempé, peu complaisante envers elle-même, une fille qui en a juste assez pour être comme j'aime, dans un Texas tout de même archi-machiste. J'ai aimé tout de suite Gunner Wilson, malgré son côté "pushy" un peu dérangeant au début. 
Bref, des personnages adoptés d'emblée, un univers riche de promesses, une intrigue qui se tient et qui me tient éveillée, que du bonheur, quoi!

Jodi Linton, Pretty Reckless, Entangled Publishing, 2014. Disponible en e-book.


jeudi 23 juillet 2015

Demain est une autre vie de Thierry Serfaty


Présentation
Jamie Byrnes se réveille après un cauchemar très évocateur dans lequel il a un accident de voiture. Il ne reconnaît ni la femme aimante et belle qui est à ses côtés, ni les deux beaux enfants qui les rejoignent pour le petit-déjeuner. 

Ce que j'en pense
Dans l'opération "Faisons baisser cette PAL nom d'une pipe", et lors d'une nuit étouffante où je guettais (en vain) la pluie annoncée, je me suis saisie d'un polar qui traînait là depuis des mois et des mois, fruit d'un cadeau bien intentionné mais mal avisé. Mal avisé car Demain est une autre vie de Thierry Serfaty s'annonçait d'emblée comme un thriller, genre que je ne goûte guère, comme vous le savez. Mais bon, j'avais besoin d'un polar fastoche, pas dérangeant: allons-y. 
J'ai eu mon compte et moins encore, si vous me permettez de le dire ainsi. Oh, Thierry Serfaty (que je ne connais même pas de nom) ne démérite pas vraiment, il fait le job, comme on dit. C'est du thriller comme je n'aime pas, voilà tout: une bonne idée de récit mais une thématique vue et revue (l'amnésie, le coma), des rebondissements et même des retournements incessants en veux-tu en voilà (et j'ai horreur de ça, ça m'agace et je trouve ça facile), un coupable archi-prévisible, la fuite d'un héros injustement accusé et victime d'une machination diabolique (what else?), un happy end bien rassurant. Ah! les déconvenues liées aux écrits convenus... 
C'est le genre de livre dont je viens à bout un peu distraitement, juste pour vérifier que j'avais raison de ne pas aimer. Encore une fois, Thierry Serfaty n'est pas en cause et maîtrise bien son histoire : il manque d'originalité tout au plus. Mais ces machines bien huilées que sont les thrillers sans grande imagination m'ennuient par leur côté mécanique, précisément, et parce qu'ils n'ont rien à dire, mais alors, rien de rien. 
Voilà, un titre de moins dans ma PAL. Et dans ma bibliothèque tant qu'on y est. Ceci dit, un autre roman de l'auteur m'y attend (même cadeau, évidemment). Là tout de suite je n'ai pas très envie, mais qui sait? J'aimerai peut-être.

Thierry Serfaty, Demain est une autre vie, Albin Michel, 2011. 

mardi 21 juillet 2015

La garden-party de Thierry Bouüaert d'après Katherine Mansfield


Présentation
C'est le grand jour : la garden-party, et toutes les conditions sont réunies pour que ce soit une journée exceptionnelle. Pourtant, Laura est bouleversée car un homme est mort, un ouvrier qui habitait dans les pauvres logis à deux pas de la somptueuse propriété familiale. Faut-il maintenir la garden-party? 

