mercredi 27 décembre 2017

Dans la forêt de Jean Hegland


Présentation (éditeur)
Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

Ce que j'en pense
Cela faisait un moment que j'avais envie de lire Dans la forêt de Jean Hegland, parce que certains d'entre vous l'avaient chroniqué et aimé, parce que Miss Cornélia avait beaucoup aimé, et puis une amie me l'a offert pour mon anniversaire! Il est arrivé à point nommé, alors que je venais de terminer un roman. Je l'ai lu en deux jours, malgré le travail et la fatigue. Eh oui, ce roman, publié aux USA au milieu des années 1990, est très addictif. Il fallait vraiment toute la force du sommeil pour me faire lâcher le livre. Jean Hegland est d'une efficacité redoutable, car somme toute, dans ce roman (post-)apocalyptique, il n'y a pas d'événement trépidant à longueur de pages. Et pourtant, je ne voulais qu'une chose, savoir ce qui allait arriver, savoir où la romancière m'emmenait. 
La construction est remarquable. Nell est la narratrice, qui reçoit en cadeau un cahier et se met à écrire la chronique de ces jours qui marquent la fin de toutes choses. Le récit de ces jours difficiles est entrecoupé de retours en arrière qui relatent la vie d'avant, quand la vie était "normale". La gradation vers le dénuement, la perte, est très bien orchestrée. 
Je me suis rapidement attachée à Nell et Eva, surtout Nell, je dois dire, mais aussi à leurs parents, notamment au père. Car Dans la forêt est un très beau roman sur l'adolescence, sur le passage à l'âge adulte, sur la famille aussi, sur les liens compliqués qui unissent cette famille qui vit isolée, dans un état de fusion où chacun, pourtant, a sa place propre. Jean Hegland parvient à manier l'émotion sans sombrer dans le pathos, mais je dois dire que Dans la forêt secoue le lecteur. Je suis passée par des tas d'émotions, la peur, car la forêt est à la fois protectrice et menaçante. Je trouve que le roman prend des allures horrifiques, avec les deux soeurs en état de siège, si vulnérables à toutes les menaces, humaines ou non. J'ai également été bouleversée, notamment par la mort du père. Et je suis ressortie de ma lecture avec une angoisse qui m'étreint encore par moments: que ferais-je dans la même situation? Comment survivre? 
C'est l'une des qualités du roman que d'être réaliste. Le roman est post-apocalyptique (ou apocalyptique), dystopique, mais le traitement n'a rien de spectaculaire, et d'ailleurs l'intrigue n'est pas datée: on ne sait à quelle époque précise l'histoire prend place. Le roman est écrit au milieu des années 1990 et évoque des aspects de notre Histoire et de notre société (je parle de l'Occident) qui sont encore d'actualité : l'engagement ruineux des USA dans un conflit armé lointain, l'épuisement des ressources naturelles, la crise économique. Et le cocktail est détonnant, tout déraille, la société sombre étape par étape. Plus de télécommunications, d'internet, bientôt plus d'électricité, plus de services, et ensuite plus de denrées dans le commerce. Le monde sombre dans le chaos. L'approche est ici très américaine, par son aspect survivaliste. Et alors que je ne suis pas sensible au survivalisme, ce roman m'a beaucoup questionnée, angoissée. La fin me fait encore cogiter : refondation ou promesse de la fin? J'ai parfois pensé à ce très beau roman apocalyptique de Karen Walker Thompson, L'âge des miracles, où la jeune héroïne fait l'expérience de la perte, alors que l'apocalypse arrive. L'univers des deux soeurs se rétrécit, spatialement, affectivement, en termes de ressources, jusqu'au dénuement ultime. Ce roman est à la fois terrible, tragique, angoissant, émouvant, et très beau... C'est l'une de mes lectures marquantes de cette année, assurément. 

Jean Hegland, Dans la forêt (Into the Forest), Gallmeister, 2017.Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josette Chicheportiche. Parution originale: 1996. Disponible en ebook. 

3 commentaires:

La Petite Souris a dit…

voilà une bien belle chronique qui donne envie de lire ce roman !! comme toi j'en ai beaucoup entendu parlé en bien, je l'ai même sur ma pile mais je n'ai pas encore eu l'occasion de l'attraper et de le devorer !!! un de ces quatre sans doute vu comme tu m'as mis l'eau à la bouche !! :) j'en profite pour te souhaiter de bonnes fêtes !! :)

Electra a dit…

c'est bien de finir l'année sur une excellente lecture ! bizarrement, ce roman, je suis passée à côté (et Gallmeister?) - sans doute parce que j'ai lu deux autres romans post-apocalyptiques qui m'ont énormément plu et que je n'ai pas osé risquer en lire un troisième.
J'ai adoré mes deux lectures(Station Eleven et Les Buveurs de Lumière) aussi je pense lire celui-ci, plus tard en 2018 quand les autres seront moins prégnants dans mon esprit.

Tasha Gennaro a dit…

@LaPetiteSouris: pour moi il est tombé à pic, je pense qu'il te plaira. Passe de tr!s bonnes fêtes toi aussi!!!
@Electra : je comprends, parfois des lectures risquent d'entrer en collision, mieux vaut attendre! Je suis tentée par Station Eleven, je dois dire... et il est dans mon stock.