Présentation éditeur
Bobby, 14 ans, s’amuse à lancer des cailloux sur des voitures. L’un d’eux touche une conductrice qui perd le contrôle de son véhicule et meurt dans l’accident. Elle avait 18 ans et était la fille de Jack, un redresseur de torts mandaté par les gens modestes de son quartier pour intimider les escrocs et autres sales types. Quelques années plus tard, Jack s’inscrit à un atelier d’écriture dans l’espoir d’exorciser sa douleur et noue avec la jeune femme qui l’anime, Lily, une relation quasi filiale. Mais il se trouve que le hasard des familles recomposées fait d’elle l’ex-belle-soeur d’un Bobby qui n’a rien perdu de sa capacité à s’attirer des ennuis.
Ce que j'en pense
Un roman de William Boyle est toujours un cadeau, la promesse d'une virée aux Etats-Unis, pas ceux du rêve américain, ceux d'une chanson de Springsteen, d'un film de Jarmusch. Eteindre la lune tient toutes ces promesses, offrant un mélange unique de noirceur et d'humanité. Je me suis d'abord demandé où l'auteur m'emmenait, avec cette multiplicité de personnages, mais j'acceptais de toute façon de me laisser porter. J'ai ri pendant les séances d'atelier d'écriture de Lily, j'ai haussé les sourcils devant Max, le pathétique et répugnant Max et ses moustaches de lait, j'ai été immédiatement attachée à Jack, malgré sa face sombre. Il incarne l'amour paternel dans tout ce qu'il a de plus beau, et tant pis si cela suppose des côtés inquiétants.
Une fois de plus, William Boyle ne se contente pas de dresser le portrait d'une certaine Amérique, saisissant mieux que quiconque ce quartier de Brooklyn, ses habitants déclassés. Il construit de superbes personnages, en particulier les personnages féminins : ici il s'attache à des jeunes filles, jeunes femmes, sur lesquelles plane l'ombre douce d'Amelia. Elles ne sont pas encore fracassées par l'existence, et en dépit des épreuves qu'elles traversent ou ont déjà traversées, elles représentent l'avenir, l'espoir. Quand les hommes du roman semblent se complaire dans des existences étriquées, ou des combines minables, si ce n'est une masculinité toxique, elles rêvent, créent, se battent.
Cependant, la chose la plus frappante, me semble-t-il, est le chagrin qui traverse tout le roman. Le chagrin de Jack, le sentiment de perte, le vide qui se fait autour des personnages. William Boyle s'y entend comme personne pour nous tordre le coeur. Et l'on referme le roman en n'ayant aucune envie de quitter la maison de Jack.
William Boyle, Eteindre la lune (Shoot the Moonlight Out), Gallmeister, 2023. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Simon Baril.
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