dimanche 3 décembre 2017

Long week-end de Joyce Maynard



Présentation (éditeur)
Cette année 1987, une chaleur caniculaire s'abat sur la côte Est pendant le long week-end de Labor Day. Henry a treize ans, vit avec sa mère, ne supporte pas la nouvelle épouse de son père, aimerait s'améliorer au base-ball et commence à être obsédé par les filles. Jusque-là, rien que de très ordinaire, sauf que sa mère, elle, ne l’est pas. Encore jeune et jolie, Adele vit pratiquement retirée du monde et ne sort qu’en de rares circonstances. La rentrée des classes qui approche la contraint à conduire son fils acheter vêtements et fournitures au centre commercial. Et là, planté devant le présentoir des magazines où il essaye de feuilleter Playboy, Henry se heurte à Frank, ou plutôt Frank s’impose à Henry: Frank, un taulard évadé, condamné pour meurtre…
Pendant quatre jours, le trio va vivre un surprenant huis-clos, chacun se révélant un peu plus au fil des heures. Et, vingt ans plus tard, avec émotion et humour, Henry révélera les secrets de ce long week-end qui lui a appris à grandir…



Ce que j'en pense
Cela faisait bien longtemps que je voulais lire Joyce Maynard, notamment parce qu'Electra, au gré de ses lectures et de ses rencontres avec l'autrice, me donnait envie de découvrir sa plume. J'avais fini par acheter Long week-end, qui est pourtant resté longtemps dans mon stock, attendant son heure. Novembre 2017 a été le bon moment, et dieu quelle découverte! J'ai été emportée par ce roman, bouleversée, et j'en suis ressortie émue et heureuse tout à la fois. Joyce Maynard s'y entend pour poser une atmosphère et rythmer une histoire, et il est bien difficile de lâcher le livre une fois qu'on l'a commencé. Pas un temps mort, et pourtant nulle frénésie dans l'action : il y a dans cette cavale immobile une sorte de torpeur mêlée d'un sentiment d'urgence. Oui je sais, c'est apparemment contradictoire. Il y a cette canicule, que l'on ressent (il ne faisait pas encore très froid quand j'ai lu ce roman!), que l'on éprouve, il y a la quasi-réclusion que s'impose Adele, la mère d'Henry. Il y a la réclusion liée à la présence de Franck. Mais il y a ce sentiment d'urgence, parce qu'on sait bien que la cavale devra prendre fin, on devine que tout se finira mal, et l'on a envie, comme Franck et Adele, de profiter de ces instants, on se prendrait même à croire qu'une fuite est possible. 
C'est un magnifique roman sur l'adolescence et c'est une superbe histoire d'amour. Henry est un personnage bouleversant. Ce jeune garçon de treize ans vit dans une famille que l'on qualifierait de dysfonctionnelle, et il prend soin de sa mère autant qu'elle prend soin de lui. Bizarrement, je n'ai jamais perçu cette relation comme malsaine, parce que le jeune garçon est plus heureux auprès de sa mère que de son père et de sa nouvelle famille. Le roman évoque très bien les tourments de cet adolescent, l'ambivalence de ses sentiments envers le fugitif, dont il sent bien qu'il pourrait lui arracher sa mère et qu'il est une figure masculine très rassurante, aussi bien pour sa mère que pour lui.  
Comme nous voyons Franck par les yeux de Henry, jamais on ne le perçoit comme une réelle menace: c'est plutôt l'extérieur qui est menaçant (le voisinage, le reste de la famille, la société et ses normes). Henry est celui par qui tout arrive, l'intrusion de Franck dans sa vie et celle de sa mère, et tout le reste... Pour le meilleur et pour le pire. En dépit de la tragédie, ce roman est lumineux. Car bien sûr, ces quelques jours marqueront les personnages pour toute la vie, en particulier Henry, et c'est l'un des thèmes du roman : la transmission, l'héritage. Par ailleurs, Long week-end est une histoire d'amour flamboyante, Franck ramène de la vie dans le foyer d'Adele et de Henry, il jette sur Adele un regard que personne n'avait porté depuis des années. Cette passion-là est soudaine et abolit toute notion de danger. Le danger est pourtant là. 
Et j'ai aimé que Joyce Maynard fasse fi de la norme morale et sociale. C'est de la norme que vient le danger, et la romancière déjoue les pièges: la fragile anorexique n'est pas gentille, le fugitif meurtrier est une figure structurante... Comment peut-on avoir foi dans une société qui récompense financièrement la dénonciation? 
J'ai refermé le roman chamboulée et apaisée. Electra me conseille L'homme de la montagne : il est dans ma liste d'achats...

Joyce Maynard, Long week-end (Labor Day), Editions Philippe Rey, 2010. Traduit de  l'anglais (Etats-Unis) par Françoise Adesltain. Publication originale: 2009. Disponible en poche : 10/18. Disponible en ebook.


3 commentaires:

Electra a dit…

Magnifique billet ! Je suis ravie que tu aies commencé par celui-ci. Certains se sont jetés sur sa biographie, or c'est vraiment différent. Elle parle très bien français, si elle pouvait te lire, elle serait très touchée !

Brize a dit…

Quel bonheur de te lire ! J’ai tellement aimé ce roman que je n’ ai depuis pas osé lire à nouveau Joyce Maynard, pas convaincue qu’un autre de ses romans me plairait autant.

Tasha Gennaro a dit…

@Electra: Merci! J'ai adoré, vraiment, et je te remercie car je te dois cette découverte.
@Brize : Merci mille fois, Brize, et je te dirai, car je vais en lire un autre sans tarder. Mais je comprends ce que tu veux dire, celui-ci dégage une telle force, une telle émotion...