samedi 31 août 2013

Blog en pause forcée

Je ne pourrai m'occuper de ce blog pendant quelques temps. Je viens de subir une intervention chirurgicale en urgence (décollement de rétine), et si je parviens à taper ces quelques mots trois jours après, cela m'est tout de même difficile. Et ne parlons pas de la lecture...
Je dois prendre mon mal en patience. Je reviens dès que je peux, promis, avec un billet sur Canada de Richard Ford et Esprit d'hiver de Laura Kasischke, deux romans de la rentrée lus avant ce malheureux incident. 

samedi 24 août 2013

La couleur de la peau de Ramon Diaz Eterovic


Présentation
Alberto Coiro est l’un de ces nombreux jeunes Péruviens venus à Santiago du Chili chercher du travail et une vie meilleur. Lorsqu’il disparaît, son frère charge Heredia, le privé, de le retrouver. Commence pour le mélancolique privé une quête qui le mène dans l’univers des sans-abris, des salles de jeux clandestines, des trafiquants.

Mon avis
Pas si facile de rédiger une chronique des semaines après la lecture d’un roman… J’étais tentée par la série de cet auteur chilien, avec le privé Heredia et son chat Simenon. Il est certain que j’en lirai d’autres. Une fois de plus, c’est un roman noir comme je les aime : pas d’action trépidante ici, mais la quête d’un homme parti à la recherche d’un immigré péruvien, des déambulations mélancoliques dans une grande ville, des bars désuets où l’on fait des rencontres improbables, les cogitations d’un privé sans illusions, ses discussions avec son chat – car son chat parle, oui, et alors ?
N’allez pas croire cependant qu’il ne se passe rien : il y a bel et bien une enquête, qui aboutira, et qui comporte, comme dans tout bon roman noir, son lot de constat sur l’état du monde. L’ostracisme dont sont victimes les Péruviens dans cette société chilienne, l’exploitation des plus pauvres, l’immigration clandestine, tout cela est évoqué avec finesse, sans pesanteur didactique.
Je vous recommande vivement ce roman en attendant d’en lire d’autres avec le même personnage : une bonne dose de mélancolie chilienne, ça ne peut pas faire de mal.


Pour qui ?
Pour les amateurs de roman noir mélancolique.

Le mot de la fin
Lancinant.

Ramon Diaz-Eterovic, La couleur de la peau (El color de la piel), Métailié/Noir, 2008. Traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg. Publication originale : 2003. Lu en e-book.


mercredi 21 août 2013

Je vous écrirai de Paule du Bouchet


Présentation (éditeur)
Depuis toujours, Malia se sent comme une étrangère dans sa propre famille. Couvée par l'amour excessif d'une mère qui sait à peine lire et écrire, la jeune fille étouffe. Alors quand son amie Gisèle lui propose d'emménager avec elle à Paris, ce jour de septembre 1955, Malia accepte. Mais elle promet d'écrire à sa mère tous les jours. Alors que la jeune femme se construit, entre la Sorbonne, le théâtre, sa rencontre avec un metteur en scène... ses parents peu à peu s'effondrent, laissant échapper de lourds secrets..

Mon avis
J’ai abordé ce roman sur la foi d’un billet lu ici. J’ignorais que l’intrigue prenait place dans les années 1950, ce qui a été une agréable surprise. Je suis un peu moins enthousiaste qu'Un autre endroit, mais la lecture a été plaisante.
Ce qui m’a gênée tient à la fois à un point de contenu et au style. J’ai trouvé l’intrigue un peu prévisible. Sans faire de révélation indue à ceux qui voudraient découvrir le roman, j’avais compris depuis belle lurette qui était le papa (est-ce assez énigmatique, comme remarque ?), et si je n’avais pas bien compris ce qu’il en était de la mère, je soupçonnais un truc du genre… Du coup, l’effet de surprise est tombé un peu à plat. Au début, j’ai également été gênée par le style de la narration à la troisième personne et par sa volonté de restituer la parlure rurale et populaire des parents de Malia. J’en saisis l’intérêt mais cela m’a semblé un peu artificiel. La gêne s’est estompée au fil des pages toutefois.
Ceci étant dit, j’ai appécié la forme semi-épistolaire, j’aime les romans épistolaires et j’apprécie toujours l’habileté des romanciers à la manier, en trouvant l’équilibre entre l’apport d’informations nécessaires au lecteur et l’implicite lié au fait que les rédacteurs connaissent leur interlocuteur. Je vous écrirai est plutôt bien fichu de ce point de vue.
J’ai trouvé touchante la jeune Malia, dans sa fraîcheur, son envie de connaissance, sa curiosité du monde, sa naïveté même. S’élancer dans la vie signifie pour elle s’extirper de son milieu, cela ne va pas sans heurts, sans sentiments douloureux (la honte, par exemple).
J’ai donc suivi ses premiers élans (estudiantins, militants, sentimentaux, affectifs) avec un vrai plaisir. Il est vrai qu’on se demande à qui s’adresse réellement ce court roman. Destiné aux adolescents, il me trouble sur un point : il manie sans toujours vraiment les expliciter (et tant mieux, ce serait lourd) les références à des moments de l’Histoire : révolution russe et diaspora des Russes blancs, Seconde guerre mondiale, guerre d’Algérie… Cela fait beaucoup et je ne suis pas certaine que les adolescents soient tous familiers de ce qui est plus qu’un contexte ici.
Ce n’est donc pas un coup de cœur, mais une lecture très agréable.

