mercredi 15 juillet 2015

Le chemin s'arrêtera là de Pascal Dessaint


Présentation (éditeur)
Sur une côte nordiste fantomatique, des hommes survivent au jour le jour, hantés par un passé mortifère. Mais qui sont ces laissés-pour-compte de notre époque, qui semblent camper dans un temps suspendu ? Des êtres qui, derrière l'apparence de normalité qu'ils essayent de préserver, ont été broyés ou souillés, à l'image du pays qu'ils habitent, marqué par les stigmates d'une industrie lourde moribonde et d'une nature qui reprend ses droits, de plus en plus inquiétante.

Ce que j’en pense
Si mon souvenir du roman ne s’est pas estompé, cela fait tout de même deux mois que je l’ai lu, et les noms des personnages s’embrouillent un peu. Ma dernière lecture de Pascal Dessaint avait été Maintenant le mal est fait, que je n’avais pas beaucoup aimé, et avant cela, j’avais passé mon tour pour Le bal des frelons. C’est dire que j’avais quelque appréhension en ouvrant Le chemin s’arrêtera là. Mes craintes ont été vite balayées, et sans que ce roman ne me touche autant que les premiers romans de l’auteur, ou que Les Derniers jours d’un homme, j’ai vraiment aimé. 
On retrouve ici le talent de Pascal Dessaint pour construire son roman, enchevêtrer les narrations et les moments de narration : ceux qui n’aiment pas cela peuvent passer leur chemin, c’est l’une des spécialités de l’auteur et il est plutôt virtuose en la matière. La réalité est trop complexe pour que l’on puisse se satisfaire d’une voix et d’un point de vue, les faits s’éclairent - parfois d’une lueur plus terrifiante encore - par cette vision multiple. 
Les personnages sont admirablement brossés, et peut-être devrais-je dire « terriblement brossés »: Pascal Dessaint nous promène dans un milieu de gens simples, un peu en marge, des laissés pour compte qui n’ont rien de magnifique. Cela lui permet surtout une plongée dans la noirceur des hommes, comme il sait si bien le faire. C’est ce que j’aime avec Pascal Dessaint, et c’est en cela qu’il est à mon sens un excellent auteur de roman noir : il ne pose pas de regard angélique sur ses personnages sous prétexte qu’ils sont mal lotis; il aide à comprendre, il n’excuse ni ne condamne. 
Pas question de dévoiler l’intrigue : je peux simplement dire qu’elle est bien menée, et glaçante. Un simple énoncé des faits pourrait d’ailleurs donner l’impression d’un roman glauque et oppressant, et ce n’est pas le cas. Car au coeur de cette noirceur, il y a de la beauté, une beauté créée par l’écriture et le regard que porte l’auteur sur ces paysages qui mêlent l’industriel et le maritime. J’ai retrouvé certaines ambiances des Derniers jours d’un homme : là où certains ne verraient que l’horreur des machines, des usines, des monstres industriels créés par l’homme pour oppresser l’homme, Pascal Dessaint parvient à voir et à nous faire voir une beauté étonnante, une poésie que l’on n’attend pas. Cette usine plantée en bord de mer, qui scintille la nuit, c’est extraordinaire autant qu’effroyable. Et puis bien sûr, ces dernières années, l’amoureux de la nature qu’est Pascal Dessaint a appris à peindre les paysages naturels, les oiseaux, d’une plume sure et agile, et ça aussi, c’est très beau. Ici, la nature est envahissante, elle reprend ses droits sur une côté que l’homme a voulu marquer de son empreinte, par des constructions peu à peu envahies par le sable, par une usine, un casino qui n’est plus. 
La première phrase du roman donne une idée assez précise de ce qui nous attend, et c’est une très belle attaque, je trouve : 

« J’aimerais raconter le vent qui mugit dans l’acier, et puis notre méchanceté. »


Voilà, le ton est donné…

Pascal Dessaint, Le chemin s'arrêtera là, Rivages/Thriller, 2015. Disponible en e-book.

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