Ce que j'en pense
Adolescente, par les hasards de mes lectures de la presse littéraire, je suppose, j'ai lu le Journal de Katherine Mansfield, et dans la foulée, La Garden-Party et autres nouvelles. J'ai le souvenir d'avoir adoré ce recueil, qui évoque pour moi la délicatesse des émotions, des sentiments - heureux ou douloureux - mais aussi un rapport à la fois sensuel et contemplatif au monde, qui ne pouvait que parler à une ado. Et comme à la même époque je lisais un peu Tchekhov, le rapprochement s'imposait, et quand je repense à Mansfield (jamais relue depuis), le qualificatif qui s'impose à mes yeux est "tchékhovien". 
Il se trouve que lors de mon dernier et récent séjour à Bruxelles, je suis allée, comme à chaque fois ou presque, au Musée de la Bande dessinée. Cette fois, j'au redécouvert la section de la collection permanente, complètement refaite et repensée, pour le meilleur. On suit les étapes de la réalisation d'une bande dessinée au lieu d'avoir un parcours strictement historique (sauf au début), et c'est formidable. Parmi les exemples proposés, il y avait un album que je connaissais pas, d'un dessinateur dont je n'avais jamais entendu le nom, Thierry Bouüaert, album intitulé Garden Party, librement inspiré de la nouvelle de Katherine Mansfield. La méthode de travail exposée était originale et intéressante, et j'ai par ailleurs été saisie par la beauté du dessin. A mon retour, sans hésiter, j'ai commandé la bande dessinée, et téléchargé le recueil de Mansfield, disponible gratuitement en e-book puisque dans le domaine public (excellente édition de la Bibliothèque Electronique du Québec, as usual). 

J'ai relu la nouvelle, superbe et déchirante, lumineuse et belle. Je n'avais plus aucun souvenir de l'argument (pensez, j'avais 14 ans) mais l'écriture et l'atmosphère étaient conformes au souvenir que j'en avais gardé: tchékhoviennes! 
Ravie, j'ai alors pu dévorer l'album. C'est un travail magnifique et d'une grande intelligence dans l'adaptation. Par son dessin délicat, Thierry Bouüaert rend compte du plus difficile : le rapport ultra-sensible au monde de la jeune fille, les sensations de cette journée ensoleillée, les émotions exacerbées de cet âge. Mais il réussit à souligner ce qui est toujours discret (mais bien là) chez Mansfield : un propos sur le monde, les rapports de classe, en transposant à notre époque l'intrigue. Dans la nouvelle nous ne savons presque rien de l'homme mort qui perturbe la jeune fille en cette journée de festivités, tandis que l'album s'ouvre sur ses derniers instants. Il devient ici un chauffeur-livreur sous pression, pression d'un employeur qui veut toujours gagner du temps, pression des créanciers qui le chassent de chez lui. Tout au long de l'album, radio en sourdine, conversations de la garden-party évoqueront la crise financière, ses conséquences sur les gens "d'en bas". Thierry Bouüaert souligne ainsi la portée sociale du récit, sans en gommer les élans de l'âme et sans en trahir l'esprit. 
Le dessin est somptueux, délicat et précis. La garden-party permet de croquer quelques beaux spécimens de cette classe aisée, pleine de morgue. Comme dans la nouvelle, la nature (domptée) des jardins est rendue avec une grande beauté, et Thierry Bouüaert parvient à rendre compte du rapport sensuel et contemplatif de la jeune fille. Les derniers planches, dont je ne dirais rien, sont déchirantes. J'ai été conquise de bout en bout, à la fois par la transcription fidèle à l'essentiel et absolument personnelle dans la relecture, mais aussi par le travail graphique, magnifique de maîtrise et de sensibilité. 
C'est donc une très belle découverte! 

Katherine Mansfield, La Garden-Party et autres nouvelles, Stock, 1929. Traduit de l'anglais par Marthe Duproix. Edition électronique établie par La Bibliothèque électronique du Québec, dans la collection Classiques du 20è siècle
Thierry Bouüaert, La Garden-Party, Quadrants (Soleil), 2011. 

