Présentation (éditeur)
Lorsqu’Anastasia Steele,
étudiante en littérature, interviewe le richissime jeune chef d’entreprise
Christian Grey, elle le trouve très séduisant mais profondément intimidant.
Convaincue que leur rencontre a été désastreuse, elle tente de l’oublier –
jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille et l’invite à un
rendez-vous en tête-à-tête.
Naïve et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son trouble.
Mais Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards indiscrets…
Naïve et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son trouble.
Mais Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards indiscrets…
Mon avis
J’ai tardé à rédiger cette chronique, pas certaine de ce que j’allais
dire de ce roman, au fond. Je vais essayer d’organiser au mieux ma chronique.
J’ai lu ce premier tome de la trilogie par curiosité pour ce qui est
tout de même un phénomène éditorial et polémique. Je suis méfiante envers les
critiques et donneurs d’avis professionnels de tous poils qui poussent de
grands cris face à un succès énôôôrme, car en France en tout cas, on est prompt
à condamner ce qui se vend. Mais il va de soi que tout ce qui se vend beaucoup
n’est pas d’or… Dans ce cas précis, j’étais d’autant plus méfiante envers ces virulentes critiques que le roman
était écrit par une femme, plutôt pour des femmes, et parlait de sexe, qui plus
est de pratiques que certains qualifieraient de déviantes. De quoi pousser des
cris d’orfraie, donc.
Le livre refermé et digéré, qu’en pensé-je ?
1) La lecture est aisée, plutôt agréable, entendez par là que je n’ai
pas songé une minute à laisser tomber le roman, qu’il ne m’a pas exaspérée, ni
ennuyée. De là à dire qu’il m’a captivée, il y a un pas, un grand pas même, car
tout est terriblement prévisible, pour une raison simple sur laquelle je
reviendrai. Bref, ça se lit bien, même si je comprends que le caractère
prévisible en assomme certain(e)s.
2) Le sexe. Oui, allons vite au but. Peu de scènes SM dans ce premier
tome mais une initiation sexuelle en accéléré de la vierge héroïne, qui
découvre illico presto le plaisir avec son expérimenté partenaire et se révèle
être une bombe sexuelle. Selon moi, le roman n’est pas érotique, mais bel et
bien pornographique. Il évoque en des termes crus l’acte sexuel, avec force
détails physiques et anatomiques (et diront certains, une pauvreté de
vocabulaire déconcertante). J’ai lu de nombreuses critiques rageuses,
exaspérées, rigolardes, concernant ces scènes, jugées d’un irréalisme criant.
Heu… comment dire ? Je ne crois pas qu’un roman pornographique ou même
érotique ait pour vocation d’être réaliste : il a pour vocation
d’émoustiller, d’exciter le lecteur (ici la lectrice), sans s’embarrasser de
réalisme. Il est clair qu’on peut contester que cette jeune femme,
« vierge attardée » comme je l’ai lu je ne sais où, connaisse dès le
premier rapport sexuel un tel plaisir, ou qu’elle se révèle une amante douée, comme ça, d’un coup (pardon) d’un seul. Mais je crois qu’on s’égare en
considérant le roman sous l’angle de son réalisme. En revanche, des lecteurs
plus avertis que moi en matière de littérature pornographique/érotique pourront
sans mal me citer des romans bien mieux écrits (je parle du côté
pornographique), bien plus émoustillants, troublants, etc. Je n’en doute pas
car oui, ces scènes sont d’une pauvreté confondante.
3) L’intrigue est d’un conventionnel qui confine à l’affligeant mais
bien entendu, tout dépend de ce qu’on cherche. C’est un conte de fées moderne,
diraient certains. Et si on cherche cela, on est certainement comblé. Si on
attend un peu plus de complexité, un peu de surprise, ben, on change de livre. Si
l’on attend une belle et grande histoire d’amour avec des personnages intéressants, avec force rebondissements et de belles envolées
romanesques, on est consterné. En gros, c'est un banal roman sentimental, où la
pure et innocente héroïne rencontre un prince milliardaire, beau à
couper le souffle, sexy et tourmenté. Chaque développement de l’intrigue est
prévisible, attendu, vu et revu. Mais je le répète, je l’ai lu jusqu’au bout
sans avoir envie de jeter le livre par la fenêtre (d’autant que je l'ai lu sur ma
liseuse, c’eût été dommage). Il ne faut pas perdre de vue qu’originellement, Cinquante nuances de Grey a été conçu
comme une fanfiction de la saga de Stephenie Meyer : c’est assez rigolo de
repérer les scènes revues et corrigées réécrites (il faut que je fasse
attention aux mots que j’emploie!). Ceci étant dit, si on ne le sait pas, je ne
suis pas certaine que ça saute aux yeux. C’est secondaire, je trouve, assez
anecdotique. Pour tout dire, Cinquante
nuances de Grey m’exaspère moins que Twilight.
4) L’écriture. Hein ? quoi ? Là, il faut le reconnaître,
c’est écrit avec les pieds. J’ai lu un roman Harlequin il y a un an, à côté
c’était Madame de Sévigné. C’est horrible, certains dialogues sont terrifiants
de mocheté stylistique, les scènes de sexe sont d’une pauvreté étourdissante.
On m’objectera que ce n’est pas fait pour ça, à quoi je répondrai que :
- il y a des chefs-d’œuvre de la littérature érotique et de très beaux
textes pornographiques ;
- écrire pour la masse, comme diraient certains, avec des objectifs
marketing, n’empêche pas d’écrire un minimum.
Non, là, ça dépasse l’imagination.
