Présentation éditeur
Étienne, trentenaire parisien célibataire et solitaire, disparaît subitement. Ses parents et sa soeur sont anéantis. Six mois plus tard, personne n’a trouvé la moindre piste criminelle, ni le début d’une explication rationnelle. Comment imaginer que Dogo, comme le surnomme sa soeur, Simone, ait volontairement pris la tangente ?
Lassée de se morfondre, Simone décide donc de partir à sa recherche. Mais par où commencer ? Peut-être par ces textes, débuts de romans inachevés, entre pastiche et exercice de style, abandonnés par leur auteur…
Ce que j'en pense
J'ai commencé l'année avec Pouy. Non que ce soit important en soi, je ne partage pas la liesse de certains éprouvent à passer à l'année suivante, mais disons que c'était de bon augure. Ou pas, d'ailleurs, parce que Pouy nous livre un roman bien mélancolique.
Quand s'ouvre En attendant Dogo, Simone ne va pas bien. Elle soutient comme elle peut ses parents, mais comme eux elle est au désespoir : Dogo, alias Etienne, le frère chéri, a disparu depuis des mois. Est-il vivant? Est-il mort? Elle a pourtant l'énergie du désespoir, et aidée d'un détective dynamique et sympathique, elle continue sa quête, de ville en village, de rencontre en déconvenue.
Chez Pouy, je demande.... le formaliste. Pour retrouver son frère, Simone et son curieux détective mènent l'enquête dans les interstices inconnus de sa vie, mais aussi dans ses textes. Car Etienne se rêvait poète et écrivain, et il avait écrit des débuts de romans de tous styles et genres. Sa référence est Raymond Roussel. Et Pouy s'amuse, nous proposant certains de ces débuts de romans, nous mettant dans la posture du lecteur-détective. La littérature, piste ou impasse? Lisez donc.
Chez Pouy, je demande... le libertaire. Et voici qu'il nous offre un trio improbable et irrésistible, qui après avoir cramé ou vu cramer leur théâtre de Guignol, vont se mettre à faire péter des bâtiments, hautement symboliques. Les trois larrons, Guignol, Madelon et Gnafron, rejouent dans la vraie vie l'irrévérence de leurs spectacles, se marrent et nous font marrer. Leur révolte a quelque chose d'absurde et de salutaire. Quant à Simone, elle évolue dans un monde qui est le nôtre, demain sans doute, où tout se disloque et où des communes et des territoires font sécession, se laissant aller à une joyeuse utopie qui laisse notre héroïne dubitative, au moins dans un premier temps.
Chez Pouy, je trouve... le mélancolique, bien plus que d'habitude. La farce ne masque plus vraiment le désespoir. Simone attend Dogo, elle ne trouve au fil de son enquête qu'Etienne, et Etienne est un humain tout ce qu'il y a de plus ordinaire, corruptible, prêt à sacrifier son idéal, la littérature, ou peu s'en faut. La littérature ne sauve personne de la médiocrité. La disparition d'Etienne n'est pas une tragédie sublime, c'est une fuite lâche et ordinaire. Sur son chemin, ce n'est pas la seule déconvenue de Simone, et les gens sont si loin de ce qu'ils paraissent être. N'est-il pas ironique que le décillement ultime vienne grâce à une cadre de la Française des jeux qui a le look d'une DRH? Simone est comme Bardamu, vous voyez, elle ne construit rien dans sa quête, elle fait l'expérience de la perte et du vide. Heureusement, il reste un refuge possible, quelque part dans le sud, aux côtés d'un ogre lettré et gentil. De là à croire que les contes de fée sont possibles...
Jean-Bernard Pouy, En attendant Dogo, Gallimard La Noire, 2022.
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