Présentation
Un couple se marie dans le sud de la France, au comble du bonheur. Au
petit matin, le marié s’est volatilisé avec toutes ses affaires. L’épouse
délaissée va tenter de comprendre ce qui s’est passé : peu à peu les
fantômes errants d’une guerre qui ne disait pas son nom surgissent.
Mon avis
J’ai trouvé ce roman un peu par hasard, au gré de mes pérégrinations
bruxelloises de ces derniers jours. Je connaissais Maïté Bernard pour son Ava préfère les fantômes, mais s’il est
ici question de Fantômes aussi, ils
sont d’un genre bien différent.
Il n’est pas si rare que le roman noir français se tourne vers le
passé, avec pour point d’ancrage le présent, et les périodes
« préférées » des romanciers sont l’Occupation et la guerre
d’Algérie. Concernant cette dernière, il est difficile de faire aussi fort que
Didier Daeninckx et son Meurtres pour
mémoire, qui éclipse parfois d’autres romans, très forts aussi. Quoi qu’il
en soit, Maïté Bernard ne me semble pas avoir le même but que Daeninckx, qui
faisait réellement œuvre de mémoire en portant à l’attention du grand public
des faits que l’Etat français et l’Histoire officielle auraient préféré taire.
Cependant, comme d’autres polareux qui ont travaillé sur ces périodes troubles
où tous les protagonistes ont intérêt à garder des secrets, elle nous montre
une guerre qui ne dit pas son nom, des acteurs qui s’opposent mais dont la
trajectoire aurait pu être différente, des salauds qui ne sont pas si éloignés
des « héros », des faits troublants. Les retournements même de
l’intrigue sont au service de ce regard sur l’Histoire : les choses, les
faits, les gens ne sont pas toujours ce qu’ils semblaient être de prime abord,
et les certitudes des uns et des autres vacillent, parce qu’il n’est rien de
plus complexe que le cours de l’Histoire, parce que les choix que l’on fait dans
ces circonstances sont toujours douloureux et difficiles, parce que les idées –
et les idéaux – ne résistent pas toujours à l’épreuve des faits.
J’avoue ne pas avoir été convaincue par la totalité du roman, par le
caractère quelque peu rocambolesque et précipité des événements qui se
déroulent à l’époque contemporaine, mais cela n’a pas suffi à gâcher mon
plaisir. Le début du roman est particulièrement réussi, Maïté Bernard parvient
à instaurer d’emblée une tension narrative très forte. J’aime aussi son
écriture, à la fois nerveuse et légère. Cela tient sans doute beaucoup à son
héroïne, jeune femme d’une sensualité redoutable et soudainement fragilisée par
la perte qu’elle subit et qu’elle ne comprend pas. Le point de vue est
résolument féminin : le roman a été publié à une époque où la Série Noire,
sous la houlette de Patrick Raynal, s’ouvrait aux femmes, ce qui nous a valu
quelques belles découvertes.
Bref, j’ai aimé Fantômes,
court roman qui se dévore d’une traite.
Pour qui ?
Pour les amateurs de romans noirs qui fouillent les sales dessous de
l’Histoire.
Maïté Bernard, Fantômes,
Gallimard/Série Noire, 2002.
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