lundi 31 mars 2014

Un bilan pour mars


Voici un mois de mars enthousiasmant, dont j’ai envie de retenir les lectures les plus fortes et les plus passionnantes. Je serais bien en peine de dégager LA lecture du mois… Il y a eu le retour de Wessel Ebersohn, La tuerie d’octobre est un roman puissant auquel je repense… Il y a un nouveau Craig Johnson, Molosses, et celui-là aussi, j’y repense, avec un grand bonheur. Et enfin je ne vais pas bouder mon plaisir : La muraille de lave de Arnaldur Indridason a été un très bon moment de lecture, qui m’a fait renouer avec cet auteur que j’avais délaissé.

Hors polar, dans la fantaisie polareuse, il y a eu un savoureux Janet Evanovich, et puis une découverte, un roman de Darynda Jones, premier volume d’une série que je vais assurément poursuivre (billet à venir).  Côté dystopie et roman jeunesse, j’ai aimé Icônes de Margaret Stohl, mais j’ai aussi lu et adoré les tomes 2 et 3 de Hunger Games de Suzanne Collins.
A cela s’ajoutent des BD formidables et une seule déception (Tel Aviv Suspects)…
Un joli mois de mars, avec un essoufflement ces derniers jours, rien à voir avec ma lecture du moment (Brooklyn Follies de Paul Auster), un peu de fatigue et du mal à me concentrer…
Comme j’ai du mal à lire au même rythme que d’habitude, je regarde films et séries : True Detective m’a bluffée, comme vous le savez ; j’ai commencé House of Cards, pas certaine d’accrocher… J’ai vu Somewhere de Sofia Coppola et comme toujours (jusqu’ici), le charme opère sur moi ; Le Diable en robe bleue, qui a déjà quelques années, adapté d’un roman de Walter Mosley, une très agréable surprise ; Les Nerfs à vif de Martin Scorsese, un peu longuet pour moi et bien trop grand-guignolesque…


jeudi 27 mars 2014

Tel Aviv Suspects de Liad Shoham


Présentation (éditeur 10/18)
Dans un quartier sans histoire de Tel-Aviv, le viol d'une jeune fille met la police en émoi. Pas d'indices, pas de témoins, pas de suspects. Le père de la victime décide de mener sa propre enquête, jusqu'à identifier Ziv Névo comme le coupable. L'affaire serait sur le point d'être classée, sans les doutes du vieil inspecteur Élie Nahoum. Pourquoi Névo refuse-t-il de s'exprimer ? Qui veut-il protéger par son silence ? Le père aurait-il pu forcer sa fille à accuser un innocent ? Entre le policier et le suspect commence un duel sous haute tension, qui va attirer dans son ballet de faux-semblants un jeune avocat idéaliste, le bras droit d'un boss de la mafia et un reporter prêt à tout pour décrocher le scoop de sa vie. Quand un deuxième viol est commis, la quête de la vérité devient une affaire de vie ou de mort...

Mon avis
Je ne sais pourquoi, j’avais envie de dépaysement et de toucher à des rivages polareux inconnus (de moi). Je suis tombée par hasard sur ce polar israélien, je me suis dit banco. Je lis çà et là que l’auteur est THE auteur de polars en Israel, l’éditeur arbore fièrement un « chef d’œuvre » sur la couverture. Ouais, ben, on se calme.
Cela commençait assez bien, avec une intrigue et des personnages tout à fait représentatifs du roman noir. D’un côté, un flic plus tout jeune, qui va rapidement avoir des problèmes avec sa hiérarchie, un de ces enquêteurs malmenés comme en recèlent tant de romans noirs ; de l’autre, un type ordinaire, qui basculé du côté obscur de la force au gré d’événements malheureux, un de ces losers que la vie broie après lui avoir promis monts et merveilles. Bref, les deux grands types de personnages du roman noir.
Le tout se déroule sur fond d’institutions défaillantes, avec des relations troubles entre pègre, justice et police. La mécanique tragique se met en marche.
Pourtant, si je suis allée jusqu’au bout du roman sans peine, je n’ai pas aimé. D’abord, peut-être parce que je venais de lire Wessel Ebersohn, j’aurais aimé lire un roman noir un peu plus ancré dans la société israélienne. Sur ce point je veux bien admettre que mon point de vue est géo-centré : d’Israel je ne connais somme toute que la question israélo-palestinienne, et je peux comprendre qu’un auteur de polars ne considère pas que c’est l’unique sujet, d’autant qu’apparemment, son roman est bel et bien ancré dans un certain aspect de la société israélienne (justice, police, pègre). Ce n’est pas ce que j’attendais, ça ne signifie pas que le roman soit mauvais.
Ensuite et surtout, le roman se termine curieusement. Difficile d’en dire plus sans spoiler, mais franchement, la fin n’a rien d’une fin de roman noir. Dois-je considérer que c’st du thriller ? Pas tout à fait à mon sens (et c’est tant mieux) car l’auteur ne joue pas la carte du polar haletant, il prend le temps de déployer les choses et ne la joue pas « course contre la montre ». Mais pour faire simple, aucun des auteurs de romans noirs dont j’aime l’univers n’aurait opté pour cette fin-là, AU CONTRAIRE.
Bref, Tel-Aviv Suspects a été une lecture sympathique mais ce n’est pas ce que j’espérais, et je ne pense pas revenir vers cet auteur.

