mercredi 20 mai 2020

Le sourire du scorpion de Patrice Gain




Présentation éditeur
C’est décidé, Tom, Luna et leurs parents descendront le canyon de la Tara en raft. Une belle étape de plus dans leur vie nomade. Pourtant, malgré les paysages monténégrins époustouflants, la complicité familiale et la présence rassurante de Goran, leur guide serbe, la tension envahit peu à peu le canyon et le drame frappe, sans appel. Du haut de ses 15 ans, Tom prend de plein fouet la violence du deuil et de la solitude. Dans l’errance qu’engendre le délitement de sa famille, il découvre la grande douleur, celle qui fissure les barrières et ouvre les portes à ceux qui savent s’engouffrer dans la détresse d'autrui. Mais, en dépit du chaos, Tom ne peut s’empêcher de retracer les événements et le doute s'immisce : ne sont-ils pas les victimes d’une Histoire bien plus grande que la leur?

Ce que j'en pense
C'est au moment de sa sortie, en janvier, que j'ai acheté ce roman : j'étais à Paris, je revenais de Bruxelles, vous savez, c'était un temps où comme des foufous nous bougions, où nous n'avions aucune idée de ce qui nous attendait... Néanmoins, je n'avais pas encore ouvert Le sourire du scorpion jusqu'ici, et alors que certains gambadent en profitant de leur liberté retrouvée, j'ai fait une plongée dans la noirceur de ce roman. Je n'ai pas été accrochée ni convaincue tout de suite, il m'a bien fallu 50 pages de ce court roman pour m'immerger vraiment, mais ensuite, nom de Zeus, quel voyage! Nul besoin pour moi d'aller respirer à pleins poumons les pollens qui n'auraient pas manqué de réveiller mes allergies, j'ai fait une plongée littéraire, poétique et effrayante dans une nature magnifique et parfois hostile grâce à Patrice Gain. Son écriture rend merveilleusement grâce à la beauté des espaces : gorges, rivière, plateau, fjord, la puissance de la nature est là, et elle offre un écrin aux personnages, pour le meilleur et pour le pire. 
Les personnages sont dans un premier temps ce qui m'a empêchée de me laisser porter, j'ai mis du temps à me familiariser avec Tom, Luna, Alex, Emilie et Goran. Ils ont quelque chose d'irréel, de décalé et Patrice Gain les caractérise par leurs actes, avant tout. Donc j'ai dû me laisser apprivoiser par cette famille qui, au regard des normes de notre société, est une famille de marginaux, de nomades. Le roman pourrait rappeler à certains les tragédies familiales des romans de David Vann. La "folie" de la mère, l'étrangeté rassurante (un temps) de Goran, les morts qui parsèment le roman, les espaces sauvages, le tout dans l'isolement de ces êtres atypiques, oui, cela peut faire penser à Vann. Mais la voix de Patrice Gain est singulière, et la tragédie familiale est "débordée" par la tragédie de l'Histoire, et le roman prend alors une autre ampleur, tous les faits sont remis en perspective. Et si j'ai mis un peu de temps à me laisser embarquer, ensuite je ne pouvais plus lâcher le roman. Je l'ai refermé époustouflée, il m'a fallu quelques instants avant de quitter cet univers et ces personnages, submergée d'émotion. 

Patrice Gain, Le sourire du scorpion, Le Mot et le reste, 2020.

2 commentaires:

Electra a dit…

très beau billet ! et oui, et moi j'embarquais toujours un livre pour aller bosser, j'avais trouvé mon bus qui me laissait 20 minutes de lecture .. tout ça avant .. ça !

Tasha Gennaro a dit…

Merciiii! Oui, tout ça semble loin, et tu sais, au boulot, on commence à préparer une rentrée et un automne par temps de COVID. Mesure de précaution, mais ça porte un coup au moral. Heureusement, il y a les livres...