Présentation
Ambrose Guise est un écrivain britannique à succès : il écrit une
série de romans policiers dont le héros est Jarvis. Par un été très chaud, il
se rend à Paris pour signer un contrat avec un éditeur japonais. Durant ces
quelques jours, Ambrose Guise, qui s’appelait jadis Jean Dekker et vivait à
Paris, replonge dans son passé, dans une ville peuplée de fantômes. Il revient
sur certains lieux emblématiques de cette époque, se souvient des gens qu’il fréquentait,
des événements qui l’ont conduit à quitter précipitamment la France pour ne
plus y revenir, vingt ans durant…
Mon avis
Ce livre est très particulier pour moi. Je l’ai lu à treize ans,
c’était probablement une de mes premières rencontres avec la littérature dans
ce qu’elle a de plus puissant. J’aimais déjà beaucoup lire alors, mais je pense
que ce roman a joué un rôle essentiel dans mon rapport à la littérature.
C’était bien sûr aussi la première fois que je lisais Modiano. A treize
ans déjà il m’a bouleversée. Le récit de ces errances dans Paris, des soirées
et des nuits qui s’étirent au milieu de gens étranges, ces personnages au passé
et au présent troubles, l’évocation de la chaleur des jours et des nuits, la
nostalgie ambiguë qu’éprouve Ambrose/Jean, le mystère qui s’épaissit, tout m’a transportée
et marquée alors que je n’étais qu’une adolescente. Par la suite, j’ai lu de
nombreux romans de Patrick Modiano, et aujourd’hui encore, j’attends avec
impatience chaque nouveau livre. J’aime énormément Un pedigree (dont j’ai de plus vu et adoré l’excellente
lecture/mise en scène avec Edouard Baer au Théâtre de l’Atelier en 2010, reprise
de 2008), ou bien encore Villa Triste.
Mais je reviens toujours vers Quartier
perdu, que j’ai dû lire une dizaine de fois : à chaque nouvelle
lecture j’ai une petite appréhension (et si j’aimais moins ?), à chaque
nouvelle lecture le charme opère, je suis émue aux larmes et je ne saurais dire
pourquoi. Car il est certain que Modiano est à la fois romanesque (personnages
mystérieux, destins bouleversés) et anti-romanesque. Son écriture n’a rien de
lyrique, elle a quelque chose de distancié, de « blanc » (au sens
d’écriture blanche). Pourtant, son univers est très fort, un mélange de
réalisme dans l’évocation (je pense souvent à Modiano quand je marche dans
Paris) et d’atmosphère quasi-onirique. Ses personnages sont hantés par leur
passé et sont toujours auréolés de mystère : qui sont-ils, d’où
viennent-ils ? Modiano ne nous donne jamais toutes les clés et c’est ce
qui est beau. On a souvent souligné les parentés entre l’œuvre de Patrick
Modiano et le genre du roman noir (qui m’est si cher), et certains, parmi mes
proches, pensent que c’est pour cela que j’aime tant ses romans : je ne
crois pas, car à treize ans je n’avais jamais lu de roman noir. Et si c’était
le contraire ? Et si lire Modiano m’avait amenée, peu à peu, vers le roman
noir ?
Au fond, peu importe : l’univers de Modiano est singulier, et il
fut une époque où je pouvais reconnaître son style. La petite musique de
Modiano, c’est sans doute ce qui me bouleverse le plus, un peu comme April in Portugal permet à Ambrose
Guise/Jean Dekker de replonger dans son passé, de renouer avec ses fantômes.
Je viens de le relire, une fois de plus, et ce n’est certainement pas
la dernière fois…
Pour qui ?
Considérant l’âge auquel je l’ai lu, je dirais : de 13 à 113
ans !
Le mot de la fin
Mon roman préféré.
Patrick Modiano, Quartier perdu, Gallimard, 1985 (disponible en Folio).
6 commentaires:
Eh bien, après un pareil billet, impossible de ne pas lire ce roman !
D'autant plus que, si je n'ai lu que trois romans de Modiano ("La Ronde de nuit" et, bien des années après, "Dans le café de la jeunesse perdue" et "L'horizon"), j'ai été à chaque fois séduite.
J'espère qu'il te plaira autant qu'il m'a plu! Dora Bruder vaut aussi le détour, mais ce n'est pas exactement une fiction. Merci de tes commentaires!
Avec un enthousiasme tel que le tien, difficile de résister à ce roman! Il va vite rejoindre ma PAL...
Désolée... :-))
ça y est, je l'ai lu. J'ai beaucoup aimé toute la première partie, moins le retour en arrière car j'ai trouvé l'atmosphère et les personnages un peu factices.
Une lecture que je ne regrette pas, cependant !
Oh zut! je suis vraiment désolée que tu n'aies pas été convaincue... Bon, au moins il ne t'est pas tombé des mains! Et merci de ton retour sur cette lecture, ça fait plaisir!
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