vendredi 7 octobre 2022

Madame Mohr a disparu de Maryla Szymiezkowa



Présentation éditeur

Cracovie, 1893. Zofia Turbotyńska, sans enfants, mariée à un professeur d’université, s’efforce de gagner sa place dans la haute société cracovienne. Dans ce but, et pour lutter contre l’ennui de sa vie domestique, elle s’engage au service d’une cause caritative : la Maison Helcel, maison de soins privée pour les malades et les vieux.

Lorsqu’une résidente, Mme Mohr, est trouvée morte dans le grenier, le médecin conclut à une crise cardiaque. Mais Zofia, grande lectrice de romans policiers, y voit aussitôt un acte criminel et décide d’enquêter. Plonger dans les secrets des uns et des autres, sinistres ou anodins, est bien plus amusant que coudre des sachets de lavande… Et qui sait, Zofia y trouvera peut-être une nouvelle vocation ?

Première aventure de cette Miss Marple à la polonaise, ce roman mêle pastiche hilarant et satire bourgeoise, tout en offrant au lecteur un savoureux portrait de Cracovie, avec ses commérages, ses figures historiques et ses mœurs d’un autre âge.


Ce que j'en pense

Voilà du changement du côté du polar polonais, et c'est très chouette. Et comme c'est le premier d'une série, c'est encore mieux. Est-ce du polar historique? Pas tout à fait. Est-ce du cosy crime? Je n'en ai pas lu assez pour dire, mais il me semble que ça n'en est pas tout à fait non plus. Ou c'est tout cela à la fois et plus encore. Quoi qu'il en soit, je me suis régalée. 

D'abord, j'ai adoré l'héroïne : elle n'est pas très aimable, et c'est pour cela que j'ai aimé la connaître, la suivre. Elle est un peu une parvenue, qui s'est haussée dans la société grâce à son mariage. C'est une femme de son époque, mais nos auteurs lui insufflent un brin de malice, une bonne dose de curiosité, et une belle intelligence. Nous découvrons la bonne société cracovienne par ses yeux et c'est piquant juste ce qu'il faut. 

Ensuite, la bonne idée, évidemment, c'est cette maison de soin, qui accueille aussi bien des pensionnaires fortunés que des indigents, le tout mené par des religieuses hautes en couleur. C'est un microcosme formidable, délicieux. Mais nous avons aussi de belles incursions dans divers lieux emblématiques de Cracovie, alors en pleine mutation, comme toutes les villes d'Europe à cette époque. 

En somme, Madame Mohr a disparu a le charme d'un récit d'énigme avec une héroïne qui n'est pas une enquêtrice professionnelle (et qui est bien plus charmante que Miss Marple, cette punaise), qui par son statut de transfuge de classe (comme on ne disait pas à l'époque) est en position d'observatrice autant que d'actrice,, et qui connaît divers milieux sociaux. Son tandem occasionnel avec sa domestique, bien rusée pour débusquer une "disparue", est délicieux. Son mari est assez rigolo aussi, un peu lunaire, et j'aime quand il reprend son épouse sur ses remèdes "de bonne femme", tout comme celle-ci se gausse des superstitions de sa domestique. 

Mais Madame Mohr a disparu a aussi la force d'une fresque historique, qui embrasse la société polonaise à un moment important. En cela, la préface de la traductrice est une bénédiction pour le lecteur ignorant (comme moi) de l'histoire de la Pologne dans des aspects précis. C'est précieux car cela facilite ensuite la lecture du roman, qui est parfaitement fluide, jamais didactique/pesant, et pourtant très ancré dans l'Histoire et ses tourments. Les auteurs entendent par cette série saisir les grandes fractures de l'Histoire de la Pologne, de Cracovie, de l'Europe, les trois étant évidemment articulées, liées dans leur destin. 

En somme, Madame Mohr a disparu est un bonbon acidulé juste ce qu'il faut, plein de bonnes choses. J'ai hâte de découvrir le deuxième volume, de retrouver Zofia.

Ah et la couverture : réussie, non? Moi j'adore. 


Maryla Szymiezkowa, Madame Mohr a disparu (TAJEMNICA DOMU HELCLÓW), Agullo Noir. Traduit du polonais par Marie Furman-Bouvard. 




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