lundi 15 juillet 2019

Le dernier thriller norvégien de Luc Chomarat


Présentation éditeur
Delafeuille, l’éditeur parisien, débarque à Copenhague pour y rencontrer le maître du polar nordique, au moment même où la police locale est confrontée à un redoutable serial killer : l’Esquimau. Coïncidence ? A peine installé à l’hôtel avec le dernier roman de l’auteur, Delafeuille découvre que la réalité et la fiction sont curieusement imbriquées… et qu’il pourrait bien être lui-même, sans le savoir, un personnage de thriller nordique.
Tueur fou, flics au bord de la crise de nerfs, meubles Ikéa, livre à tiroirs, tempête de neige, ours polaires, Sherlock Holmes et la petite fille aux allumettes : Luc Chomarat nous livre une épopée littéraire jubilatoire, un tour sur le grand huit où le rire le dispute au vertige.  
  
Ce que j'en pense
J'abordais ce roman avec méfiance : oui, je dois être la seule personne sur la planète à ne pas avoir été follement emballée par Le polar de l'été. Et j'avais lu l'avis de l'ami Jean-Marc Laherrère. Mais l'autre soir, après Robicheaux et sa mélancolie, je voulais changer de ton, si je puis dire. J'ai lu Le dernier thriller norvégien d'une traite et je me suis régalée. C'est vrai, le procédé n'est pas nouveau : métafiction, mise en abyme, appelez ça comme vous voudrez, cela a été fait maintes fois, et parfois avec le talent que l'on sait (Continuité des parcs de Cortazar). Mais bon sang, que c'est bien fichu! 
D'abord, la manière dont Chomarat égratigne le milieu de l'édition est savoureux, avec des débats pas si oiseux sur l'avenir du livre et de la littérature, sur les phénomènes de mode tels que le polar scandinave. Entre éditeurs à l'ancienne et défenseurs d'un objet transmédia, acteurs de maisons traditionnelles ou de grosses structures de l'industrie du divertissement, on se marre, c'est évident et c'est une lecture jouissive. Les écrivains ne sont pas épargnés, l'auteur pas norvégien est assez impayable aussi. Ensuite, j'ai eu l'immense bonheur de trouver mon cher Sherlock débarquer (un peu de la lune, comme ne manquent pas de le noter les personnages) dans les pattes de Delafeuille, et c'est drôlement bien fait. Chomarat joue avec les codes du polar, et ça aussi, c'est un délice. Pour allier les deux aspects (horreur industrielle des best-sellers conçus à la chaîne et codes du polar mis en lumière), il pratique une écriture répétitive, qu'on croirait sortie tout droit d'une brochure touristique ou d'un mauvais livre (les deux se confondent parfois dans des polars régionaux dont je tairai les titres), pour caractériser les Norvégiens ou mieux encore, les Norvégiennes sexy. La métafiction lui permet en outre de s'arrêter juste au point où le pastiche pourrait devenir lourdingue, et de s'en sortir par des pirouettes très fines. 
Du coup, je vais lire L'espion qui venait du livre, où l'on a déjà le personnage de cet éditeur, et un jeu sur les codes de l'espionnage... 

Luc Chomarat, Le dernier thriller norvégien, La Manufacture de livres, 2019. 

2 commentaires:

Electra a dit…

je suis toujours étonnée par les nombreux Français qui écrivent des polars situés ailleurs que chez nous. j'ai tendance à douter et préférer lire des auteurs originaires du coin - mais je m'égare, décidément tu n'as lu que du bon cet été ! mais revenons au sujet, c'est vrai que les polars scandinaves ont envahi nos librairies, mais n'ayant jamais été séduite par les auteurs francophones (tu le sais !) j'ai trouvé rafraichissant de lever le nez un peu et découvrir nos voisins du Grand Nord. Après, je te dirais qu'ils soient américains ou français, les polars finissent parfois par se ressembler, certains auteurs français sont connus pour se répéter .. mais tu es la pro pour trouver ceux qui savent se renouveler

Tasha Gennaro a dit…

Oui je suis d'accord avec toi, c'est étonnant ces polars situés ailleurs : Olivier Truc (qui sait de quoi il parle), Ian Manook, et puis ces thrillers situés aux USA (où les auteurs n'ont parfois jamais mis les pieds)... Mais avec Chomarat, on se marre, et c'est bigrement intelligent. Et pour les répétitions, je suis également d'accord, même si je ne dédaigne pas les plaisirs de la répétition, dans certains cas! J'ai souvent du mal avec les polars scandinaves, mais j'adore Sjöwall et Wahlöö, et j'ai lu avec un certain plaisir les premiers volumes de Millenium (en les prenant pour ce qu'ils sont, de la grande littérature populaire). J'ai beaucoup de mal avec Camilla Lackberg, et Mankell m'a vite lassée...