Présentation (éditeur)
Paris, 1870. Une série de
meurtres sauvages semble obéir à une logique implacable et mystérieuse qui
stupéfie la police, fort dépourvue face à ces crimes d'un genre nouveau. Le
meurtrier, lui, se veut " artiste " : il fait de la poésie concrète,
il rend hommage à celui qu'il considère comme le plus grand écrivain du XIXe
siècle, Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, dont il prétend promouvoir le
génie méconnu. Dans le labyrinthe d'une ville grouillante de vie et de misère,
entre l'espoir de lendemains meilleurs et la violence d'un régime à bout de
souffle, un ouvrier révolutionnaire, un inspecteur de la sûreté, et deux femmes
que la vie n'a pas épargnées vont croiser la trajectoire démente de l'assassin.
Nul ne sortira indemne de cette redoutable rencontre.
Mon avis
Difficile d’avoir un avis tranché pour moi. Je perçois les qualités de
ce roman et par bien des aspects il m’a plu. Je vais donc commencer par ce qui
m’a laissée sur le bord de la route. Une fois de plus, c’est le rythme. Je ne
doute pas que ce soit en large part subjectif puisque c’est un problème
récurrent pour moi ces derniers temps. J’ai trouvé que par moments, le récit
prenait un peu trop son temps. Par conséquent, ne le cachons pas, j’ai eu un
peu de mal à aller jusqu’au bout.
Ceci mis à part, je reconnais l’intérêt de ce roman. Il illustre une
tendance qui me semble assez récente dans le roman noir : une dimension
historique qui se passe de tout ancrage dans le présent mais qui reste loin des
codes du récit d’énigme historique. Le fait est que Hervé Le Corre reconstitue
avec brio le Paris de l’époque, qu’il s’agisse d’un Paris ouvrier qui mène tout
droit à la Commune, d’un Paris plus bohême ou des méandres de la police et de
la justice, à la solde des possédants, obsédés par le péril ouvrier. Les
personnages incarnent leur époque avec une force incroyable, et l’auteur s’y
entend pour restituer des atmosphères en distillant un propos typique du
noir : la grande peur de cette société bourgeoise est incarnée par
l’ouvrier, révolté en puissance, contestataire à mater absolument. La scène
d’ouverture est à ce titre éloquente : Etienne tombe sur un cadavre et
donne l’alerte, mais c’est lui qui se trouve malmené, quasiment suspecté.
Evidemment, j’ai également été sensible à la peinture qui est faite de la
condition féminine : les personnages de femmes sont forts et touchants, ce
n’est pas si souvent qu’on trouve une telle évocation de la prostitution.
Enfin, j’ai aimé le côté feuilleton, ou plutôt roman populaire de L’homme aux lèvres de saphir, les allusions
et références à une époque envahie par les récits de crime, par les faits
divers notamment – l’affaire Troppmann.
Reste que quelque chose (le rythme, donc) m’a empêchée d’être
complètement emportée. Il faut dire que j’avais lu, à sa sortie, Les cœurs déchiquetés, du même Hervé Le
Corre, qui m’avait bouleversée et qui est pour moi un très grand roman noir.
Pour moi (et ce n’est que mon avis), L’homme
aux lèvres de saphir reste en dessous.
Pour qui ?
Pour les amateurs de roman noir historique.
Le mot de la fin
A lire.
Hervé Le Corre, L'homme aux lèvres de saphir, Rivages/Noir, 2004.
6 commentaires:
Je note tes réserves. Ce livre est dans ma LAL depuis des lustres, je pense qu'il va en sortir un jour, surtout vu ce que tu écris sur la reconstitution historique.
Je note aussi l'autre titre de l'auteur.
Mince alors ...
Pour moi c'est celui-ci le grand livre d'Hervé le Corre, même si j'ai beaucoup aimé Les cœurs ...
Et je mettrais un bémol à ce que tu dis sur l'ancrage dans notre époque. Certes, il n'y a a pas de lien direct avec le présent, mais ce n'est sans doute pas un hasard si Hervé écrivait ce roman, où l'on voit la peur et la haine du pouvoir envers le peuple au moment même où on parlait de Sauvageons pour les jeunes de banlieue qu'un autre voulait passer au karcher ...
Parfois, c'est en parlant du passé qu'on parle le mieux du présent. Comme Lehane qui nous parle, aujourd'hui, de l'époque de la crise des années 30 où on jetait les ouvriers à la rue par tombereaux ...
Je ne connais pas du tout mais je ne dirais pas non à un polar historique. Je note plutôt Les Coeurs déchiquetés vu que ta préférence va à celui-ci.
Ah mais je ne dis pas que ce roman a été publié n'importe quand et ne fait pas sens par rapport à notre époque! Je voulais simplement souligner que l'histoire racontée n'a aucun ancrage dans notre époque (tout se passe dans la période qui mène à la Commune, si je simplifie), contrairement à beaucoup de romans noirs qui fouillent des époques sombres en partant du présent (souvent on se ballade entre deux époques). Pour le reste, bien d'accord ! prendre le passé pour parler du présent, évidemment.
Je ne sais pas ce qu'il en aurait été si j'avais lu ce roman à sa sortie, donc avant Les coeurs déchiquetés.
@ Shelbylee : comme je l'ai dit, c'est un peu moins qu'une réserve; je pense que c'est lié à moi en ce moment, j'ai besoin de romans plus rapides (ou plus courts). Le roman n'est pas du tout ennuyeux!
@ Deuzenn: je serais curieuse de savoir ce que tu en penses. Pour le coup, L'homme aux lèvres de saphir et Les coeurs déchiquetés sont très différents.
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