mardi 24 août 2021

Des milliers de lunes de Sebastian Barry



Présentation éditeur

Bien qu’il s’agisse d’une histoire à part entière, nous retrouvons Winona Cole, la jeune orpheline indienne lakota du roman Des jours sans fin, et sa vie dans la petite ville de Paris, Tennessee, quelques années après la guerre de Sécession.
Winona grandit au sein d’un foyer peu ordinaire, dans une ferme à l’ouest du Tennessee, élevée par John Cole, son père adoptif, et son compagnon d’armes, Thomas McNulty. Cette drôle de petite famille tente de joindre les deux bouts dans la ferme de Lige Magan avec l’aide de deux esclaves affranchis, Tennyson Bouguereau et sa sœur Rosalee. Ils s’efforcent de garder à distance la brutalité du monde et leurs souvenirs du passé. Mais l’État du Tennessee est toujours déchiré par le cruel héritage de la guerre civile, et quand Winona puis Tennyson sont violemment attaqués par des inconnus, le colonel Purton décide de rassembler la population pour les disperser.


Ce que j'en pense

Avant tout, il y a Des jours sans fin, étonnant roman qui m'avait laissée sonnée d'émotion, et si sa lecture n'est nullement indispensable pour aborder Des milliers de lunes, je ne saurais trop vous conseiller de le lire. Faire la connaissance de John Cole et de Thomas McNulty, c'est rencontrer deux personnages hors du commun et inoubliables. Donc, disais-je, vous pouvez lire directement Des milliers de lunes, et vous y retrouverez ces deux hommes fabuleux quelques années plus tard. La Guerre de Sécession est terminée, mais le Tennessee n'est pas pour autant apaisé. Cette fois, le roman met en lumière Winona, adoptée par John Cole (et Thomas du même coup), que nous avions aperçue fillette dans le précédent opus et que nous trouvons ici à l'aube de l'âge adulte. 

Il y a d'abord un plaisir infini à retrouver les personnages déjà rencontrés, et cette curieuse famille de coeur, John, Thomas, Rosalee et Tennyson, sans oublier Lige et Briscoe. Il y aura aussi Peg, que je vous laisse découvrir. L'amour, la loyauté, le respect unissent ces êtres et c'est déjà une grande émotion. 

Mais il y a ensuite le talent de Barry pour déjouer les attentes, les pièges et les facilités. Rien ne se déroule ici comme dans un mauvais roman, un roman historique tout joli. L'auteur n'a plus à évoquer comme il le faisait dans Des jours sans fin les horreurs de la guerre, mais il continue à livrer le portrait d'une nation née dans la violence : violence envers les esclaves et affranchis, inouïe, et violence envers les natifs, ces peuples améridiens qui, pire encore, n'ont aucun statut, si ce n'est pour être jugés et pendus. Curieuse nation qui se fonde sur un génocide, qui s'octroie le droit d'exercer sa justice sur ces hommes et ces femmes auxquels elle refuse, par ailleurs, tout statut de citoyen. Le récit se déroule, tout en surprises, en bifurcations, et c'est passionnant, une fois encore. 

Ce qui me frappe à la lecture de Sebastian Barry, c'est la grâce infinie de son écriture, qu'il évoque les personnages ou la nature de ce Tennessee majestueux et encore un peu sauvage. Une telle force se dégage de ces pages qu'on referme le livre bouleversé, triste de quitter Winona et les siens, mais heureux aussi d'avoir accédé à tant de beauté. Je suis très admirative de cet auteur, qui livre un grand roman américain alors qu'il n'est pas lui-même issu de cette nation. Il en capture la grâce, les splendeurs et les immenses tragédies, il en montre à la fois la beauté et la violence insoutenable, qui mine d'emblée le contrat social. 

Il n'y a jamais un mot de trop, jamais une faute de goût, jamais un faux pas. Il faut rendre hommage à la traductrice, dont on devine qu'elle a accompli là un travail remarquable et très difficile. 


Sebastian Barry, Des milliers de lunes (A Thousand Moons), Joëlle Losfeld, 2021. Traduit de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux. 

Et disponible en Folio, Des jours sans fin (Days without End), paru en 2018 chez Joëlle Losfeld, également traduit par Laetitia Devaux, désormais disponible en Folio. 




1 commentaire:

Electra a dit…

la couverture est magnifique ! je l'ai lu mais son roman se déroulait en Irlande du coup je suis surprise de le retrouver en Amérique
je vais aller me renseigner du coup

merci