Pour qui ?
Pour de grands adolescents (ayant quelques lueurs sur l’Histoire du XXème siècle) et les adultes.

Le mot de la fin
Rafraîchissant.


Paule du Bouchet, Je vous écrirai, Gallimard/Scripto, 2013.

lundi 19 août 2013

Le bon père de Noah Hawley


Présentation (quatrième de couverture)
Le Dr Paul Allen, rhumatologue réputé, mène une paisible existence dans le Connecticut avec sa deuxième femme et leurs jumeaux. Un beau soir, il apprend par la télévision que Jay Seagram, le candidat démocrate à l’élection présidentielle et l’espoir de tout un peuple, vient d’être abattu au cours d’un meeting à Los Angeles. La police a immédiatement arrêté l’assassin. Et cet assassin n’est autre que Daniel, son fils aîné, né d’un premier mariage, dont il était sans nouvelles depuis longtemps. Paul Allen ne veut pas croire à sa culpabilité et se sent dès lors investi d’une mission : rétablir la vérité et sauver Daniel, l’enfant un peu égaré, à la fois doux et étrange, qu’il n’a sans doute pas assez aimé. Commence alors pour lui un long périple où, de fausses pistes en désillusions, il devra reconstituer les derniers mois de la vie de Daniel et affronter son passé…

Mon avis
Ah ! le voilà le livre que j’attendais en ce mois d’août, le livre capable de me captiver et de me chambouler. Etrangement, la Série Noire a accolé la mention thriller à ce qui est, selon moi, un pur roman noir. S’il se passe des choses extraordinaires pendant les premières pages, il n’y a guère de traits du thriller et ceux qui affectionnent les romans trépidants en seront pour leurs frais. D’ailleurs, si je considère que Le bon père est un bijou de roman noir, je pense aussi qu’il pourrait être publié dans une collection générale sans que personne ne bronche.
Les parents qui liront ce roman seront touchés d’une manière particulière par le questionnement de cet homme qui, face à la dérive criminelle de son fils, s’interroge : est-il responsable ? qu’a-t-il fait ou que n’a-t-il pas fait ? où a-t-il échoué ? peut-il encore sauver son fils ? et de quoi ? Pourtant, je crois qu’il n’est nul besoin d’être père ou mère pour se sentir frappé au cœur par ce questionnement qui est aussi une interrogation sur le sens que l’on donne – ou non – à son existence, sur les choix que l’on fait et qui n’engagent pas que nous. J’ai été bouleversée par ce personnage, tout comme j’ai été bouleversée par son fils, qui se caractérise par une sorte d’absence, de retrait à soi-même et au monde. J’aime beaucoup la façon dont le romancier nous livre alternativement son narrateur, le père, et le personnage du fils. On apprend à les connaître, et cependant que sait-on du fils à la fin, en dehors des faits ? Pas grand-chose, et c’est là toute la beauté tragique du roman de Noah Hawley : il n’y a que des questions, douloureuses, poignantes, et un sentiment d’impuissance. Il est trop tard, trop tard pour tout.
La mention d’autres affaires comparables (mais pas similaires) donne également toute sa dimension au roman : au delà de l’histoire d’un homme et d’une famille, Le bon père nous interroge sur un pays, les Etats-Unis d’Amérique, un pays dont les fils prennent parfois les armes pour assassiner un sénateur, un prétendant à la présidence ou tout simplement des anonymes. Quelle est la signification de ces gestes criminels ? Est-elle politique ? Ou traduit-elle les névroses familiales d’un pays qui finit par avoir peur de ses enfants ? Là non plus, il n’y a pas de réponse.
La construction du roman est très maîtrisée et contribue à sa force : récit du père, trajectoire du fils, mentions d’affaires similaires, des années 1960 à aujourd’hui, tout s’entremêle mais rien ne s’éclaire vraiment. Le début est prodigieux, happe le lecteur ; mais le final – qui n’a rien de spectaculaire, de fracassant – est éblouissant, magnifique, terrible, tragique, bouleversant. Je ressors très secouée de ce roman, mais je veux bien être remuée comme ça plus souvent. Courez chez votre libraire, dans votre bibliothèque, lisez Le bon père, c’est superbe.

