Présentation éditeur
Le gang
paradoxal a explosé.
De retour du Laos où elle est allée chercher
Liwayway, la fillette qu’elle était à l’âge de quatre ans lorsque des miliciens
ont abattu ses parents, Silver est immédiatement dirigée par le commissaire
Lacroix sur une enquête qui implique un groupe radical rouge-brun et le site
Shoot To Kill, listant des personnalités à abattre et élaboré par Antoine
Marquez, théoricien du chaos social.
Wolf, son coéquipier à la Brigade criminelle et
alter ego absolu, se trouve plongé dans un coma profond suite à une overdose de
neurotoxine hallucinogène, l’arme existentielle de la Vipère dont l’élève,
Diane, s’est faite l’archange noire.
Lacroix est obsédé par l’idée de récupérer la
neurotoxine, mais la Vipère et Karen, la fille samouraï, ont poussé le réel
nettement plus loin qu’il ne peut l'imaginer.
Silver va s’engouffrer dans des représentations
du monde divergentes et mutuellement exclusives, en attendant le réveil de Wolf
qui, perdu dans l’univers parfait du néant, enregistre les mélodies de
l’alignement des équinoxes.
Roman du transréalisme, Minuit à
contre-jour frotte comme des silex les
confusions avec lesquelles l’Occident se fascine pour son propre crépuscule.
Ses héros sont les aventuriers d’une rupture idéologique.
Ce que j’en pense
La trilogie, L’Alignement des
équinoxes, est une des lectures les plus marquantes de ces dernières années
à mes yeux. Sébastien Raizer déroge à tous les codes (pour le meilleur),
déjoue les attentes, ne cède à aucune facilité. Certes, on ne peut s’empêcher
de penser à Philip K. Dick et aussi, en ce qui me concerne, à Dantec, pour ce
côté prospective fiction ou plutôt speculative fiction. Pas de projection dans
le futur, même proche : pour moi (mais je me trompe peut-être), Sébastien
Raizer nous parle d’ici et maintenant, ouvre les portes que nous ne voulons
peut-être pas ouvrir. Face au chaos (social, politique) une évolution est
inéluctable, mais dans Minuit à
contre-jour, les réponses ou les perspectives qu’offre cette évolution
diffèrent. La grande force de ce dernier volume est de ne céder à aucune
facilité et de bouleverser, pour ne pas dire renverser, précisément, les
perspectives. Le gang paradoxal emmené par Lacroix n’a pas seulement explosé à la suite de la
mort de Markus et du coma de Wolf : il révèle des objectifs plus troubles (ou
bien dramatiquement clairs) qu’il n’y paraît. Et Lacroix, personnage posé d’abord
comme une force de subversion, pourrait surprendre. Tout comme la Vipère et son
équipe.
Sébastien Raizer bouscule la moindre certitude, ajoutant au
sentiment de chaos en déstabilisant la vision des personnages qu’il a créés,
tout comme il déstabilise notre perception du réel, du politique, du social et
du technologique, notre perception du vivant et de son évolution. Il le fait à
grands renforts de sources dûment citées, car soyez sûrs que le plus fou dans
le roman n’est pas issu de l’imagination de l’auteur : c’est le réel, ici
et maintenant. La force du romancier est de donner du sens à tout cela, de
projeter sur le chaos les possibles, qu’ils soient affolants (Lacroix) ou plus
troublants et spirituels. Dans le personnage de Marquez je vois un écho du
travail du romancier : il est celui qui à partir d’informations éparses
reconstruit le projet, le sens, appelez-ça comme vous voudrez. En cela L’Alignement des équinoxes confirme à
mes yeux son statut de roman noir, portant un regard à la fois démystificateur
et éclairant sur le monde, sur l’humain, dans sa dimension sociale et
politique.
Enfin, je ne peux terminer ma chronique sans évoquer l’amour
que j’ai pour les personnages : leur complexité, leur… humanité. Markus n’est
plus là mais son ombre plane sur le roman, sans lui rien n’est possible. Reste
qu’en tant que lectrice, j’ai éprouvé un sacré manque de Markus. Je pourrai
énumérer les personnages qui me font vibrer, mais je ne vous étonnerai pas en
évoquant une fois encore Wolf et Silver. Wolf, qui a, à mes yeux, la séduction
du Surhomme de roman populaire (ce qui n’enlève rien au côté expé de ce roman
noir), qui me fait penser par certains aspects à Toorop ; Silver et les
dimensions physiques, psychiques, cosmiques, et surtout le duo qu’ils forment,
le lien à la fois très charnel et spirituel qu’ils ont. Ces deux-là me bouleversent
et me fascinent tout à la fois.
Vous l’aurez compris, Sébastien Raizer clôt un cycle
magistral, une de ces œuvres qui marquent, qui manifestent une puissance
littéraire folle, et qui changent notre façon de concevoir le monde qui nous
entoure. Une totale réussite, et j’envie ceux qui s’apprêtent à plonger pour la
première fois dans L’Alignement des
équinoxes.
Sébastien Raizer, Minuit
à contre-jour, L’Alignement des
équinoxes III, Gallimard, Série Noire, 2017. Disponible en ebook.