dimanche 17 mai 2020

Les militantes de Claire Raphaël


Présentation éditeur
Ce n’est pas tous les jours qu’on assassine une femme en pleine rue par arme à feu. Ni qu’on trouve une signature sur des étuis percutés. Alice Yekavian est experte en balistique. Béatrice Chabaud avait été capable de quitter un mari qui la battait, de retourner son destin, assez peut-être pour irriter ceux qui aimeraient que les victimes restent dans leur rôle. Qui s’est attaqué à cette militante contre les violences faites aux femmes, liée à un journaliste ayant appartenu à la mouvance d’extrême gauche ? Les équipes de police n’ont aucun doute. Cette enquête va leur demander du temps, de la minutie, de la modestie. Quand les malentendus s’enchaînent, quand les détails prennent de l’importance et qu’on n’y peut rien, quand le hasard s’invite en prenant l’ascendant sur votre intelligence, quand les suspects ont trop de choses à dire après avoir peaufiné leurs mensonges pendant des années, il suffit parfois d’un détail pour que tout s’éclaire. Ou de laisser une chance à ses intuitions.

Ce que j'en pense
Voici encore un livre qui a eu la malchance de sortir peu de temps avant le confinement. Heureusement il avait rejoint mon stock le samedi qui en a précédé l'annonce, comme quelques autres titres, ouf. Je n'avais aucune attente puisque c'est le premier roman d'une autrice qui a précédemment écrit de la poésie. 
Claire Raphaël est experte en balistique au sein de la police scientifique et cela se sent. La précision des notations sur les crimes, les armes, tout ce qui compose la balistique ou plus largement les procédures criminelles et scientifiques en rebutera peut-être certains : moi cela m'a passionnée et j'ai apprécié cette minutie. Au-delà même de son personnage principal, Alice, Claire Raphaël brosse des portraits de flics sans vision romantique, et c'est également quelque chose que j'ai beaucoup apprécié. Pas de surhommes dans ce récit d'enquête, de la patience, de la précision, une confiance dans les faits et les preuves. 
Et puis il y a les victimes, ces femmes prises pour cible d'un tueur : oh pas un tueur sadique, on n'est pas dans un thriller à la noix, non, un tueur qui les abat froidement. Mais là non plus, n'attendez pas un tueur hors du commun, le roman préfère les chemins moins sexy du réalisme, et c'est tant mieux. 
Je pourrais reprocher quelques passages un chouïa maladroits, un peu trop démonstratifs ou explicatifs, mais ils passent derrière les qualités du roman. Les militantes (dont je n'aime guère le titre, ceci dit) saisit les violences de notre société, au premier rang desquelles les violences faites aux femmes. Les victimes ont en commun, au premier abord, le fait d'avoir refusé de plier l'échine, d'accepter la violence infligée, et là aussi Claire Raphaël est d'une précision implacable dans les faits, les mises en perspective et les chiffres, sans jamais être pesante (il n'en est pas besoin) car elle est trop fine pour cela. Et là où un mauvais romancier aurait fait du tueur une caricature, Claire Raphaël construit un personnage plus complexe, pathétique autant que glaçant, victime à son tour d'une violence, de classe et non de genre. 
Et puis il y a l'écriture de Claire Raphaël, d'une grande force mais aussi d'une grande beauté. Je me suis même surprise à noter des passages, des phrases, et c'est une chose que je fais rarement. 
Il serait dommage de passer à côté des Militantes, et avant que d'autres nouveautés n'arrivent en masse chez nos libraires, lisez Claire Raphaël. 

Claire Raphaël, Les militantes, Le Rouergue, Rouergue noir, 2020.

2 commentaires:

Electra a dit…

ton billet m'a convaincue ! je le note :-)

Tasha Gennaro a dit…

Ecoute, ça vaut le coup d'être découvert.