vendredi 3 janvier 2020

Sadorski et l'ange du péché de Romain Slocombe


Présentation éditeur
Paris, mars 1943. Une femme est arrêtée dans un bistrot du 10e arrondissement. Elle aurait franchi la ligne de démarcation munie de faux papiers, pour un trafic de métaux précieux. L’inspecteur principal adjoint Léon Sadorski voit dans cette enquête une parfaite occasion de s’enrichir. Mais il a d’autres soucis, notamment protéger Julie, la lycéenne juive réfugiée chez lui depuis la rafle du Vél’d’Hiv.
C’est alors qu’une affaire de lettre anonyme et d’adultère le conduit sur les plateaux du cinéma français de l’Occupation : parmi les jeunes actrices d’un drame tourné dans un couvent de dominicaines, l’inspecteur va rencontrer son « Ange du péché » et se transformer en criminel…


Ce que j'en pense

Encore un roman acheté à sa sortie et que je n'avais pas ouvert... Il faut dire qu'avec ses 700 pages, Sadorski et l'ange du péché était imposant. Je l'ai lu sans savoir que c'était le dernier volume d'une trilogie, je pensais que Slocombe allait mener son personnage jusqu'à la Libération, et je faisais déjà des hypothèses sur le devenir de cet abject spécimen. Mais passons, cela ne change rien à ma lecture. 
D'abord, ne soyez pas effrayé par les 700 pages. Elles passent comme une lettre à la poste, plus que dans le deuxième volume, je trouve. Le rythme est soutenu, peut-être parce qu'en 1943, même si la Libération est encore loin, les choses s'accélèrent: l'armée nazie connaît de nombreux revers, et son attitude dans la France occupée s'en ressent, et le régime pétainiste sent aussi le vent tourner. Pas de temps mort dans ce volume, que j'avais hâte de retrouver. 
Ensuite, attendez-vous à une lecture éprouvante, et c'est ce qui fait la force de l'écriture de Romain Slocombe. Il aborde cette période de manière précise, crue et bien sûr, comme toujours, très documentée (les précisions et références bibliographiques qui suivent le texte en témoignent). Je n'avais jamais rien lu, dans une fiction, d'aussi précis sur Drancy: c'est effroyable, évidemment, mais l'auteur fait aussi oeuvre de mémoire, et c'est salutaire. Je ne lis pas les témoignages, documents et autres ouvrages d'historiens, la fiction me permet en revanche d'avoir les idées en place sur cette période terrible. Par les temps qui courent, c'est une bonne chose. Je repensais à ce que dit Dominique Manotti, historienne et romancière : qui lit encore les historiens du XIXè siècle? plus grand-monde. Mais on lit encore les romanciers de l'époque. La fiction a cette puissance. 
Et l'on retrouve dans ce troisième volume l'horreur bureaucratique de la Collaboration, l'abjection policière, médicale (les médecins qui "repèrent" des juifs...), mais aussi ordinaire, avec cette passion française pour la délation. Rien n'est épargné au lecteur, surtout pas les scènes de torture dans les bureaux de la police française. Il y a plus, avec ce nazi qui évoque les camps d'extermination et les chambres à gaz, les fours crématoires. C'est insoutenable, c'est à lire absolument. 
Sadorski, dans son abjection, reste tristement humain, avec ses contradictions, ses appétits, ses élans fugitifs (et toujours intéressés) d'humanité.
Il y a des scènes déchirantes dans ce troisième volume, qui concernent les deux femmes que Sadorski veut "sauver". Je ne peux en dire plus mais Slocombe rend palpable l'horreur de la guerre (le bombardement sur l'hippodrome) et de la déportation (le convoi à Drancy). 
Je comprends que Slocombe en finisse avec cette série : éprouvante à lire, elle doit être ô combien terrible à écrire. Mais c'est l'une des oeuvres les plus fortes que j'aie lues sur l'Occupation. Certes on est loin d'un feel-good book, mais vous et moi, on ne lit pas seulement pour se faire du bien, n'est-ce pas? 

Romain Slocombe, Sadorski et l'ange du péché, Robert Laffont (La bête noire), 2018. 

2 commentaires:

Zorglub a dit…

Ce n'est pas le dernier épisode, Slocombe est en train d'écrire le 4e volet :
https://www.milieuhostile.net/polar-historique-linspecteur-sadorski-de-romain-slocombe/#more-2199

Electra a dit…

je ne savais pas que c'était une trilogie et j'avais du mal à me lancer avec le premier au côté de cet homme abject. J'ai tellement lu sur cette époque ! du coup, lu en 2019 ou terminé en 2020 ?