5) Roman de femelle aliénée ou pas ? C’est le point le plus
complexe. Je lis çà et là sur la toile que des lectrices américaines ont vu
leur vie sexuelle changer – pour le meilleur et pour le pire – après cette
lecture, les critiques et donneurs d’avis divers fustigent le roman et le
modèle d’aliénation qu’il propose… Tout cela est bien compliqué. Pour avoir
moultes fois travaillé sur la réception de la littérature populaire (depuis le
développement des industries culturelles au 19ème siècle), je me
méfie des considérations sur l’aliénation et l’abêtissement supposés des
lecteurs (vous pouvez remplacer par : spectateurs, téléspectateurs,
joueurs), victimes de ces objets d’illusion qui n’ont au fond qu’un seul but,
les rendre un peu plus serviles, un peu moins critiques, les détourner des vrais enjeux du monde et de leur vie. L’enjeu ressurgit dès
lors qu’on parle d’un roman de femme, pour les femmes (disons ciblant plutôt un
lectorat féminin), parlant de sexe crûment et d’un point de vue féminin,
introduisant enfin dans un univers sentimental des relations
sado-masochistes. Je me méfie car le plus souvent (pour ne pas dire
systématiquement), ces considérations ne sont étayées par aucune étude
scientifique de la réception et des effets de la fiction incriminée sur les
lecteurs (ou spectateurs, bla bla bla). Quand on se penche sur les textes du 19ème
siècle (ou du début 20ème) fustigeant les romans nocifs nourrissant
d’idées ineptes les cerveaux populaires et/ou féminins, on se rend compte que
ces propos trahissent plutôt les préjugés de classe/sexe/religion de ceux qui
parlent, qu’ils soient conservateurs ou progressistes, d’ailleurs. Donc, quand
on me dit que Cinquante nuances de Grey
est un roman écrit par une bonne marchande pour asservir un peu plus des hordes
de femelles aliénées, je dis : calmons nous. Tout cela reste à démontrer
et me semble indiquer qu’une fois de plus, on considère que les femelles en
question ne sont pas capables de distinguer la fiction de la réalité, qu’elles
prennent des contes à dormir (enfin, dormir…) debout pour la vie même, et
qu’idolâtrer un héros comme Christian Grey ou prendre comme modèle l’héroïne,
Anastasia, ne peut que les incliner à se soumettre un peu plus en tous points.
Des travaux on ne peut plus sérieux sur les lectrices de romans sentimentaux
(notamment Harlequin) ont montré que les lectrices de cette littérature
n’étaient pas plus sottes, aliénées et abruties que les autres.
Néanmoins, je ne dirai pas que le roman est exemplaire, ça va de soi.
Côté sexualité SM, le premier tome est light (et un peu ridicule), et en me
fondant uniquement sur ce volume, je dirais que les choses sont assez bien
posées : la question des limites à ce que l’héroïne accepte ou non, les
ambiguïtés du rapport à l’argent dans la relation sexuelle, bref, tout ça est
assez intéressant, malgré tout. Mais comme c’est malgré tout un conte de fées,
et pas de la meilleure eau, je suis gênée par ce que véhicule le personnage
masculin : qu’il soit dominant dans ses pratiques sexuelles m’indiffère
totalement, mais c’est un dominant tout court, dans toutes ses relations
sociales et bien entendu, dans la globalité de sa relation avec la jeune femme.
Elle doit se soumettre en toutes circonstances à son bon vouloir de prince
charmant milliardaire qui ne veut que son bien (et je t’achète une belle
voiture, et je te paie un billet d’avion en classe affaires, bref, tout ce que
fait un prince charmant milliardaire machiste et paternaliste), et ça,
ça me gêne plus que sa chambre des tortures.
Par conséquent, je ne hurle pas à la mort en songeant à mes sœurs dominées,
puisque je ne crois pas plus aux travers aliénants d’une œuvre de fiction qu’à
son pouvoir libérateur, simplement je considère que la piètre qualité de ce
roman et ses ambiguïtés en font une lecture très dispensable (mais distrayante
si on a du temps à perdre). Je pense que je m’arrêterai à ce premier
volume : il y a tant de (bons) livres à lire…
Pour qui ?
Pour les sales petites curieuses dans mon genre, sans doute.
Le mot de la fin
J’aurais voulu pouvoir dire : attachant, mais non. Ou bien :
une vraie punition, mais ce n’est pas vrai non plus. Ce sera finalement, très
banalement : bof.
Et définitivement, j’adopte le titre repéré sur le blog de Colombe et
Linotte, Fifty Chaises Earl Grey !
E.L. James, Cinquante nuances de
Grey (Fifty Shades of Grey),
Jean-Claude Lattès, 2012. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Denyse
Beaulieu. Publication originale : Vintage Books, 2012. Lu en e-book.
2 commentaires:
Comme je n'ai pas trop de temps à perdre côté lectures, je vais passer, mais il se confirme que les billets sur ce livre sont bien plus intéressants et mieux écrits que ledit livre. ^_^
Il y a un bout de temps je lisais des Harlequin (j'avais moins conscience de la pendule qui tictaquait vers la fin...)mais ça ne m'a pas empêchée de passer à Proust. Ne prenons donc pas les femmes pour des niaises, tu as raison. Parfois on veut juste se détendre, parfois on veut du plus littéraire, mais on fait la part des choses, non?
Actuellement je lis un roman victorien où les pauvres femmes n'avaient guère le choix et les hommes dominaient la société, mais c'était au 19ème siècle.Sois soumise, ma fille...
Merci (pour ta première remarque)....
D'accord en tous points avec toi! Evidemment qu'on fait la part des choses, non mais. ;-)
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