mardi 14 août 2012

Replay de Ken Grimwood



Présentation
Jeff Winston a 43 ans et une vie décevante lorsqu’il meurt, en pleine conversation téléphonique avec sa femme, d’une crise cardiaque. L’instant d’après, il se réveille, avec la conscience de son âge, mais dans le corps de ses 18 ans et dans sa chambre d’étudiant… Une seconde chance ? Oui, et Jeff entend en profiter pour ne pas répéter ses erreurs, pour ne pas finir coincé dans une carrière minable et dans un mariage raté. Il amasse une jolie petite fortune grâce à des paris et des placements, facile, puisqu’il connaît l’avenir. Puis il atteint 43 ans, et en dépit de ses précautions, il meurt le même jour que la première fois… Ses vies vont s’enchaîner, chacune explorant des aspects différents, jusqu’à la rencontre décisive avec Pamela qui partage son expérience du « replay ».

Mon avis
J’ai été déconcertée par ce roman qui ne correspond pas du tout à ce que j’attendais. Pourtant, ce n’est pas une déception, loin s’en faut.
Cela faisait un moment qu’il était dans ma liste de souhaits, depuis que j’en ai entendu parler à la télé (dans quelle émission et par qui, je n’en ai aucun souvenir….) : il était présenté comme un roman d’une drôlerie irrésistible, la seconde chance offerte au personnage étant l’occasion de vivre mille expériences incongrues, des rencontres amusantes, etc. Ben, comment dire…. Nous n’avons pas lu le même livre !
Avant toute chose, j’ignorais que le « replay » allait se reproduire plusieurs fois. Cela m’a surprise, j’ai même craint vers le tiers du récit l’ennui ; « oui, d’accord, tu prends à chaque fois des chemins différents, Jeff, bla bla bla, j’ai compris le procédé »… Mais la rencontre avec Pamela, ainsi qu’une caractéristique fondamentale du replay et les variations que cela introduit (je n’en dis pas plus) ont relancé le récit, et dès lors, difficile de lâcher le livre !
Surtout, je trouve le roman tragique de bout en bout. Lors du premier « replay », il y a une certaine légèreté, mais tout de même, le héros est bouleversé en voyant ses parents à l’âge qu’il avait lors de sa propre mort, en retrouvant sa sœur à l’âge tendre, en revivant certains émois, en rencontrant des amis dans leur prime jeunesse et loin encore de tous les soucis qui alourdiront terriblement leur vie d’adultes… La légèreté est donc grevée par une mélancolie évidente, et si ce n’est pas très gai, c’est en tout cas très émouvant, parce que cela résonne forcément chez toute personne ayant dépassé trente ans (ou quarante, ou cinquante, etc.). Les expériences suivantes, quelle que soit leur part de bonheur, sont plus douloureuses, de plus en plus lourdes, avec une dimension métaphysique intéressante. Il n’est pas question que de choix personnels, au sens où le héros ne se préoccuperait que de sa petite existence. Jeff Winston a, l’espace d’un instant, la folle illusion que ses choix, ses décisions, vont pouvoir affecter le cours de l’Histoire. Ce sera à un moment le cas, pas forcément pour le meilleur, sans qu’il maîtrise les choses…
Somme toute, Ken Grimwood écrit ici un roman de science-fiction, retrouvant des interrogations sur le temps, sur le rapport du sujet à son histoire et à l’Histoire développées par une partie de la SF.  Aux Etats-Unis, d’ailleurs, le roman a été remarqué par les amateurs du genre. Sans que le roman soit « lourd » ou glauque, il n’a rien (ou pas grand-chose) de drôle, le caractère tragique du replay ne cessant de croître au fil des pages.
Amateur de SF ou non, il est difficile de ne pas être touché par ce roman : le poids de ses vies successives est de plus en plus lourd pour Jeff Winston, même si chaque expérience lui apporte quelque chose. Il lui faut toujours faire l’expérience du deuil, y compris une sorte de deuil inversé puisqu’il sait devoir quitter, à 43 ans, ceux qu’il aime, devoir renoncer à eux ; il lui faut à chaque nouveau retour peser ses choix, essayer d’infléchir le cours de sa vie tout en admettant une relative impuissance.
En conclusion, j’ai été déconcertée, dubitative, et pour finir « accrochée » par ce livre. Quelque classique que puisse sembler l’intrigue aux amateurs de SF, il est bien construit, plutôt bien écrit, et a une force émotionnelle évidente. Replay est un hybride entre science-fiction et roman américain contemporain, c’est à la fois surprenant et bigrement intéressant.

Pour qui ?
Pour les amateurs de voyages dans le temps et pour les passionnés de cette littérature US qui explore la « mid-life crisis » des êtres ordinaires…

Le mot de la fin
Troublant.

Ken Grimwood, Replay (Replay), Points/Seuil, 1998. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise et Guy Casaril. Publication originale: Arbor House Publishing Company, New York, 1986. Première édition française: Seuil, 1988. 

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