dimanche 19 juillet 2015

Catharsis de Luz



Il en va du 7 janvier 2015 comme du 11 septembre 2001: un choc, un bouleversement dans la vision du monde. Evidemment, Catharsis de Luz est directement lié à tout cela, et l’on retrouve dans l’album la catharsis du titre. Certaines planches font rire ou sourire, d’autres bouleversent tout simplement. Il y a l’impossibilité de dessiner et la sidération qui laisse sans mots et sans forme, si je puis dire; il y a la douleur, il y a l’amour. Le dessin exprime de façon saisissante et bouleversante l’émotion, le sentiment: horreur, amour, douleur, on passe de l’un à l’autre, car il n’est pas question d’exercer ici le regard du dessinateur exercé à l’analyse et à la compréhension. Pour Luz, il n’y a pas ici de volonté d’analyse, juste la restitution de la douleur et du manque : manque de ceux qui sont partis, absence du dessin. 
Mais ce que permet cette catharsis et ce dont j’ai envie de parler ici, c’est de cette renaissance au dessin. Le dessin de presse, le caractère jeté d’un trait qui réagit à l’actualité et l’analyse font parfois oublier le talent des dessinateurs, l’étendue de leur palette et la diversité de leurs ressources. Luz démontre par Catharsis qu’il est un excellent dessinateur, doté d’un sens graphique remarquable, capable d’explorer. 

D’un dessin perdu sous le choc, on passe à un dessin qui se cherche, dans le caractère « brouillon », dans les techniques ou dans le tribut aux aînés. Les planches brouillonnes montrent en réalité un sens graphique très évocateur, et le dessin perdu se cherche.

De la tétanie du dessin, des sentiments, on passe à une renaissance au dessin et à un retour à l’amour: l’album Catharsis en est la chronique, étourdissante au final de maîtrise, bouleversante.   
                                            
Luz a depuis quitté Charlie Hebdo, incapable de faire face à l’absence. Catharsis marque le début d’une autre carrière, assurément.


Luz, Catharsis, Futuropolis, 2015. Disponible en e-book. 

vendredi 17 juillet 2015

Bloody Cocktail de James M. Cain


Présentation (éditeur)
Hyattsville, Maryland, début des années 1960. Joan Medford, une jeune veuve soupçonnée d’avoir provoqué l’accident de voiture dans lequel a péri son mari violent et alcoolique, est obligée de trouver rapidement un travail pour obtenir la garde de son fils, placé chez sa belle-sœur qui la hait.
Grâce à l’aide d’un officier de police bienveillant, Joan devient serveuse dans un bar à cocktails de luxe, le Garden of Roses.
Là, elle fait la connaissance de deux habitués, Earl K. White III, un vieil homme d’affaires richissime, et Tom Barclay, un jeune homme fougueux nourrissant des ambitions politiques.
Entre les deux, son cœur ne balance pas. Pourtant, la jeune femme décide d’accepter la demande en mariage de White. Peut-on refuser quoi que ce soit à un homme qui vous laisse des pourboires de 50 000 dollars ?

Ce que j'en pense
J’ai adoré ce roman. D’abord pour son côté « retour aux fondamentaux », James M. Cain étant un grand du genre, avant participé aux fondations du roman noir dans ce qu’il a de meilleur à mes yeux. Ensuite parce que d’un point de vue narratif, c’est très malin. Enfin parce que l’édition est très intéressante, le manuscrit - tardif - offrant plusieurs possibilités de dénouement à un éditeur qui nous expose avec intelligence ses choix. 
On retrouve ici des motifs et des figures qui ont fondé le genre, dans son versant « trajectoires ordinaires et tragiques » mais aussi dans son versant « dissection psycho-sociale de l’humanité ». Une jeune veuve hautement suspecte de la mort de son défunt mari, un homme qui la frappait pet passait son temps à boire, une bombe sexuelle, une de ces femmes fatales, voire létales, comme le roman noir a si bien su les développer; des hommes qui sont raides d’elle, entre vieil homme riche et jeune loup séduisant; une amie aux conseils avisés, une de ces nanas au bon sens salutaire et  à la loyauté indéfectible comme le polar US a su si bien les brosser… Les ingrédients sont là pour que tout se noue, pour le pire. 
Tout ça pourrait sembler bien classique, mais c’est sans compter sur la maîtrise du vieux renard qu’est James M. Cain, son talent ne s’étant pas le moins du monde émoussé : il choisit de nous raconter l’histoire du point de vue de la femme fatale, et ça c’est très fort. On a rarement le point de vue féminin dans ces histoires, vues plutôt par les hommes, avec un regard qui fait des femmes des garces ou des victimes, c’est selon. Et la force de Cain, c’est de ne pas nous amener à trancher concernant Joan: tour à tour bombe sexuelle, mère désespérée, amoureuse, rouée, elle ne permet pas au lecteur de la juger coupable ou innocente. 
J’ai dévoré ce court roman et la postface de l’éditeur, je suis ressortie de ma lecture contente d’avoir fait avec James M. Cain un dernier tour de piste qui démontre, une fois encore, son immense talent. 


