Présentation de l'éditeur
Le corps d’une blonde est repêché dans le fleuve. Overdose, apparemment. Si l’on n’avait pas identifié l’épouse de l’inspecteur Joe Ricordi, personne ne se serait attardé sur l’incident. Maria avait quitté le domicile conjugal trois ans plus tôt. Aujourd’hui, apprenant qu’elle fréquentait des truands, Joe veut savoir. Et ce qu’il découvre perturbe l’organisation criminelle prospère du Boss de Cicero, l’homme qui règne sur la ville depuis le début de la Prohibition, et dont le modèle n’est autre qu’Al Capone.
Ce que j'en pense
Ce roman signe deux fins : la fin de l'époque du gangstérisme lié à la Prohibition et de la gabegie boursière (le krach de 1929 n'est plus loin) ; la fin de vie de William Riley Burnett, qui livre là son chant du cygne. Pourtant, il n'y a rien de crépusculaire dans ce roman, rien de rien. On voit plutôt un monde criminel en pleine mutation, et en regard, des poursuites qui changent elles aussi. C'est par la fiscalité qu'on fera tomber ces bandes du crime organisé (et les forces de police corrompues) mais en attendant, ce petit monde s'entretue avec ferveur. Burnett jette évidemment un regard rétrospectif sur tout cela et son analyse en est facilitée, mais comme le souligne Benoît Tadié dans la préface, ce n'est pas un roman vintage, rétro, c'est un roman de 1928, qui a conservé intacte l'énergie des débuts du genre, des débuts du roman de gangster inauguré par Little Caesar. Et Burnett ne verse jamais dans le discours analytique ou didactique, justement, il utilise toujours cette écriture behaviouriste: toute sa force est là.
C'est donc un monde sur le point de vaciller que nous dépeint Burnett: le monde des gangsters mais aussi la bourgeoisie d'affaires qui s'est monstrueusement enrichie grâce à la spéculation boursière et qui pense que cela va continuer indéfiniment. Comme toujours, Burnett croque aussi bien des silhouettes (la soirée d'adieu de Bones, par exemple) que des situations, tout en proposant une galerie de personnages complexes et passionnants. J'ai une tendresse particulière pour Johnny (Giovanni) et Gina, magnifique personnage féminin. Johnny le balourd, aux manières rudes, a cependant une vraie tendresse et une vraie loyauté. L'évocation du quartier italien est superbe et assez déchirante. Bones, l'avocat fiscaliste véreux, à la solde des patrons du crime, est le personnage par qui on saisit les changements. C'est un beau personnage aussi, parce que l'on entrevoit les pièges dans lesquels il est tombé, sa relation à sa fortunée famille, ses ambiguïtés. Helga est aussi une silhouette fantomatique, une femme fatale à sa manière, puisque c'est par elle que tout bascule.
Mais le personnage qui selon moi empêche le roman d'être crépusculaire, c'est Joe. Joe revient peu à peu à la vie, et Johnny et Gina n'y sont pas pour rien. C'est un magnifique personnage, qui se libère peu à peu de ce qui l'avait figé.
Enfin, comme Little Caesar, Good-Bye, Chicago 1928 se dévore, Burnett a gardé son sens du rythme narratif, pas une once de gras dans ce roman, rien à retrancher, rien à rajouter. Et ça aussi, ça fait du bien.
William R. Burnett, Good-Bye, Chicago 1928 - Fin d'une époque (1981), Gallimard Série Noire, 2020. Traduit de l'anglais (USA) par Rosine Fitzgerald (révisé par Marie-Caroline Aubert). Préface de Benoît Tadié.
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