lundi 18 janvier 2021

Une suite d'évènements de Mikhaïl Chevelev



Présentation éditeur

C’est avec une grande surprise que Pavel Volodine, journaliste moscovite, apprend un soir qu’il est attendu sur les lieux d’une prise d’otages, où on le réclame comme médiateur. Un homme retient plus d’une centaine de fi dèles dans une église, et ne veut négocier qu’avec lui.
Pavel reconnaît alors Vadim, qu’il avait fait libérer lors d’une mission bien des années auparavant. Engagé malgré lui dans une périlleuse course contre la montre et un improbable dialogue, il tente de comprendre ce qui a pu le conduire à faire le choix du terrorisme.

Ce que j'en pense

Il y a chez Mikhaïl Chevelev un sens remarquable de l'ironie et une saisie impitoyable des situations, situations qui entremêlent histoires et Histoire, le tout donnant de la Russie et de l'époque un portrait sans complaisance ni fausse pudeur. 

La tragédie naît de la plus grande banalité, et ce que pointe Une suite d'évènements - et c'est à mon sens en cela qu'il est un roman noir - de manière impitoyable, c'est à quel point les corps d'Etat corrompus mènent inexorablement les plus ordinaires des hommes à faire des choix terriblement extraordinaires et désespérés. Vadim n'aspirait sans doute qu'à avoir une vie tranquille, lui qui avait échappé au pire. Mais c'était sans compter sans la corruption endémique de la police, qui ramène la violence, la mort et le sang au coeur de son existence.  Noir, Une suite d'évènements l'est par le traitement de son sujet, l'individu aux prises avec l'Histoire malgré lui, aux prises avec la pourriture ordinaire d'un régime violent, qui croit avoir enfin accès à un peu de paix et qui se retrouve broyé. 

Mikhaïl Chevelev, journaliste d'opposition, signe là un roman au rythme impeccable, et ce court récit se dévore d'une traite, alternant les époques pour nous faire saisir les choses. Son écriture se débarrasse de toutes les facilités, nul pathos, nul lyrisme, rien qui pourrait contrevenir à la vision brute que ce journaliste d'opposition exprime par le biais de la fiction. Et pourtant, ce n'est pas un roman de journaliste, c'est une oeuvre romanesque en diable.

J'ai aimé la façon dont il évoque son personnage de journaliste, Pavel, seul interlocuteur jugé admissible par Vadim devenu preneur d'otages. Car Chevelev ne livre pas de vision romantique des journalistes, pas du tout. Ils ne sont pas héroïques, ils ne sont pas des redresseurs de torts, ils ne comprennent pas mieux que les autres, certains font simplement du mieux qu'ils peuvent, ce sont des témoins, essentiels certes, mais pas des surhommes. 

On peut lire ce roman comme on voudra : comme le portrait de deux hommes, un drame psychologique ; comme un roman noir politique sur la Russie contemporaine ; comme un récit à suspense, pourquoi pas, sur une prise d'otages à l'issue incertaine. 

Mikhaïl Chevelev, Une suite d'évènements, Gallimard, Du monde entier, 2021. Traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs. 



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