Présentation de l'éditeur
À Riverford, petite ville durement frappée par la crise économique, la population se noie dans l’ennui, l’alcool et la drogue. Quentin Davoll, vieille gloire du basket, est assassiné. Fils unique de l’homme le plus puissant de la ville, il était haï de tous pour ses activités de banquier - et parce qu’il était une brute raciste. Frank Yama, le flic chargé de l’enquête, a été l’une de ses victimes au lycée. Avec le shérif Julius Franco, ils sont le seul Asiatique et le seul Noir du coin, et ne pleurent pas vraiment la mort de Davoll. Mais la liste des suspects est très longue, et Riverford cache pas mal d’histoires sordides et de comptes à solder. Yama n’est pas au bout de ses surprises, et encore moins de ses peines.
Ce que j'en pense
Cela faisait longtemps que j'espérais un nouveau roman de Todd Robinson, et voici Les morts de Riverford, qui ne nous ramène pas Boo et Junior, personnages de ses précédents polars, mais qui introduit Frank et Julius, le premier étant un flic aux origines japonaises (une curiosité à Riverford) et le second un shérif "marron" (presque aussi incongru à ce poste). Le roman est construit en kaléidoscope, les chapitres livrant les points de vue de différents protagonistes, l'ensemble dressant le portrait de l'Amérique telle qu'elle va, c'est-à-dire assez mal.
Riverford est l'une de ces petites villes américaines, à deux heures de Boston, qui tout en offrant des spécificités made in USA, a des points communs avec ces villes moyennes françaises de la diagonale du vide. Abandon des pouvoirs publics, désindustrialisation, augmentation folle du coût de la vie : si vous ajoutez la circulation des armes, le fléau des substances psychotropes, vous obtenez un cocktail mortifère et explosif, le tout sur fond de crétinisation généralisée.
L'originalité du roman de Todd Robinson est de liquider d'emblée deux des plus grosses ordures de la ville : l'un est le magnat local, ou plutôt son héritier, brute épaisse à la carrure de géant, l'autre est un raté violent, qui laisse derrière lui deux rejetons opposés sur bien des points, l'un étant l'incarnation même de la bêtise qui nous vaudra quelques scènes hilarantes.
Car Todd Robinson jette toujours un regard empreint de désespoir et d'humour sur cette triste humanité. Il y a des scènes déchirantes (Albert) et des scènes hilarantes. Il me semble toutefois que le regard de l'auteur est plus sombre que dans les précédents romans, plus désenchanté : c'est aussi, je suppose, que l'Amérique n'est déjà plus la même et qu'il n'y a pas de quoi se réjouir (là-bas comme ici). La misère - économique, culturelle, morale - est mère de la bêtise et de la violence. Alcool, ignorance, impuissance à s'extirper de la misère, tout est prêt pour qu'explose la violence, envers ce qui n'est pas assez blanc, assez "normal" (la norme est dans l'oeil de celui qui regarde, donc tout est relatif), assez fort (testostérone requise).
Joyeusement amoral ou immoral, Les morts de Riverford pourrait s'appeler Les salauds meurent aussi : et on s'en réjouit bien. L'esthétique très "pulp", que je trouve très emblématique de la manière d'écrire de Todd Robinson, fait des merveilles. Et au milieu de ce chaos, il se dégagé malgré tout une humanité qui fait chaud au coeur.
Todd Robinson, Les morts de Riverford (The Dead in Riverford), Gallmeister, 2022. Traduit de l'anglais (USA) par Alexis Nolent.
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