Présentation
Londres, dans les premières années du 20ème siècle. Velvet est
une orpheline parmi tant d’autres, jadis maltraitée par un père joueur qui
s’est noyé dans la Tamise. Elle travaille dans une blanchisserie, qu’elle va
bientôt quitter pour entrer au service de Madame Savoya, célèbre médium qui
fait fureur dans une bonne société londonienne férue de spiritisme. Elle
découvre, fascinée, l’univers confortable de sa maîtresse, les attentions du
beau Georges, assistant de Madame, et découvre peu à peu les coulisses du
spiritisme…
Mon avis
C’est la première fois que je lis un roman de Mary Hooper : nombre
d’avis, autour de moi ou sur des blogs, m’avaient tentée pour Waterloo Necropolis, mais c’est
finalement sur le tout récemment paru Velvet
que j’ai jeté mon dévolu, encouragée par l’avis enthousiaste d’une amie. Mon
impression est pourtant mitigée.
J’ai pris un plaisir certain à cette lecture : j’ai plongé dans le
Londres des années 1900, restitué avec un souci d’exactitude et de réalisme qui
rend l’évocation parfois saisissante. J’ai ainsi aimé que l’on peigne le milieu
des blanchisseuses auquel s’arrache, très rapidement, la jeune Velvet. J’ai
adoré croiser mon cher Conan Doyle, qui, en effet, s’était à cette époque-là
entiché de spiritisme (au point de se ridiculiser, d’ailleurs). Mary Hooper
écrit bien et le récit est construit de manière plaisante, on ne s’ennuie
jamais. Enfin, j’ai trouvé le sujet
original : la mode du spiritisme, qui atteint peut-être son apogée au
tournant du siècle, fournissait un beau potentiel romanesque. J’ai beaucoup
aimé les scènes où l’on voit Madame Savoya à l’œuvre, ainsi que les réactions
du public.
Pourtant, j’ai été déçue, au point que je ne sais pas si je lirai un autre
roman de l’auteure. L’action, pour bien construite qu’elle soit, est rapidement
très prévisible et c’est un peu dommage. Je crois que je m’attendais à une
atmosphère plus fantastique (la faute à l’illustration de couverture, en
partie), peut-être avais-je envie de frissonner un peu, je ne sais pas… Mais il
n’en est rien, Mary Hooper non seulement ne travaille pas son intrigue dans
cette direction (et c’est bien son droit !) mais elle ne cherche pas à
inquiéter son lecteur, pas même lors des premières rencontres avec la médium en
pleine action. Nombre de passages, en italiques dans le roman, sont consacrés
aux rencontres « privées », en tête-à-tête, de la médium avec
certains clients fortunés : c’est à cette occasion que le lecteur est
informé, assez rapidement, de la facticité des talents de Madame, tandis que
notre héroïne, Velvet, n’en soupçonne rien encore. Pour moi, c’est là que le
bât blesse, et à double titre. Tout d’abord, nous sommes peu à peu informés de
l’escroquerie, mais suffisamment tôt pour que la suite du roman en devienne
très prévisible. Pour le dire autrement, là où certains auteurs travailleraient
plus longtemps sur l’ambiguïté, Mary Hooper grille un peu tôt ses cartouches,
si vous me passez l’expression.
Mais cela n’est pas le plus important, d’autant que l’on pourrait
m’objecter que le livre s’adresse à de jeunes lecteurs, qui n’ont pas forcément
la même expérience de lecture que moi (comment ça, je me la pète ?! Non,
je signale juste que je suis vieille) et qui abordent l’intrigue avec plus de
fraîcheur… Non, cela m’a gênée pour une autre raison. Le reste du récit est
traité selon le point de vue de Velvet, avec son innocence, son émerveillement,
ses espoirs. Or, ces passages, qui dérogent à cette unité de point de vue, permettent
au lecteur d’en savoir plus que l’héroïne. Par contraste, elle semble bien
crédule, un brin naïve, et pour le dire carrément, un peu niaise. Or, c’est
injuste : c’est simplement une très jeune fille, et elle n’est pas plus sotte
que les clients fortunés, très éduqués et adultes de Madame Savoya. Mais donner
les clés au lecteur crée cette impression d’une héroïne « pas ben
futée »… Cela m’a d’autant plus embêtée au cours de ma lecture que Velvet
se montre également sentimentalement naïve et qu’elle connaît sur ce plan un
revirement final bien peu crédible, en tout cas mal préparé par la romancière
selon moi. Cette remarque m’amène à un autre point : je trouve que Mary
Hooper sous-exploite les personnages secondaires que sont Lizzie et ce pauvre
Charlie, qui se trouve finalement ravalé au rang d’utilité narrative (surtout à
la fin du roman), alors que c’est un personnage intéressant. Là encore,
dommage…
Par conséquent, si j’ai lu le roman avec plaisir, je n’ai à aucun moment
vibré pour l’héroïne, je n’ai pas été embarquée par une fiction que j’ai
trouvée un peu plate. Et je trouve la fin un peu expédiée : je n’en dis
pas plus pour ne pas dévoiler davantage l’intrigue, mais le dénouement est
rapide, à la fois parce que la tension dramatique se résorbe en deux pages là
où un peu de suspense n’aurait pas fait de mal, et parce que les réponses sont
à mon sens bâclées. Par exemple, quid du père de Velvet ? voilà un fil
narratif bien négligé, expédié en une réplique dans les dernières pages. Et les
méchants ? Hop ! envolés, et voilà tout.
Qu’on me comprenne bien : Velvet
reste à mon sens une littérature de jeunesse de grande qualité, le roman n’a
rien d’une bluette pseudo-historique exaspérante (je ne citerai personne, allez
voir du côté de chez Deuzenn pour un récent exemple…), l’ensemble reste
hautement recommandable. Mais les choix narratifs de l’auteure me laissent un
peu perplexes et font que Velvet
n’est pas tout à fait à la hauteur de mes espérances.
En conclusion
Du roman historique de bonne tenue mais une construction et un personnage
un peu décevants… Ce n’est que mon avis, évidemment.
Le mot de la fin
Encore un que j’aurais aimé aimer…
Mary Hooper, Velvet (Velvet), Editions des Grandes Personnes,
2012. Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Fanny Ladd et Patricia Duez.
Publication originale : Bloomsbury Publishing, 2011.
2 commentaires:
Franchement, il te faut lire son premier roman: La messagère de l'au-delà qui reste le meilleur à mon humble avis...je te rejoins sur certains points, notamment en ce qui concerne Charly, maltraité et récupéré fort mal à la fin.Mais je reste sous le charme des descriptions anglaises...
Tu as tout à fait raison sur le charme des descriptions. J'avais retiré La messagère de l'au-delà de ma liste de souhaits après ma lecture de Velvet... Hop! je l'y remets!
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