Présentation éditeur
À bientôt quarante-quatre ans, récemment marié et promu commissaire à Holon, Avraham est las d’enquêter sur des crimes domestiques dont la résolution ne rend service à personne. Il rêve de missions plus importantes. Aussi le jour où deux affaires se présentent simultanément délègue-t-il la plus banale — un nouveau-né découvert dans un sac plastique à proximité de l’hôpital — à une collaboratrice. C’est la disparition d’un touriste signalée par le directeur d’un hôtel du front de mer qui retient son attention. L’homme, détenteur d’un passeport suisse, a également un passeport israélien mais aussi d’autres identités. Quand on le retrouve noyé sur la plage, l’implication du Mossad commence à se profiler. Tout porte Avraham à croire qu’il tient enfin sa « grande » enquête. En réalité c’est un terrible cas de conscience qui l’attend.
Ce que j'en pense
C'est avec plaisir que j'ai retrouvé Avraham, notre "simple enquêteur". Deux enquêtes vont peu à peu s'entremêler (sans que les faits soient corrélés) dans ce polar à la construction impeccable, qui se dévore. Mine de rien, Dror Mishani porte un regard aigu sur la société israélienne, à travers l'histoire de Liora et Danielle d'abord, sur ce rapport compliqué à la religion, à l'identité, au regard d'autrui, et à travers l'histoire de Raphaël, sur les ambiguïtés d'une nation et de ses services secrets. Ce serait suffisant pour faire de ce polar de Dror Mishani un roman sacrément passionnant, mais Avraham est évidemment l'atout majeur. Lorsqu'Un simple enquêteur commence, nous le trouvons en plein doute quant à son métier, à son utilité sociale et morale, durement éprouvé par la mort d'Ilana. Veut-il se contenter de rester à ce poste, dont il dit au début du roman qu'il ne permet nullement de servir la justice, de résoudre des situations, bien au contraire? Et d'emblée cela m'a empoignée, émue, bouleversée.
Tout au long du roman, nous retrouvons les qualités d'Avraham : sa ténacité, son intuition et son intelligence, son humanité surtout. Le roman palpite de la présence d'autres auteurs, d'autres personnages, en particulier Maigret, une référence pour notre enquêteur. Il a ces moments de contemplation et de retrait en lui-même, face à la mer, face à la Seine - une partie du roman se déroule à Paris. Le fil rouge du roman, que ce soit dans la réflexion engagée par Avraham sur lui-même ou dans les deux enquêtes, c'est l'EMUNA du titre original (אֱמוּנָה), difficile à traduire, qui signifie vérité, fidélité, probité. De tout cela il est question ici : des vérités difficiles à établir, des fidélités confrontées à des trahisons, et la probité, mise à l'épreuve constamment.
Alors oui, Avraham est un simple enquêteur, qui va rester au rez-de-chaussée (lisez, vous comprendrez) par EMUNA, parce que c'est là qu'on aperçoit la seule chose qui vaille : l'humanité.
Dror Mishani, Un simple enquêteur (EMUNA), Gallimard, Série Noire, 2023. Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz.
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