James M. Cain, Bloody Cocktail (The Cocktail Waitress), Editions de l’Archipel, 2014. Edition établie par Charles Ardai. Publication originale : 2012. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Brérignon. Disponible en e-book. 

mercredi 15 juillet 2015

Le chemin s'arrêtera là de Pascal Dessaint


Présentation (éditeur)
Sur une côte nordiste fantomatique, des hommes survivent au jour le jour, hantés par un passé mortifère. Mais qui sont ces laissés-pour-compte de notre époque, qui semblent camper dans un temps suspendu ? Des êtres qui, derrière l'apparence de normalité qu'ils essayent de préserver, ont été broyés ou souillés, à l'image du pays qu'ils habitent, marqué par les stigmates d'une industrie lourde moribonde et d'une nature qui reprend ses droits, de plus en plus inquiétante.

Ce que j’en pense
Si mon souvenir du roman ne s’est pas estompé, cela fait tout de même deux mois que je l’ai lu, et les noms des personnages s’embrouillent un peu. Ma dernière lecture de Pascal Dessaint avait été Maintenant le mal est fait, que je n’avais pas beaucoup aimé, et avant cela, j’avais passé mon tour pour Le bal des frelons. C’est dire que j’avais quelque appréhension en ouvrant Le chemin s’arrêtera là. Mes craintes ont été vite balayées, et sans que ce roman ne me touche autant que les premiers romans de l’auteur, ou que Les Derniers jours d’un homme, j’ai vraiment aimé. 
On retrouve ici le talent de Pascal Dessaint pour construire son roman, enchevêtrer les narrations et les moments de narration : ceux qui n’aiment pas cela peuvent passer leur chemin, c’est l’une des spécialités de l’auteur et il est plutôt virtuose en la matière. La réalité est trop complexe pour que l’on puisse se satisfaire d’une voix et d’un point de vue, les faits s’éclairent - parfois d’une lueur plus terrifiante encore - par cette vision multiple. 
Les personnages sont admirablement brossés, et peut-être devrais-je dire « terriblement brossés »: Pascal Dessaint nous promène dans un milieu de gens simples, un peu en marge, des laissés pour compte qui n’ont rien de magnifique. Cela lui permet surtout une plongée dans la noirceur des hommes, comme il sait si bien le faire. C’est ce que j’aime avec Pascal Dessaint, et c’est en cela qu’il est à mon sens un excellent auteur de roman noir : il ne pose pas de regard angélique sur ses personnages sous prétexte qu’ils sont mal lotis; il aide à comprendre, il n’excuse ni ne condamne. 
Pas question de dévoiler l’intrigue : je peux simplement dire qu’elle est bien menée, et glaçante. Un simple énoncé des faits pourrait d’ailleurs donner l’impression d’un roman glauque et oppressant, et ce n’est pas le cas. Car au coeur de cette noirceur, il y a de la beauté, une beauté créée par l’écriture et le regard que porte l’auteur sur ces paysages qui mêlent l’industriel et le maritime. J’ai retrouvé certaines ambiances des Derniers jours d’un homme : là où certains ne verraient que l’horreur des machines, des usines, des monstres industriels créés par l’homme pour oppresser l’homme, Pascal Dessaint parvient à voir et à nous faire voir une beauté étonnante, une poésie que l’on n’attend pas. Cette usine plantée en bord de mer, qui scintille la nuit, c’est extraordinaire autant qu’effroyable. Et puis bien sûr, ces dernières années, l’amoureux de la nature qu’est Pascal Dessaint a appris à peindre les paysages naturels, les oiseaux, d’une plume sure et agile, et ça aussi, c’est très beau. Ici, la nature est envahissante, elle reprend ses droits sur une côté que l’homme a voulu marquer de son empreinte, par des constructions peu à peu envahies par le sable, par une usine, un casino qui n’est plus. 
La première phrase du roman donne une idée assez précise de ce qui nous attend, et c’est une très belle attaque, je trouve : 

