Présentation
Mudwoman s’ouvre sur un chapitre saisissant, qui prend place dans les années
1960, dans un coin perdu des Etats-Unis : la tentative d’infanticide
commise par la mère de Mudgirl, laissée pour morte, à demi-noyée. A l’orée des
années 2000, nous retrouvons la fillette, devenue une adulte brillante, au
sommet de sa carrière, présidente d’une université de l’Ivy League. Le roman
alternera les chapitres consacrés au passé et ceux dédiés au présent de M.R.
Neukirchen. Les uns éclairent les autres, bien entendu.
Mon avis
Mudwoman n’est pas un roman immédiatement aimable. Du moins m’a-t-il fallu un
peu de temps pour y entrer pleinement. C’est que l’évocation de la prime enfance
de Mudgirl, tout comme le quotidien de Mudwoman à la tête de l’université, ont
quelque chose d’aride. Je me suis accrochée, parce que l’écriture de Joyce
Carol Oates a d’emblée une force peu commune. Bien m’en a pris. Peu à peu, je
me suis laissée emporter, envoûter, jusqu’à avoir hâte de retourner à ma
lecture, jusqu’à avoir du mal à m’en extirper.
J’ai aimé suivre la trajectoire hors norme de la fillette puis de
l’adolescente, ramenée à la vie de manière étonnante par un simple d’esprit,
protégée par le Roi des corbeaux. Il y a du conte dans cette vie extirpée des
ténèbres, ténèbres où vit sa propre mère, illuminée mystique et infanticide.
De ce passé, M.R. Neukirchen a presque tout oublié, elle n’est plus
Jenina-Jewell, ni Mudgirl, elle est Meredith Ruth, hissée vers la lumière par
des parents adoptifs aimants, quakers, par une éducation d’excellence. Jusqu’au
jour où, en déplacement pour prononcer un discours dans le cadre de ses
fonctions, elle sort de la route : métaphoriquement, en disparaissant
pendant plusieurs heures, littéralement, en sortant de la route avec sa voiture
de location, ramenée au tréfonds de l’Amérique. Tout dérape alors dans la vie
de la présidente, et cela n’en donne que plus de force à la peinture sans
concession de ces universités prestigieuses, de leurs règles de gouvernance, du
machisme, du conservatisme qui les animent et auxquels se heurte Meredith. La
femme accomplie va peu à peu retourner à Mudwoman.
Pourquoi ce titre ? Nulle trace de superhéros, mais tout de même
un jeu avec certains codes des récits super-héroïques, dans la trajectoire de
l’héroïne, dans les titres aux allures de comic-books.
Pour qui ?
Pour ceux qui aiment les récits de vie hors norme.
Le mot de la fin
Envoûtant.
Joyce Carol Oates, Mudwoman (Mudwoman), Philippe Rey, 2013. Traduit
de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban. Publication originale : 2012.
4 commentaires:
Peu vu sur les blogs, celui là. Un roman de JCO que j'ai réussi à terminer (mais que son écriture m'agace!)
C'est n'est pas une auteure pour moi, je passe ..
Ca à l'air terrible comme histoire. Qu'a-t-il de si particulier le style de l'auteur ?
Oui, l'histoire est terrible et il y a des passages un peu durs, mais la fin est curieusement apaisée. je dis curieusement car Joyce Carol Oates n'est pas franchement versée dans le happy end. Quant au style, Keisha précisera peut-être; je pense que le côté très subjectif, introspectif, allié à un ton de conte dans certaines parties du roman, peut sembler "a bit too much" à certains lecteurs. Moi j'ai vraiment beaucoup aimé celui-ci, mais je ne connais pas si bien l'auteur. Nous ne percevons la réalité que par Mudwoman et c'est parfois déstabilisant et même trompeur, et du coup, je trouve ça parfaitement réussi!
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