Présentation
Au bonheur des dames est le onzième volume des Rougon-Macquart. Dans les années 1860,
Denise Baudu, orpheline flanquée de deux jeunes frères, quitte sa province pour
Paris, escomptant l’aide d’un oncle qui lui a promis de l’employer dans son
magasin de nouveautés textiles. Mais quand elle arrive, le commerce de son
oncle est mis à mal par l’expansion du tout proche Au bonheur des dames, qui séduit les clientes par les stratégies
habiles de son patron, Octave Mouret.
Mon avis
C’est un peu étrange, ce qui m’a amenée à cette relecture (j’ai lu une
bonne partie des Rougon-Macquart lorsque j’étais lycéenne). J’ai commencé un
roman de SF de J.-P. Depotte, Les démons
de Paris, qui m’est tombé des mains au bout de soixante pages (ce roman
trouvera son moment plus tard, je n’en doute pas). Or, d’une part il y est fait
allusion à un grand magasin parisien au début du XXème siècle – des clientes qui
en sortent s’y font tuer lors d’une fusillade ; d’autre part je suis
passée par Paris à ce moment-là et j’ai fait un tour dans les grands magasins
du boulevard Haussmann. Et bim ! j’ai eu envie d’abandonner illico le
Depotte au profit de ce bon vieux Zola, d’autant que j’avais un excellent
souvenir de Au bonheur des dames.
Et vous savez quoi ? j’ai été emportée dès les premières pages.
Comme de l’eau a coulé sous les ponts depuis ma première lecture et que
j’oublie de toute façon les intrigues à une vitesse ahurissante, je n’avais que
les grandes lignes en tête : l’écroulement du petit commerce traditionnel
des nouveautés et de la confection, l’ascension folle de Mouret et de son grand
magasin, (attention spoiler) l’histoire d’amour heureuse entre Denise et Mouret (de fait, les Zola
qui se terminent bien, ça marque). Mais je n’avais plus toute l’intrigue en
tête et il faut reconnaître que Zola s’y entend pour trousser une histoire avec
des rebondissements, des virages, tout ce qu’il faut pour captiver son lecteur.
Première bonne surprise : je ne me suis pas ennuyée une seconde et j’étais
prise par le récit. Si je le précise, c’est que je redoute toujours la
(re)lecture d’œuvres classiques car à seize ans je dévorais sans sourciller
la littérature la plus exigeante et la plus aride, mais ce n’est plus le cas
aujourd’hui (j’ai eu quelques déconvenues ces dernières années).
Par ailleurs, j’ai été emballée par toutes les précisions que
Zola apporte à la fois sur la condition sociale des employés du grand magasin
et sur le développement économique de ce monstre naissant, fruit d’un
capitalisme qui écrase le commerce familial environnant, en profitant de la
petite révolution immobilière qui s’opère alors à Paris. Il nous livre le
montage financier du grand magasin et de son expansion, les opérations
immobilières capitalistes qui favorisent cette expansion, le processus
économique qui permet d’accroître le chiffre d’affaires du magasin, la gestion
des employés et les arguments financiers de leur motivation à vendre. J’admire
la capacité que Zola a de prendre le temps de tels développements en les
intégrant à l’intrigue et en réussissant à ne jamais ennuyer son lecteur.
J’avais gardé l’image d’un Zola un peu didactique, littérairement peu subtil,
et finalement, je redécouvre un auteur habile qui ne perd de vue ni le plaisir
de son lecteur ni le propos qu’il sert. Si ce propos est solidement ancré dans
le contexte économique de l’époque, il offre malgré tout des échos troublants
avec les évolutions en cours dans le domaine du commerce et de l’industrie.
L’échelle a changé mais les problèmes qui se posent sont comparables.
En contrepoint, il y a l’histoire d’amour entre la pauvre orpheline aux
grâces discrètes et le riche entrepreneur séduisant, dans une structure de
roman sentimental : rencontre, disjonction, puis nouvelle rencontre et au
final, union.
Le seul bémol : une dernière page abrupte en diable. Du genre
« tout est bien qui finit bien, ne nous épanchons pas, au revoir messieurs
dames ».
Et un aspect dont Zola n’est pas responsable : j’ai lu le roman en
ebook dans l’édition gratuite Feedbooks, dans laquelle la ponctuation a de
nombreuses ratées, beaucoup de virgules manquent. Et ça n’a l’air de rien, ces
petites bêtes, mais c’est bien utile pour comprendre ce qu’on lit… Cela m’a un
peu gênée au fil de ma lecture.
Mais ne boudons pas notre plaisir, je me suis régalée !
Le mot de la fin
Epatant.
Emile Zola, Au bonheur des dames,
1883. Disponible dans de nombreuses éditions de poche, lu en ebook (édition gratuite
Feedbooks).
2 commentaires:
Bon, je l'ai en classique abrégé, tu me files une furieuse envie de le découvrir et de voir si des ados pourraient aimer. Et puis tu me donnes curieusement envie de revoir: Vous avez un message avec Meg Ryan...que du bon quoi!
L'avantage c'est que ce n'est pas un Zola trop volumineux (pour des élèves, ça compte). Revoir Vous avez un message devrait t'amener à revoir le superbe, le somptueux The Shop around the corner (un de mes films préférés de tous les temps)!
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