« J’aimerais raconter le vent qui mugit dans l’acier, et puis notre méchanceté. »


Voilà, le ton est donné…

Pascal Dessaint, Le chemin s'arrêtera là, Rivages/Thriller, 2015. Disponible en e-book.

lundi 13 juillet 2015

Vernon Subutex 2 de Virginie Despentes


Présentation
Nous avons laissé Vernon Subutex sur son banc, faisait le saut vers l’exclusion, dans une mélopée hallucinée et saisissante de force et de beauté. 
Quand s’ouvre ce troisième volume, il apprend les règles de la rue et de la survie, tandis que ceux qui l’ont connu et hébergé dans les derniers mois se mettent à sa recherche, ou à la recherche de la confession d’Alex Bleach. 

Ce que j’en pense
Je l’attendais avec impatience, ce tome 2, d’autant qu’il a été retardé. J’étais restée émerveillée en refermant le tome 1, et souvenez-vous, je vous disais qu’à la fois ce premier volume créait une formidable attente et qu’il aurait pu clore le récit. 
J’ai dévoré le tome 2. Si le premier volume était construit comme un kaléidoscope égrenant des figures emblématiques de notre société (plutôt dans son versant middle-class ou aisé), au gré des pérégrinations de notre « héros », Vernon, ce tome 2 rassemble ces figures autour du personnage, qui devient au fil du volume une sorte de figure charismatique. 
Le début du roman, qui explore la recherche de Vernon par ses amis et par ceux qui veulent les fameuses cassettes où se trouve la confession d’Alex Bleach, est assez incroyable : cette fois Despentes dessine avec talent une galerie d’exclus de la société, entre SDF et lumpen-prolétariat. Je ne pourrais juger du réalisme de cette évocation, ne connaissant pas assez les milieux dépeints, mais c’est incroyable de force: situations, dialogues, portraits, tout est saisissant. Mention spéciale à Charles et à sa verve. L’auteure prouve, s’il en était besoin, qu’elle est une grande romancière, et tant pis pour ceux qui pensent qu’elle ne sait pas écrire: ils ne savent pas ce qu’ils manquent.
C’est la Hyène, bien plus présente dans ce deuxième volume (pour mon plus grand plaisir), qui va rassembler tout le monde, car c’est elle qui va convier ceux que ça pourrait intéresser ou concerner au visionnage des cassettes. Se dessine alors une communauté informelle et improbable, et ça fonctionne (pour nous, je veux dire). 
J’avais bien du mal à lâcher le roman et j’ai terriblement hâte de lire le troisième et dernier volume. En effet, je n’ai pas la moindre idée de ce que va faire Virginie Despentes de ce petit monde, je ne sais pas où elle m’emmène, mais quoi qu’il en soit, j’achète un ticket pour la fin du voyage les yeux fermés. 


