samedi 2 mai 2020

Richesse oblige d'Hannelore Cayre



Présentation éditeur
Dans les petites communautés, il y en a toujours un par génération qui se fait remarquer par son goût pour le chaos. Pendant des années l’engeance historique de l’île où je suis née, celle que l’on montrait du doigt lorsqu’un truc prenait feu ou disparaissait, ça a été moi, Blanche de Rigny. C’est à mon grand-père que je dois un nom de famille aussi singulier, alors que les gens de chez moi, en allant toujours au plus près pour se marier, s’appellent quasiment tous pareil. Ça aurait dû m’interpeller, mais ça ne l’a pas fait, peut-être parce que notre famille paraissait aussi endémique que notre bruyère ou nos petits moutons noirs… Ça aurait dû pourtant…
Au XIXe siècle, les riches créaient des fortunes et achetaient même des pauvres afin de remplacer leurs fils pour qu’ils ne se fassent pas tuer à la guerre. Aujourd’hui, ils ont des petits-enfants encore plus riches, et, parfois, des descendants inconnus toujours aussi pauvres, mais qui pourraient légitimement hériter ! La famille de Blanche a poussé tel un petit rameau discret au pied d’un arbre généalogique particulièrement laid et invasif qui s’est nourri pendant un siècle et demi de mensonges, d’exploitation et de combines. Qu’arriverait-il si elle en élaguait toutes les branches pourries ?

Ce que j'en pense
C'est avec appétit que j'ai commencé ce roman, et je le dis tout de suite : la lecture m'a moins emballée que La Daronne, qui était mon premier roman d'Hannelore Cayre, il y avait la surprise. N'empêche, j'ai moins ri avec Richesse oblige, peut-être aussi parce que la romancière est partie ici d'une colère qui la rendait moins légère. N'allez pas croire que je n'ai pas aimé ce roman, si si si, mais il m'a fallu un peu de temps pour me faire à son ton. Hannelore Cayre n'a cependant rien perdu de son mordant, et Richesse oblige est teigneux à souhait, vif dans les portraits et les situations, acéré dans le constat social et politique. J'ai aimé l'alternance entre les deux époques, c'est bien mené, c'est rapide, rythmé, et j'ai apprécié que l'autrice m'apprenne des choses sur le conflit de 1870, dans les petits détails. Il y a par ailleurs de savoureux portraits de Bretons, des insulaires plus précisément, à qui on ne la fait pas. Mine de rien, Hannelore Cayre nous emmène à une époque qu'on ne peut qualifier de "racines du mal" capitaliste (ça a commencé avant), mais qui est sans doute une période de cristallisation, avec un renforcement des logiques de classe, un triomphe des valeurs bourgeoises et capitalistes, dans un monde où tout peut se monnayer.
J'aurais sans doute aimé que le roman soit un peu plus long, qu'il développe un peu plus la petite tribu de Blanche, et la fin m'a semblé un peu abrupte. Mais le fait est : le roman est ainsi plus brutal, plus sec, et je comprends ce choix. Quoi qu'il en soit, si vous avez aimé La Daronne, vous aimerez Richesse oblige, roman noir féroce et teigneux.


Hannelore Cayre, Richesse oblige, Métailié, 2020.

2 commentaires:

keisha a dit…

Forcément je veux le lire, et il faut que ce confinement cesse, là! ^_^

Tasha Gennaro a dit…

Ha ha ha! Comme je te comprends...