Liad Shoham, Tel Aviv Suspects (Misdar zihouï מסדר זיהוי), Les Escales, 2013. Traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche. Publication originale : 2011. Disponible en poche chez 10/18.

lundi 24 mars 2014

True Detective Saison 1


True Detective est la série qui a fait parler d’elle ces dernières semaines et je ne vais pas disserter sans fin sur le buzz généré, ni sur les analyses qui fleurissent. Je l’ai abordée comme j’aborde un roman noir, mais à la télé, pas comme un phénomène médiatique. Et vous voulez que je vous dise ? Il est rare de voir, sur petit écran, du noir aussi serré, sans concession majeure à ce qui fait le sel du genre : sa noirceur absolue. Un petit miracle télévisuel, en somme.
Huit épisodes d’une heure et pas une minute de trop, une construction admirable, une mise en scène et une photographie éblouissantes, enfin des acteurs, du premier jusqu’au dernier, impeccables.
Côté scénario, pas de surprise pour les lecteurs de roman noir ou les spectateurs de films noirs. Je veux dire par là que l’habitué des codes du genre ne sera pas décontenancé, il n’y a que ceux qui ne connaissent du polar que des productions beaucoup plus grand public (je dis cela sans mépris aucun pour les grosses machines à polar du petit écran, je les aime aussi) pour s’extasier devant l’originalité de l’histoire et de son traitement. On retrouve dans True Detective nombre de codes et de figures du noir : le duo de flics mal assortis, la hiérarchie mi-aveugle mi-corrompue, un tissu social dégradé dans une Louisiane dévastée par les ouragans. Je m’étonne de voir nombre d’internautes s’extasier ou s’agacer devant le côté « philosophe » de Rust, les plus enthousiastes s’émerveillant de ce discours sur le monde et l’homme comme ils vont, tandis que les détracteurs pestent contre le coté verbeux que cela donne à quelques passages. Rust est l’un de ces enquêteurs (privé ou flic, on s’en moque) pour qui chaque enquête vaut pour confirmation de la noirceur du monde, de la corruption des hommes, de l’hubris de cette « viande sensible » que nous sommes, des animaux devenus trop conscients d’eux-mêmes et persuaidés d’être quelqu’un, alors que somme toute, poussière nous étions, poussière nous redeviendrons. Ce côté philosophe n’est pas si rare dans le noir… Simplement, parce que nous sommes à l’écran, il faut donner à entendre ce que le roman mettrait dans la tête du héros ou du narrateur ; donc Rust parle, à son équipier, le plus souvent abasourdi par tant de cynisme et de pessimisme. Les deux équipiers sont d’ailleurs dans la lignée des héros hardboiled, faillibles, faibles, touchants, repoussants, tout cela à la fois ou tour à tour. Je les ai adorés, l’un comme l’autre. Ils sont portés par deux superbes comédiens. Je sais que tout le monde loue Matthew McConaughey, et il est vrai que son interprétation est somptueuse, mais je trouve que ce n’est pas rendre justice à Woody Harrelson : si Rust, joué par McConaughey, est un peu monolithique (en témoigne la voix un brin monocorde du comédien dans le genre caverneux, enfin, je trouve, à la longue), Marty me semble plus complexe à jouer, plus mouvant, et Harrelson parvient à le rendre tour à tour haïssable et… tout simplement humain, donc faillible et touchant.
Quand j’ai entendu l’argument développé dans le premier épisode, j’étais méfiante, les histoires de meurtres rituels sont vus et revus dans ce que je déteste le plus – les thrillers à couverture en relief un peu brillante , vous savez – et ce n’est pas ma tasse de thé. Mais à partir de cela, True Detective construit un scénario purement noir, enraciné dans une Louisiane pétrie de croyances.
Bref, rien de neuf pour le lecteur de roman noir, mais c’est du très grand noir, l’égal d’un roman de Lehane (au meilleur de sa forme), voire d’un Ellroy, ou un mélange des deux. Marty pourrait aller chez Lehane, mais Rust, nan... direct chez Ellroy. Ou chez Jack O'Connell. C'est peu dire que je fais là un compliment. C’est rare à la télévision et donc remarquable. J’en redemande.
En revanche, en termes d’écriture télévisuelle, c’est sans doute atypique. Contrairement aux séries policières à succès, pas de clôture par épisodes, mais une construction complexe, qui entremêle six épisodes durant les niveaux temporels, étirant l’histoire sur plus de dix ans, sans que l’on se perde jamais. Et une logique narrative continue, un cycle plutôt qu’une série d’histoires, certains parlent d’ailleurs d’un long métrage en huit heures.
Il y a aussi la grande exigence de la mise en scène : tout le monde parle du plan-séquence de l’épisode 4, à juste titre, ceci dit l’ensemble de la série se distingue par sa qualité visuelle et sa mise en scène maîtrisée et efficace.
Mais si la série, dont on annonce déjà une saison 2, doit se distinguer des autres, c’est sans aucun doute par son approche de la sérialité : pour une fois, elle ne sera pas fondée sur le retour des personnages, si j’en crois ce que je lis, et cela est perturbant (je finis toujours par m’attacher aux héros, même les plus barzingues et les plus sombres) autant qu’excitant. Comment faire une saison 2 après celle-ci ? Et avec qui, nom d’une pipe ? 
Bref, je ne saurais trop vous conseiller de regarder True Detective, si vous aimez le roman noir et les films noirs, cette série est pour vous ! Et je vous envie d’avoir encore à la découvrir…

