Présentation éditeur
1951. Il est un peu plus de quinze heures quand l’inspecteur Michel pose son vélo et entre dans une silencieuse ferme de la Drôme : un couple de retraités y a été assassiné quelques semaines plus tôt. La scène de crime est implacable : les époux Delhomme ont été tués au fusil de chasse. Et Juliette, leur fille de onze ans, s’est volatilisée.
L’inspecteur enquête et questionne : pourquoi assassiner ces paysans sans histoire ? La fillette a-t-elle été enlevée par un mystérieux rôdeur qui connaissait cette ferme isolée ?
De Crest à Grenoble, de Pigalle au Havre, et jusqu’aux couloirs d’Auschwitz, l’homme de loi devra affronter les silences entêtés des uns, la soif de rédemption des autres. Et surtout les tourments d’une guerre dont plus personne ne veut parler.
Ce que j'en pense
François Médéline poursuit son exploration de la Seconde Guerre mondiale et de ses conséquences. Les larmes du Reich commence comme un polar, avec double meurtre et disparition d'une enfant, enquête. Mais on sent très vite qu'il y a quelque chose de pas net dans cet enquêteur à bicyclette, et que ça va dérailler. La quête de cet homme est d'autant plus difficile qu'à l'orée des années 1950, plus personne ne veut entendre parler de cette sale guerre.
François Médéline subvertit les codes du polar, à sa manière, et l'enquête de l'inspecteur Michel révèle bientôt des plaies à vif, sur une période où rien n'était simple. L'enquêteur mène ses investigations dans une terre de taiseux, et lui-même a des choses à cacher. La force de l'auteur est de brouiller les cartes : là où on nous sert habituellement de gentils n'enfants, de doux agneaux enlevés par de grands méchants loups, la gamine disparue a le regard méchant ; là où le roman national nous sert la jolie fable d'un pays pacifié prêt à croquer la prospérité des Trente glorieuses, ce roman noir nous montre un territoire encore pétri de rancoeurs et miné de sales secrets, voire de haine (la religieuse, terrible). François Médéline gratte où ça fait mal, et contribue à rendre visibles des éléments qui ont été passés sous silence pendant très longtemps et qui ne sont guère évoqués par les livres d'histoire. Pour ma part, je ne connaissais pas l'existence des Sonderbauten, de leur fonctionnement en tout cas. Et le roman donne à voir aussi la complexité des conséquences du sauvetage d'enfants juifs, de la difficulté pour leurs familles rescapées à les récupérer. Le roman noir est une entreprise de remédiation, et Rachel mérite bien cela. Pas question d'enjoliver sa trajectoire, ce qu'elle est, et c'est très bien comme ça, elle est digne de notre respect. Michel est lui aussi complexe et passionnant, inutile d'en dire plus ici, mais on referme le livre troublé, croyez-moi.
Et puis il y a la force de l'écriture de Médéline, encore une fois. Ce roman d'action se lit d'une traite : son écriture nerveuse, souvent behaviouriste, la rapidité des chapitres, la tension de la construction. La scène de dénouement, avant la "Rétrospection" est remarquable, saisissante, dépourvue de toute putasserie et de toute facilité. "Rétrospection" redonne la parole à celle qui n'est qu'une ombre depuis le début du roman et nous donne les clés pour comprendre. C'est l'Histoire saisie par une histoire individuelle toute simple. C'est dénué de pathos et pourtant c'est à pleurer.
François Médéline, Les larmes du Reich, 10/18, 2022.
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