Pour qui ?
Pour ceux qui aiment les romans bouleversants, qui posent des questions sans réponse.

Le mot de la fin
Du noir comme je l’aime.

Merci à Jean-Marc Laherrère: c'est grâce à son billet que j'ai eu envie de lire ce roman. 


Noah Hawley, Le bon père (The Good Father), Gallimard/Série Noire, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude. Publication originale : 2012.

vendredi 16 août 2013

Tout est sous contrôle de Hugh Laurie (+rentrée littéraire)



Si juillet fut fructueux en matière de lecture, août est nettement plus paresseux… J’ignore à quoi cela tient, j’ai de nombreux livres en réserve, une certaine envie de lire, mais je manque de persévérance et j’ai bien du mal à me laisser emporter. Les plus attentifs auront vu que j’avais commencé Tout est sous contrôle de Hugh Laurie mais qu’il a disparu très vite ; non, cela ne signifie pas que je l’ai dévoré, mais que je l’ai abandonné. Je n’avais pas très envie de lire ce roman mais on me l’a prêté « de force », « oh tu vas adorer, toi qui aimes le polar ». Il est parfois difficile de refuser, j’ai donc ouvert le roman. Pendant cent pages, la lecture fut aisée et je dois même dire que j’étais agréablement surprise : c’était d’une drôlerie très british, je m’amusais bien, tout en trouvant certains traits d’humour un peu forcés. Passées les cent pages, j’ai commencé à me désintéresser du livre : je me fichais totalement de ce qui se passait et je riais de moins en moins. Comme la vie est courte et ma Pile à Lire infinie, j’ai renoncé. 
Il ne suffit pas d’être rigolo pour faire un bon livre, et le polar recèle de brillants auteurs loufoques (Westlake – the best –, Tim Dorsey, Carlos Salem). Le problème avec Tout est sous contrôle, si je puis en juger d’après mon incomplète lecture, c’est que la rigolade tourne à vide, dénuée de toute vision du monde et a fortiori de tout propos. L’intrigue elle aussi s’empêtre dans sa loufoquerie.
Bref, le livre m’est tombé des mains, je l’ai rendu à son propriétaire, un peu dépité que je n’aie pas aimé, mais c’est de peu d’importance.
J’ai commencé deux autres romans, je navigue ainsi entre un livre matériel et un livre numérique, et ça va mieux, je retrouve de la substance… J’attends aussi avec impatience quelques livres de la rentrée littéraire : le nouveau Jean-Philippe Toussaint, Nue, qui viendra clôre la suite romanesque de Marie ; Canada de Richard Ford, un des auteurs américains qui m’a fait vibrer depuis que je l’ai découvert (avec Indépendance, grand roman à mes yeux) ; Esprit d’hiver de Laura Kasischke, dont le sujet m’enthousiasme ; et je suis intriguée par L’esprit de l’ivresse de Loïc Merle, qui a emballé les Inrocks (le numéro spécial « Rentrée littéraire » est dans les kiosques).
 


Voilà, c’est un billet un peu foutraque, entre ratage de lecture et espoirs de rentrée…







Hugh Laurie, Tout est sous contrôle (The Gun Seller), Sonatine, 2009. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Jean-Luc Piningre. Disponible en poche (Points Seuil). Publication originale : 1997.

A venir :
Loïc Merle, L’Esprit de l’ivresse, Actes Sud, 21 août.
Laura Kasischke, Esprit d’hiver, Chistian Bourgois, 22 août.
Richard Ford, Canada, Editions de l’Olivier, 22 août.
Jean-Philippe Toussaint, Nue, Editions de Minuit, 5 septembre.