mercredi 20 mars 2019
Prémices de la chute de Frédéric Paulin
Présentation éditeur
Janvier 1996. Dans la banlieue de Roubaix, deux malfrats tirent sur des policiers lors d’un contrôle routier. Qui sont ces types qui arrosent les flics à la Kalachnikov ? Un journaliste local, Réif Arno, affirme qu’ils ont fait leurs armes en ex-Yougoslavie dans la brigade El Moudjahidin. À la DST, le commandant Laureline Fell s’intéresse de près à ces Ch’tis qui se réclament du djihad et elle a un atout secret : Tedj Benlazar est à Sarajevo pour la DGSE, d’où il lui fait parvenir des informations troublantes sur la Brigade et ses liens avec Al-Qaïda. Cette organisation et son chef, Ben Laden, ne sont encore que de vagues échos sur les radars des services secrets occidentaux, mais Benlazar a l’intuition que le chaos viendra de là-bas, des montagnes d’Afghanistan…
Ce que j'en pense
J'avais dit tout le bien que je pensais de La guerre est une ruse, premier opus de ce qui est prévu comme une trilogie. Prémices de la chute confirme l'immense talent de Frédéric Paulin. Je l'ai "bouffé" en deux jours, avec le même effet addictif que pour le premier. On rentre très facilement dans Prémices de la chute, l'immersion est immédiate. Pour autant, je crois qu'un lecteur qui n'aurait pas lu La guerre est une ruse pourrait lire Prémices de la chute sans difficulté : Frédéric Paulin a l'intelligence de donner les éléments nécessaires (sans pesanteur) et il construit un roman qui peut se suffire à lui-même, si vous me passez l'expression. Pour autant, ce serait dommage, car Prémices de la chute est bien le second volet de la mise en place d'une stratégie de la terreur, qui a sa propre logique. Le premier roman s'était terminé sur le début de l'exportation de la terreur, celui-ci en montre l'expansion mondiale.
C'est une fois encore d'une intelligence rare, à la fois dans le décryptage des mécanismes géopolitiques et dans la perception plus subjective, ou plus humaine, de ces phénomènes. L'auteur nous montre les ramifications du mal, en allant chercher du côté du conflit en Bosnie des facteurs d'aggravation du chaos. J'ai beaucoup aimé le passage de Réif dans le fief de Al-Qaida, parce que Frédéric Paulin y évite tous les pièges, tous les mauvais procédés.
Et quelle maestria ! La construction est impeccable, le rythme saisissant, et l'on s'attache aux pas de chaque personnage, tout en voyant arriver la tragédie. Comprenez-moi bien : ce n'est pas un simple page-turner. L'immersion et l'envie de ne plus lâcher le roman ne viennent pas seulement d'une maîtrise de la tension narrative, elles sont également liées à la puissance émotionnelle du roman. Les personnages de Frédéric Paulin, de quelque côté qu'ils soient, ne sont pas simplement les acteurs ou les témoins (ou les victimes) de l'Histoire, ils sont des êtres empêtrés dans leur propre petite histoire, qui font des choix, parfois terribles, et cela nous questionne en tant que lecteurs, en tant que citoyens aussi.
Et la fin de ce volume est magistrale de puissance, et sans doute me touche-t-elle particulièrement, parce que le 11 septembre 2001 représente pour moi une rupture majeure dans ma perception du monde et de l'Histoire, pour des raisons qui me sont propres. Là encore, Frédéric Paulin évite tous les écueils, toutes les facilités, et il m'a bouleversée sans effet de pathos. Car oui, "le 11 septembre 2001 semblait pourtant être une journée comme les autres", et elle ne le fut pas.
Frédéric Paulin, Prémices de la chute, Agullo, Agullo noir, 2019. Disponible en numérique.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire