Présentation (extrait de
la quatrième de couverture)
Ordo, la trentaine,
quartier-maître de la marine de guerre américaine, mène une vie sans histoires.
Un seul souvenir de jeunesse, à moitié oublié : jadis, amoureux d'une jeune
fille de seize ans - lui en avait vingt -, il l'a enlevée, épousée. Quelques
semaines plus tard, la mère retrouvait la fille et faisait annuler ce mariage
sans autorisation d'une mineure.
Mon avis
Nous connaissons généralement Donald Westlake pour la série des
Dortmunder ; personnellement, j’ai le bonheur de ne pas en avoir lu
beaucoup à ce jour, ce qui fait qu’il me reste bien du plaisir en perspective.
Nous le connaissons aussi pour Le
Couperet, qui a connu un regain d’intérêt au moment de l’adaptation (très
intéressante) de Costa-Gavras. C’était du pur roman noir, loin de la veine
drôlatique des Dortmunder. Ordo se
situe encore ailleurs : c’est un court roman, certains diraient une
novella, qui se situe hors polar, tout en épousant certains contours du noir
comme je l’aime, sombre, déchirant : François Guérif le qualifie de
« rêverie », terme que je trouve assez juste.
Il y a chez Westlake une capacité extraordinaire à nous restituer en
quelques lignes, en quelques pages, une époque, un milieu. Une course en taxi
et je suis à Los Angeles, cité de tous les fantasmes, de tous les rêves de
célébrité, un voyage en avion et je suis une star, je vais tourner dans mon
prochain succès. Il a aussi ce talent pour faire exister des personnages, leur
donner une humanité folle. L’ensemble ne fait qu’une centaine de pages, il faut
donc un sacré talent, une redoutable précision pour faire surgir des individus
sans y passer des dizaines de pages : et ils existent, tous, aussi bien le
narrateur Ordo Tupikos que Dawn Devayne, mais également tous ces personnages
dits secondaires mais qui donnent chair au récit, Dennis, Rod, le chauffeur de
Byron…
On ne peut être que bouleversé lorsqu’on referme le livre, extrêmement
fort, posant mine de rien des questions essentielles à travers Ordo et
Dawn/Estelle : qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ?
Changeons-nous ? Pouvons-nous tout recommencer et à quel prix ? Pourquoi
et comment devenons-nous, parfois, quelqu’un d’autre ? Ce que nous étions
a-t-il disparu ? Aux interrogations du narrateur se superposent celles du
lecteur, et les bribes de réponse sont douloureuses. Le récit est superbe,
poignant (sans un brin de pathos), saisissant. C’est difficile de retranscrire
ici l’émotion ressentie à la lecture : lisez-le !
Le mot de la fin
Du court mais du lourd.
Lu aussi une nouvelle de Westlake offerte par Rivages et mon libraire, C’est ça la mort : dans un autre
registre, noir et fantastique (uniquement pour les besoins de la narration), un
récit saisissant, fort, à sa manière terrifiant…
Donald Westlake, Ordo (Ordo), Rivages/Noir, 1995. Traduit de
l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Patrick Manchette. Le roman a originellement
été publié en France par Futuropolis en 1986. Publication originale :
1986.
Donald Westlake, C’est ça la
mort… (This is death), Rivages/Noir
(édition hors commerce), 2013. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre
Bondil. Publication originale : 1978.
6 commentaires:
Comme beaucoup de personnes j'imagine, je ne connais Westlake que par le couperet de Dortumunder ! Tu me donnes sacrément envie de découvrir celui ci !
Je te le recommande! Tu avais aimé Le couperet?
Ah, la vache ! Le dernier paragraphe-de-la-mort-qui-tue !
En bon français, tu donnes exactement le genre d'arguments qui peuvent m'amener vers une lecture !
Seul gros HIC : mon premier contact avec l'auteur n'a pas (du tout) été une réussite (http://brize.vefblog.net/5.html#Le_contrat_Donald_WESTLAKE)...
:-)
Bon, je n'ai pas lu Le contrat donc je ne saurais me prononcer. Cependant, Ordo me semble assez atypique dans l'oeuvre de Westlake. A trouver en bibliothèque, peut-être?
Oui, il y est, je viens de vérifier.
Donc je tenterai !
Tu me diras?
Enregistrer un commentaire