lundi 4 octobre 2021

Amour électrique de Denis Soula



Présentation éditeur

L’une apaise, soigne et guérit parfois des corps abîmés. Les gens l’imaginent sorcière ou héroïne, charlatane ou combattante du feu. Elle ne fait que poser ses mains sur leur corps pour essayer d’extirper un peu de douleur. L’autre est une lycéenne éprise d’un camarade de classe qui vit sa première passion.
Un cataclysme et l’état d’exception qui s’ensuit les réunissent dans une petite ville de France. Aidées par une patronne de bar, un militaire baroudeur et un docteur philosophe, elles luttent ensemble contre le mal et vivent dans l’urgence deux amours impératifs et électriques.
Des figures empreintes de fêlures mais libres, des aventurières d’aujourd’hui, au souffle émouvant et indomptable.

Ce que j'en pense

Il n'y a pas un mot de trop dans ce court roman de Denis Soula, et quand on le referme, on a le sentiment que tout est à sa place. Depuis quelques années, le récit apocalyptique - aussi bien que post-apocalyptique - est sur le devant de la scène, et ce n'est pas ce que nous vivons depuis un an et demi qui va inverser la tendance. Ici Denis Soula s'empare des peurs liées au nucléaire : dans ce territoire de province, un réacteur de la centrale a explosé, conduisant les autorités à mettre sous cloche l'ensemble des habitants. Ce qui intéresse Denis Soula, c'est l'onde de choc du cataclysme sur les êtres, jeunes et moins jeunes. Il y a cette jeune fille à l'aube de ses amours, face au corps vivant mais inerte de Léo, son premier "fiancé". Il y a cette guérisseuse qui vogue seule mais va connaître un nouvel et ultime éblouissement amoureux avec le beau militaires aux mains couturées de cicatrices. Il y a la femme de l'hôtel, qui tisse une belle complicité avec la guérisseuse. Il y a le docteur, celui qui n'hésite à faire appel aux forces occultes de la guérisseuse pour soulager les derniers jours de celle qu'il aime, et qui écrit des poèmes pour faire face à l'insoutenable. Tous sont des êtres qui font face, qui tiennent face à la mort et à la souffrance, qui mettent de la beauté dans l'urgence. Alors que l'univers en est bien différent, j'ai songé à La Jetée de Chris Marker, pour la poésie de l'écriture, pour la beauté des visions suggérées, même dans la souffrance, pour ces voix narratives que j'entendais, que Denis Soula me donnait à entendre. Denis Soula est une voix singulière, et sans doute certains contesteront-ils ma manière d'annexer ses romans à la sphère du noir, mais pourtant, Amour électrique relève à mes yeux du roman noir : il jette des êtres fragiles dans une situation hors-norme qui les dépasse et les condamne à la souffrance et à la mort, et il nous les montre, en train de se débattre, passant de la révolte au dépassement. J'ai refermé le roman saisie par tant de grâce, de beauté, le coeur serré par la tragédie de ses trajectoires de vie saccagées par l'hubris des hommes, ces fous qui ont cru maîtriser l'atome et la nature. 

Denis Soula, Amour électrique, Joëlle Losfeld Editions, 2021.

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