Virginie Despentes, Vernon Subutex 2, Grasset, 2015. Disponible en e-book. 

dimanche 12 juillet 2015

La part des flammes de Gaëlle Nohant


Présentation
Violaine de Raezal est une jeune veuve que son titre de comtesse ne protège pas des réticences de l'aristocratie à la reconnaître comme une des leurs. Pour s'introduire dans la fine fleur de la bonne société, elle essaie de trouver une place à l'un des comptoirs du Bazar de la Charité, haut lieu mondain pour les belles dames de l'époque. Elle se heurte au refus de la marquise de Fontenilles, qui va l'éprouver en l'introduisant dans une autre oeuvre de charité, auprès des tuberculeux. Là, elle fait la connaissance de la duchesse d'Alençon, qui voit en elle une soeur de souffrance maternelle. Celle-ci va la prendre à son comptoir du Bazar de la Charité. Enfin, il y a Constance d'Estingel, sensible jeune fille que ses parents ont du mal à comprendre, et qui vient de rompre ses fiançailles avec le ténébreux Lazlo de Nérac, fou amoureux d'elle. Elle aussi se retrouve sur le comptoir de la duchesse d'Alençon.  

Ce que j'en pense
C’est une critique dans la presse qui a attiré mon attention sur ce roman, au titre magnifique. Je ne connaissais pas l’auteure, mais j’étais partante pour une fiction historique bien romanesque. J’ai passé un bon moment, mais je pense que j’oublierai vite ce roman. Pour faire une comparaison avec un autre roman historique (je fréquente peu ce type de romans) lu, chroniqué ici et aimé, je suis nettement moins enthousiaste et je vais dire pourquoi. La seule chose qui rapproche ces deux lectures est que, quelques temps après, il m’en reste très peu de choses… 
Qu’ai-je aimé, qu’ai-je moins aimé? Contrairement à Brize, qui a été très déçue par le roman, j’ai aimé les personnages. Je les trouve peu crédibles, mais attachantes. J’emploie le féminin, ce qui est injuste car l’amoureux Nérac est sympathique aussi. Mais il y a un côté roman de femmes, on suit davantage les pas de ces jeunes - et moins jeunes - femmes. Néanmoins, je ne peux nier que les personnages, étrangement, manquent d’épaisseur. Elles sont assez fouillées psychologiquement mais il manque des éléments pour qu’on cerne vraiment leur trajectoire, leur passé me semble insuffisamment évoqué. Bref, je crains de les oublier vite, je ne me suis pas identifiée une minute, à aucune d’entre elles, et elles manquent quelque peu d’épaisseur. 
L’intrigue oscille entre deux tentations, et cette tension n’est jamais résolue de manière satisfaisante (n’est pas Alexandre Dumas qui veut). D’un côté, le roman sur la condition féminine, ici dans les classes aisées, avec une charge contre les traitements des hystériques, appellation bien commode pour anesthésier les rebelles, les exaltées, les émotives, ou les adultères… C’est intéressant, et même si je n’ai pas appris grand-chose, le propos a une certaine force. De l’autre côté, le romanesque, avec quelques entorses au réalisme que suppose le précédent volet, mais un romanesque précisément entravé par le réalisme. Si les romanciers du XIXè maîtrisait à la perfection cette tension-là, Gaëlle Nohant n’y parvient pas vraiment. 
N’allez pas croire cependant que cela m’a donné l’envie de renoncer. J’ai passé un bon moment, je ne me suis pas ennuyée. Le principal intérêt pour moi a été le côté didactique : je ne connaissais même pas cet évènement tragique, l’incendie du Bazar de la Charité, et l’intérêt pour moi n’est pas, comme on le lit çà et là, que l’incendie a décimé l’aristocratie et la bourgeoisie féminine (comment dire, je m’en fiche) mais que cela a eu des conséquences, à court terme sur le développement en France du cinématographe, à moyen et long terme sur la législation sur la sécurité dans les lieux publics. 

