Présentation
Paco Rivera vient d'être muté à la brigade des
mineurs, dans la ville d'Arkestra. Il vient des stups, où il a vécu des
événements tragiques. Une enquête délicate a conduit son informatrice (et
maîtresse) à la mort. Paco Rivera est un homme à la dérive, accro au sirop
codéiné, hanté par ses fantômes, et ce n'est pas le quotidien de la brigade des
mineurs qui va arranger les choses. Avec sa co-équipière Gina, il se lance aux
trousses d'un mystérieux Photographe qui oeuvre pour le Vatican (qui
n'est pas très catholique) et à la recherche d'une adolescente disparue,
Pauline. La descente aux enfers peut commencer...
Mon avis
Le jour du fléau n’est pas un
roman à mettre entre toutes les mains. Il appartient à la veine la plus sombre
du roman noir, la plus désespérée. La violence y est constante, avec des
passages particulièrement durs. Il y a chez Karim Madani, me semble-t-il, une
parenté avec Antoine Chainas (je pense ici à Versus), mais j’ai aussi
pensé à Jack O’Connell. Son Arkestra m’a en effet rappelé la cité imaginée par
l’Américain, Quinsigamond (si je n’écorche pas le nom). Il est difficile de
dire « j’ai aimé », parce qu’il y a des moments où l’on se
demande : « mais pourquoi est-ce que je m’inflige une lecture aussi
éprouvante ? » Pourtant, j’ai été embarquée dans cet univers, donc je
crois pouvoir dire que j’ai aimé… Moins que Chainas, sans doute, moins que
O’Connell, sûrement. L’écriture de Karim Madani est parfois un peu affectée, un
peu outrée dans la stylisation. L’intrigue est somme toute assez
classique : le parcours de Paco Rivera, le narrateur, est sans surprise.
De perte en perte, il n’est question pour lui que de souffrance, dans une
trajectoire d’expiation dont on sait bien comment elle devra se terminer. Pour
certains, Paco sera un anti-héros : pour moi, c’est plus compliqué que
cela. Bien sûr, il n’est pas un héros positif, une figure d’identification
possible pour le lecteur (encore que, allez savoir…). Mais quoi qu’il fasse, le
héros de Madani a quelque chose d’aimable, de tragique et de
bouleversant ; il ira jusqu’au bout, tel le justicier de la nuit
qu’épinglent certains personnages gangrénés par la corruption et le Mal. Héros,
justicier (de l’inutile, cependant), face au Mal, au mal suprême, et une force
exceptionnelle qui s’avère plus résistante que prévu pour ceux qui s’attachent
à le détruire. Il est certain que Madani ne va pas aussi loin avec son héros
que Chainas avec Nazutti…
Ceci étant dit, le roman ne manque pas de (grandes)
qualités. Karim Madani travaille une langue qui, dans sa stylisation même,
permet de doter l’univers d’Arkestra d’une beauté vénéneuse, et c’est aussi ce
qui rend la lecture supportable. Il a en outre un vrai talent pour planter ses
personnages, avec mention spéciale pour la co-équipière Gina et pour Marcel (et
ses Dragibus). Les dialogues sont percutants, brillants. Il est vrai qu’on ne
respire guère, dans cet univers oppressant, toxique. Mais le rythme est
parfaitement maîtrisé, le roman assez court et découpé en chapitres brefs, la
lecture a quelque chose de dynamique qui permet de supporter les événements
relatés.
Au final, je me dis que Karim Madani, qui n’en est pas à
son coup d’essai, est une plume à suivre. C’est du bon roman noir, vénéneux,
poisseux. Evidemment, il faut être en forme pour lire ça, et aimer ce type
d’univers… Je pense que j’irai voir aussi du côté de ses publications
pour adolescents, j’avais lu une chronique du Journal infirme de Clara
Muller qui m’avait fait envie. En tout cas, vu l’univers du bonhomme, ça
promet…
Pour qui ?
Pour les amateurs de noir, de très très noir...
Âmes sensibles s'abstenir.
Le mot de la fin
Vénéneux
A lire, l’avis de Jean-Marc Laherrère, par
lequel j’avais eu connaissance de ce roman, avant que mon libraire ne me le
recommande.
Karim Madani, Le jour du fléau, Gallimard/Série
Noire, 2011.
6 commentaires:
C'est marrant j'avais bien pensé à Chainas mais pas à O Connell, et pourtant, maintenant que je le lis, la référence me semble évidente !
Ah! contente de partager la référence O'Connell, il n'est pas si connu. Pas lu le dernier paru chez Rivages/thriller, ceci dit. Probablement l'un des auteurs les plus forts, les plus bouleversants que j'ai lus, O'Connell...
Je le note pour plus tard, pas envie de noir très noir en ce moment... Comme tu le soulignes, il faut être dans un état d'esprit adéquat pour lire ce genre de roman.
Je comprends parfaitement : c'est une lecture éprouvante, il y a des moments où je serais incapable d'aller au bout du roman...
J'ai beaucoup aimé Antoine Chainas, et j'avais aimé "dans les limbes" de O'connell (mais c'est le seul titre que j'ai lu de cet auteur).
Je pense que ce roman très noir pourrait me plaire, j'aime de temps en temps avoir des lectures coup de poing.
Dans le genre en ce moment, (très noir et très bon) il y a "Pike" chez Gallmeister. Je recommande !
Oui, Chainas c'était une sacrée découverte aussi. J'ai lu une chronique de Pike chez Laherrère, et le feuilleter en librairie m'a donné très envie : ta recommandation en plus, je sens qu'il ne va pas tarder à rejoindre ma PAL.
Enregistrer un commentaire