Présentation
Le narrateur (dont le nom n’est jamais prononcé) travaille au magasin
d’antiquités qui donne son nom au roman, Barococo, et loge gratuitement au
premier étage, mi-studio, mi-réserve pour la boutique. On ne sait comment il
est arrivé là, mais on sait qu’il repartira tôt ou tard, qu’il n’occupe cet
emploi que provisoirement, comme les autres avant lui. Autour de lui,
l’antiquaire, le propriétaire et ses deux petites filles – deux adolescentes
qui se nomment Asako et Yûko, Mizue, habituée des lieux, sans oublier
Françoise, une Française expatriée au Japon, fan de sumo et d’antiquités.
Chronique du quotidien, le roman nous relate les aspirations des uns et des
autres, entre légèreté et gravité.
Mon avis
Par son sujet, Barococo m’a
fait penser à La brocante Nakano,
roman de Kawakami lu et adoré il y a quelques mois. Dans le peu que je connais
de la littérature japonaise, j’aime ces récits simples, qui brossent la
chronique des jours ordinaires tout en évoquant l’essentiel, le rapport aux
autres, à soi, au passé, à tout ce qui fait la profondeur de l’existence. Il ne
se passe pas grand-chose dans Barococo,
pourtant j’ai tout de suite été emportée par ce récit, par ses drôles de personnages.
Même s’il y a quelques incursions hors de cette rue (le roman se termine à
Paris, c’est dire), on se sent enveloppé dans une bulle hors du monde, sans que
soit édulcoré ce qui fait la difficulté de vivre. J’ai aimé la manière dont
Nagashima met ses personnages en place, dont il les dessine de plus en plus
précisément, par petites touches. L’adolescente un peu superficielle, ou
ordinaire, qu’est Yûko, acquiert rapidement une profondeur inattendue, tout
comme Mizue, que l’on devine engluée dans un mariage dont elle peine à se
défaire, malgré la séparation effective. Quant au narrateur, apparemment
transparent, simple témoin ou réceptacle des confidences et des émotions des
autres, il m’a touchée. Comme Yûko, je me suis prise à imaginer ce qui avait pu
le faire échouer là, ce jeune homme (on l’imagine à peine trentenaire) qui dort
si peu et a le travail en aversion, qui se satisfait de ce logement exigu et
non chauffé, qui semble flotter dans l’existence.
Le roman est découpé en chapitres assez longs et dotés d’un titre qui
leur donne des allures de nouvelles. Il y a une évidente continuité narrative
de l’un à l’autre et il s’agit à n’en pas douter d’un roman, construit comme
tel, mais chaque chapitre révèle un personnage, une facette de tel ou tel, raconte
une histoire pleine de signification, et la clôture ainsi apportée m’a donné
cette impression d’un hybride entre roman et nouvelle.
Je suis d’ailleurs frustrée, je dois le dire, étant incapable de situer
ce roman – comme ceux de Kawakami – dans l’histoire du roman japonais. Il n’est
pas certain que ce soit important, mais je me dis que je passe peut-être à côté
d’un aspect du roman, sa résonance avec l’ensemble de la littérature japonaise.
Sans doute faudra-t-il que je lise un jour un ouvrage sur le sujet. Ça doit
être mon côté intello angoissée qui s’exprime… J’essaie de simplement savourer,
je vous assure.
En tout cas, Barococo a été
une nouvelle promenade au Japon réussie pour moi. A défaut d’aller dans ce pays
qui m’attire et me fascine depuis mes quinze ans, je m’y promène par
l’imaginaire des romanciers (ou des cinéastes), et quand la balade est aussi
belle, ça me fait voyager.
Pour qui ?
Pour ceux qui aiment Kawakami. Pour ceux qui ont envie d’une incursion
au Japon.
Le mot de la fin
Doux.
Yû Nagashima, Barococo (Yûkochan no chikamichi), Editions Philippe Picquier, 2012. Traduit du japonais par Marie Maurin. Lu en Picquier Poche. Publication originale: Shinchosha, 2006.
4 commentaires:
Tu me donnes envie de lire un roman japonais, et celui-ci en particulier... J'avais bien aimé La brocante Nakano.
Je ne connaissais pas cet auteur, à vrai dire. J'ai passé un bon moment. Si tu le lis, tu me diras ce que tu en penses.
La description me tente bien car j'aime bien ce genre de lecture. Quoiqu'en ce moment j'ai plutôt envie d'un peu plus tonique.
Ah c'est sûr que ce n'est pas trépidant! A garder pour un moment où tu auras envie d'un roman lent et doux.
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