jeudi 4 septembre 2014

Les péchés de nos pères de Lewis Shiner


Présentation (éditeur)
Lorsque Michael arrive à Durham, en Caroline du Nord, pour accompagner son père mourant, il ne connaît que très peu de choses de la ville. C'est pourtant le berceau de sa famille, ses parents y ont vécu jusqu'à ce qu'il vienne au monde, avant de s'installer au Texas. Et c'est là que Michael va faire une étrange découverte, relative à sa naissance. Ce n'est que l'un des nombreux secrets et non-dits familiaux, et tous semblent liés à la destruction, à la fin des années soixante, d'Hayti, le quartier noir de Durham. À l'époque, celle de la lutte pour les droits civiques, ce haut lieu de la culture afro-américaine, symbole de liberté dans une région confite dans ses vieilles valeurs conservatrices, a été endeuillé par un meurtre jamais élucidé. L'assassinat d'un homme, la mort d'un quartier, d'une culture, Michael n'aura d'autre choix que de faire toute la lumière sur ces événements afin de lever le voile sombre qui recouvre son identité. Il est loin de se douter qu'il va ainsi réveiller de vieux fantômes, initier de nouvelles tragédies et mettre sa vie en péril. C'est le début d'une course contre la montre, aux multiples retournements, à l'issue incertaine.

Ce que j’en pense
Alors voilà: Les péchés de nos pères aurait pu un très grand roman noir. Il est un bon roman noir, ce qui n’est pas si mal, me direz-vous. Oui, mais on n’est pas passés loin du très grand livre, alors c’est un peu rageant. Shiner met en place un personnage fort et attachant, englué dans les secrets familiaux, revenu sur les lieux de sa prime enfance pour voir mourir son père. Il ne se doute pas de ce qui l’attend… Shiner travaille avec une grosse documentation, et qu’il parle de la lutte pour les droits civiques et de la condition des Afro-américains dans le Sud, de la ville de Durham, de la bande dessinée ou du vaudou, il est précis et rigoureux, ce qui est essentiel dans un roman noir qui explore un tel sujet. C’est passionnant, jamais pesant, et glaçant. Il sait aussi explorer les rapports parents-enfants avec une grande finesse, offrant au lecteur de très beaux moments romanesques. Si la relation entre Robert et Michael est captivante, j’ai été bouleversée par la grande discussion entre Robert et son propre père, un des plus beaux moments du livre. La construction est impeccable, offrant successivement ou alternativement les points de vue de Michael, Robert et Ruth: cela fonctionne admirablement. Le roman est si solidement ancré dans la réalité socio-politique des Etats-Unis en matière d’(in)égalité raciale que le pire est toujours certain, comme il se doit dans un roman noir digne de ce nom.
Alors pourquoi n’est-ce pas, à mon sens, un très grand roman noir? Parce que Shiner est un grand sentimental et qu’il ne veut pas sombrer dans la tragédie complète… et que cela nuit à la vraisemblance du récit à mon sens. L’histoire entre Michael et Denise était déjà un peu trop fleur bleue à mon goût, mais du moins était-elle cohérente avec le récit. Mais la folle échappée de Michael lors de la manifestation (chut!) verse dans le thriller de mauvais aloi pour moi, et les fantômes resurgis du passé pour que tout finisse bien ont gâché le roman, sans que ce soit utile à mes yeux. Après m’avoir bluffée et secouée, Lewis Shiner a fait retomber le soufflé dans un bruit de ballon qui se dégonfle, et c’est frustrant.
Pour autant, recommanderais-je Les péchés de nos pères? Oui, car cela reste un bon roman noir, bien au-dessus du lot commun, et qui vaut la peine d'être découvert.


Lewis Shiner, Les péchés de nos pères (Black and White), Sonatine, 2011. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau. Publication originale: 2008. Disponible en ebook.

1 commentaire:

Jean-Marc a dit…

J'ai eu exactement la même appréciation lors de sa sortie, un bon polar auquel il manque quelque chose pour être plus que ça.