Présentation (quatrième de
couverture)
Que vient chercher à
Saint-Domingue cette jeune avocate new-yorkaise après tant d'années
d'absence ? Les questions qu'Urania Cabral doit poser à son père mourant
nous projettent dans le labyrinthe de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo,
au moment charnière de l'attentat qui lui coûta la vie en 1961. Dans des pages
inoubliables - et qui comptent parmi les plus justes que l'auteur nous ait
offertes -, le roman met en scène le destin d'un peuple soumis à la terreur et
l'héroïsme de quatre jeunes conjurés qui tentent l'impossible : le
tyrannicide. Leur geste, longuement mûri, prend peu à peu tout son sens à
mesure que nous découvrons les coulisses du pouvoir : la vie
quotidienne d'un homme hanté par un rêve obscur et dont l'ambition la plus
profonde est de faire de son pays le miroir fidèle de sa folie. Jamais, depuis Conversation à « La Cathédrale », Mario
Vargas Llosa n'avait poussé si loin la radiographie d'une société de corruption
et de turpitude. Son portrait de la dictature de Trujillo, gravé comme une
eau-forte, apparaît, au-delà des contingences dominicaines, comme celui de
toutes les tyrannies - ou, comme il aime à le dire, de toutes les «satrapies».
Exemplaire à plus d'un titre, passionnant de surcroît, La fête au Bouc est sans conteste l'une des œuvres maîtresses du
grand romancier péruvien.
Mon avis
Voilà un sacré roman, dont j’ai eu du mal à venir à bout tout en ayant
beaucoup aimé. J’ai mis du temps à lire les presque six cents pages de La fête au Bouc.
Qu’est-ce qui a rendu ma lecture plus difficile (outre le fait que je me ramollis intellectuellement) ?
1° Ma méconnaissance des événements historiques relatés. J’ai
d’ailleurs interrompu à plusieurs reprises ma lecture pour chercher des
informations sur les protagonistes et événements qui sont au premier plan dans
le récit ou qui sont mentionnés en arrière-plan. Disons que les
personnages ne m’étaient pas immédiatement familiers, et cela rendait ma
compréhension moins facile. Je sais que certains ont reproché à Vargas Llosa
son didactisme, et il est vrai que le roman fourmille de
précisions, d’explications. En dépit de cela j’ai eu besoin d’infos
complémentaires, c’est vous dire si ce didactisme est nécessaire.
2° Le côté foisonnant du récit. Je n’avais pas lu Vargas Llosa depuis
fort longtemps, mais j’avais gardé (à tort ou à raison ?) l’image d’un
univers fourmillant de personnages. C’est le cas ici aussi, et comme par
ailleurs je ne connaissais pas toujours les acteurs historiques évoqués, j’ai
eu un peu de mal à m’y retrouver.
3° Le rythme un peu lent de la première moitié. Il faut bien sûr du
temps pour mettre tous les éléments en place, et le rythme est
maîtrisé : c’est moi qui suis en cause ici, pas l’auteur. Vargas Llosa prend
le temps d’expliquer au lecteur les tenants et les aboutissants, parce que
l’Histoire est d’une folle complexité. S’ajoutent à cela la multiplicité des
personnages, acteurs de premier plan ou non, et l’entrelacement des trois
récits, l’attentat qui vise Trujillo (et la longue attente qui est l’occasion
de parler de chacun des protagonistes), Trujillo et son entourage, Urania
enfin, à l’époque contemporaine, avec des incursions dans le passé. Mais comme
c’est un gros livre et que j'étais un peu fatiguée lorsque je pouvais enfin
plonger dans ma lecture, je me suis parfois sentie découragée, je
m’impatientais un peu.
Pourtant, il ne m’est pas venu à l’esprit d’abandonner cette lecture. La fête au Bouc est un grand livre.
1° (c’est un billet hyper structuré, vous avez vu ?) J’ai
justement découvert un pan de l’Histoire que je ne connaissais pas, et le
didactisme de l’auteur est efficace ; j’ai appris des tas de choses, et
même si ce n’est pas la motivation première de mes lectures, c’était très
intéressant. Je suis un peu moins ignorante après avoir lu La fête au Bouc, c’est toujours ça de pris.
2° Si la première moitié m’a semblé un peu lente, la seconde m’a
scotchée à mon livre, il y a un effet de crescendo très maîtrisé, très
efficace, et l’alternance entre les trois récits ne fait qu’ajouter à la
tension. La fête au Bouc, au final,
me semble merveilleusement construit.
3° Si Mario Vargas Llosa est sans ambiguïté, condamnant la dictature de
Trujillo, il brosse un portrait de l’ère trujilliste tout en subtilité, dénué
de manichéisme, exempt de simplification. A travers Trujillo et ses alliés, du
tortionnaire sadique au serviteur politique dévoué et patriote, ce sont
différentes facettes du pouvoir que nous explorons, ce sont des esprits parfois
complexes dans leur abomination. C’est dérangeant, évidemment, comme le sont
certaines scènes insoutenables (de torture, ou la scène avec Urania
adolescente).
4° L’ensemble est très documenté, et pourtant Vargas Llosa œuvre en
romancier, à tel point qu’il est difficile de savoir ce qui relève de son
imagination ou des faits vérifiés (je pense justement à l’épisode avec Urania).
Peu importe. La grande réussite, à mes yeux, tient à ce que Vargas Llosa
parvient à nous montrer l’entrelacement de l’individuel et du collectif (du
national), de l’intime et de l’Histoire. Telle est la puissance du romancier.
Pour qui ?
Âmes sensibles s’abstenir : La
fête au Bouc est un roman exigeant et souvent dur. La période de la
répression qui suit l’attentat contre Trujillo est d’une violence insoutenable
(et parfaitement conforme à la réalité, je n’en doute pas).
Le mot de la fin
Grand.
Mario Vargas Llosa, La fête au
Bouc (La fiesta del Chivo),
Gallimard/Folio, 2004. Traduit de l’espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan.
Publication originale : 2000 (ed. Alfaguara). Traduit en français en 2002
(Gallimard). Lu en e-book.
2 commentaires:
Un auteur que je n'ai pas encore lu. Ton billet donne envie, vu que 1) mes connaissances sur Trujillo sont très très minces et 2) j'aime ce genre de livre touffu et complexe, mais je zieute déjà Le rêve du Celte de cet auteur, donc on verra pour la suite...
Pas lu Le rêve du Celte, tu me diras!
Enregistrer un commentaire