Pour finir, vous le voyez, mon avis n’est ni franchement enthousiaste, ni vraiment réservé. J’ai passé un agréable moment de lecture, sans plus. 

Gaëlle Nohant, La part des flammes, Editions Héloïse d'Ormesson, 2015. Disponible en e-book. 

mercredi 8 juillet 2015

Avant et après la chute de Richard Bausch


Présentation
Quand Natasha rencontre Michael, elle quitte son trépidant travail auprès d'un sénateur pour revenir au bercail, tandis qu'il quitte la prêtrise, de plus en plus mal à l'aise dans son sacerdoce. Ils se plaisent, ils s'apprécient, ils tombent amoureux. Le mariage est bientôt envisagé. Alors que Natasha part avec une vieille amie en Jamaïque, Michael se rend à New York pour un mariage qui doit être célébré le 11 septembre. Nous sommes en 2001...

Ce que j'en pense
Je crois que c’est une critique parue dans Les Inrocks qui a attiré mon attention sur ce livre, dont le sujet m’a tout de suite intéressée. Je fais partie de ceux pour qui le 11 septembre 2001 a été une date charnière, à partir de laquelle ma perception du monde et de ses équilibres géo-politiques a été bouleversée. Comme beaucoup de gens, je sais très précisément où j’étais quand j’ai appris ce qui s’était passé, et comme beaucoup de gens, j’ai passé l’après-midi à regarder tourner en boucle les mêmes images dans le poste de télévision. Dans ce que j’appellerai par commodité « les romans 11 septembre », qui ont fleuri ensuite, il y en a peu qui m’ont plu, et le plus puissant reste à mes yeux Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, que j’ai relu et qui garde toute sa force à mes yeux. 
Avec Avant et après la chute, j’ai trouvé quelque chose que je n’avais jamais rencontré : la capacité à rendre compte du moment lui-même, vu par ceux qui ont assisté de loin à l’évènement, qui ont vu leur quotidien bouleversé pendant des jours et leur vie changée à tout jamais. J’ai parfois pensé en lisant ce roman à l’exposition vue il y a des années à Paris sur la catastrophe, sur sa perception et ses répercussions (Ce qui arrive, exposition conçue par Paul Virilio, Paris, Fondation Cartier, 2002-2003)
Il est difficile de parler de ce roman sans spoiler, donc je ne peux en dire plus, mais j’ai aimé la façon dont le romancier évoque ces jours de turbulence : il parvient à nous plonger dans le moment lui-même, dans cette angoisse de savoir que quelque chose s’est produit, de ne pas comprendre tout de suite ce qui s’est passé exactement, de ne pas savoir dans quelle mesure on est touché directement, et cette sensation que le monde a changé, pour le pire. J’ai aimé aussi la façon dont il parvient à faire se répondre deux catastrophes (chut!), l’une étant occultée par l’autre, tout en ravageant le personnage qui la subit. Bausch réussit à entremêler le collectif - le 11 septembre - et le particulier, l’intime, car nous assistons aussi à la formation d’un couple, aux silences qui ne tardent pas à le grever et à le mettre en péril. 
Et j’ai aimé les deux personnages principaux, surtout l’héroïne, Natasha, qui a plus de chair et qui semble plus affectée que Michael, le personnage masculin, y compris par le 11 septembre. Je me suis laissée porter, sans avoir la moindre idée de la façon dont tout ça allait se terminer (et la fin m’a plu aussi). Jamais je ne me suis ennuyée… 
Le tout est porté par une écriture sobre, un récit fluide, un rythme maîtrisé. 
Ce n’est pas un coup de coeur, mais je vous le recommande!


Richard Bausch, Avant et après la chute (Before, during, after), Gallimard, 2015. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Stéphanie Levet. Publication originale: 2014. Disponible en e-book.