True Detective (saison 1), créée par Nic Pizzolatto, produite par Anonymous Content, Parliment of Owls, Passenger, Neon Black, diffusée pa HBO (USA, 2014). Huit épisodes de 60 minutes réalisés par Cary Fukunaga. Diffusée en France sur OCS City. Disponible en DVD en juin 2014.


jeudi 20 mars 2014

Icônes de Margaret Stohl


Présentation (éditeur)
Tout a changé depuis le jour du Jour. Le jour où les fenêtres ont explosé. Le jour où l’électricité a été coupée. Le jour où la famille de Doloria a été frappée par la mort. Le jour où la Terre a perdu une guerre dont elle ignorait qu’elle était en cours. Depuis, Dol vit une existence simple à la campagne, à l’abri des Icônes et de leur terrifiant pouvoir. Mais elle ne pourra pas se cacher éternellement de la vérité. Elle est différente. Elle a survécu. Pourquoi ? Dol et son ami de toujours, Ro, sont arrêtés et emmenés à l’Ambassade, au large de la cité tentaculaire autrefois appelée Cité des Anges. 

Mon avis
Je n’ouvrais pas Icônes sans préventions. Si je ne suis pas une grande lectrice de dystopies, le peu que je connaissais du genre dans le secteur jeunesse (ados/young adult) me semblait un peu convenu, au sens où les auteurs jeunesse ont parfois tendance à reproduire des schémas vus et revus dans le secteur ados, en particulier du côté anglo-saxon. En même temps, j’avais lu il y a quelques années quelques dystopies jeunesse intéressantes, comme Memory Park de Fabrice Colin.
Je dois préciser aussi que de Margaret Stohl, je ne connaissais que le premier tome de Sublimes Créatures, écrit avec K. Garcia, volume sympathique dont je pouvais concevoir la séduction sur de jeunes lecteurs.
Qu’en est-il d’Icônes, donc ? Evidemment, je ne vais pas vous dire que j’ai vibré à la lecture, mais je pense que tout simplement, j’ai passé l’âge. Les personnages ne me touchent pas, non parce qu’ils ne sont pas touchants, mais parce que je ne peux m’identifier à eux, trop vieille pour ça. Néanmoins, aucun ne m’a exaspérée (Bella, si tu nous entends…), et le triangle amoureux ne m’a pas consternée. Cela fonctionne. Tout au plus puis-je reprocher, pour le moment, un certain manichéisme, assez habituel dans le peu que je connais de la dystopie jeunesse, avec tout de même Lucas qui est plus ambivalent.
L’intrigue est bien fichue dans ce premier volume, sans temps mort, je ne me suis pas ennuyée, sans avoir non plus l’impression d’être étourdie par des accélérations intempestives.  
Icônes est également une dystopie qui lorgne du côté de l’univers super-héroïque, car les personnages des Enfants-Icônes ont tous une caractéristique particulière, liée à leurs émotions, dont on ne connaît pas toujours les limites, mais qui s’apparentent à un pouvoir hors du commun, voire un super-pouvoir. On retrouve aussi ce questionnement sur l’adolescent élu, « seul » (cela vaut aussi pour un groupe de personnages) à pouvoir faire basculer les choses, ce qui croise me semble-t-il le questionnement sur « grands pouvoirs grandes responsabilités » de l’univers super-héroïque tel qu’il s’est déployé ces dernières décennies. C’est un aspect que j’ai trouvé rudement intéressant.
Je précise que Icônes, sans être mièvre, ne se complaît pas dans un déchaînement de violence : c’est sombre, jamais gore. Voilà pour ceux qui auraient des craintes pour leurs chères têtes blondes/brunes/rousses.
Enfin, grâces soient rendues au traducteur, Luc Rigoureau, je trouve Icônes très bien écrit. Il y a des beaux moments, et l’écriture ne s’égare jamais dans l’emphase, n’est jamais pompeuse, tout en étant très belle.
Icônes me semble donc une lecture hautement recommandable, et je lirai sans aucun doute le volume suivant, puisque, comme souvent, si j’ai bien compris, Icônes est prévu pour être une trilogie. Le deuxième volume sortira en anglais en juillet prochain (Idols).

Margaret Stohl, Icônes (Icons), Hachette/Black Moon, 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Luc Rigoureau. Publication originale : 2013.