dimanche 26 janvier 2020

Les Aigles endormis de Danü Danquigny


Présentation éditeur
Dans l’Albanie d’Enver Hoxha, l’un des régimes communistes les plus durs du bloc de l’Est, Arben grandit entouré de sa bande de copains et de ses parents profs. Son avenir semble tout tracé. Mais avec la chute du régime et l’avènement du libéralisme s’ouvre une période de chaos politique et de déliquescence morale qui emportent tout sur leur passage et transforment le jeune idéaliste en malfrat endurci. 
Pour tenter d’échapper à la spirale de la violence et protéger les siens, Arben n’a qu’une solution : fuir avant qu’il ne soit trop tard.


Ce que j'en pense
L'Albanie : voilà un pays dont je ne connaissais rien ou pas grand-chose, et même pas que s'y exerça une tutelle autoritaire parmi les plus rudes et les plus durables. Les Aigles endormis m'a appris bien des choses, et ce n'est pas la moindre de ses qualités : enseigner sans pesanteur, par des personnages singuliers, des destins incarnés. Voilà encore un pays passé sans transition du communisme autoritaire au libéralisme incontrôlé, et les points de vue s'affrontent d'ailleurs dans le roman : de l'interdiction de penser par soi-même à l'impossibilité de vivre dignement dans un pays vendu au capitalisme sauvage, que préférer? Le roman peint une violence politique et sociale inouïe, qui écrase les individus et les contraint à partir pour tenter d'offrir une vie meilleure et plus  digne aux enfants. Danü Danquigny tire profit avec une grande habileté des codes du roman noir pour peindre un portait très sombre d'une nation écrasée, y mêlant des trajectoires criminelles redoutables. A travers le point de vue d'Arben, revenu au pays pour une vengeance qui le mettra en paix avec lui-même, nous comprenons l'horreur de la dictature d'Enver Hoxha et nous allons droit dans le mur avec le choix (est-ce un choix?) de la dérive mafieuse née du chaos qui a suivi la chute du tyran. La vengeance sera l'occasion d'une mise au point et d'une prise de conscience terribles. 
La structure est classique : un récit de vengeance avec deux niveaux temporels (hier, aujourd'hui), qui permettent de tirer le bilan de l'évolution d'un pays et de son peuple, rien de neuf, me direz-vous. Mais d'une part, quand c'est bien mené, pourquoi bouder son plaisir? Et Danü Danquigny mène très bien son affaire, jusqu'à la dernière page. Il est difficile de lâcher ce roman, court, économe, dénué de surcharge, de pathos et d'effet de manche. D'autre part, le classicisme est au service d'un propos politique fort, dénué de tout manichéisme. Bref, Danü Danquigny est une voix à suivre, et en lisant Les Aigles endormis, vous passerez un excellent moment tout en apprenant des choses. Que demander de plus? 

Danü Danquigny, Les aigles endormis, Gallimard Série Noire, 2020.

1 commentaire:

Electra a dit…

tu es le deuxième avis que je lis et tout aussi enthousiaste. J'ai vu un reportage sur les premiers touristes français en Albanie. Pas encore d'accueil vraiment organisé mais ça ne saurait tarder car leurs plages sont encore sauvages..