Présentation éditeur
Manchester, début des années 2000. Donna et Carla, filles du sud de la ville, amies depuis l’enfance, dirigent un gang composé exclusivement de femmes. Elles sont parvenues à s’établir malgré les hommes et à se faire une place et un nom dans les coins les plus mal famés. Contrairement aux hommes, Carla, Donna et leurs acolytes restent à l’écart des guerres de clans, font profil bas et prospèrent tranquillement du commerce de drogue vendue dans les toilettes des clubs de la ville dans des atomiseurs à parfum. Mais un jour, Carla est abattue pour avoir séduit la femme d’un membre d’un gang rival. Donna doit alors protéger Aurora, la fille de Carla, dix ans et une langue bien pendue, et ourdir une vengeance contre l’assassin.
Ce que j'en pense
Inculte a décidé de créer sa collection de romans noirs et si l'on entend parler de Sirènes de Laura Pugno (que je vais lire, c'est certain), je trouve que l'on ne voit guère de recensions de ce roman de Jules Grant, qui mérite pourtant d'être découvert. D'abord ce titre, nom de zeus, est d'une beauté incroyable. Et puis c'est un roman noir extraordinaire, tout simplement. On peut lire Nous errons dans la nuit dévorées par le feu comme un roman avec tous les codes du genre : bandes, criminalité, trafic, enlèvements, le tout dans un univers très sombre, dans le Manchester des années 2000, qui n'est pas précisément un parcours de santé. Voilà un roman qu'on ne trouvera pas à l'office du tourisme local, c'est certain. Grise, dure, violente, Manchester est une ville propice aux ambiances noires, pour le meilleur de la littérature. C'est une ville de désespoir, on l'avait vu avec Joy Division ou plus récemment avec Wu Lyf. Via Donna, Jules Grant égratigne la Ville et ses édiles, et il y a des passages bien savoureux sur Manchester "capitale culturelle".
Et puis il y a les personnages, ces filles qui forment une bande criminelle, qui ont en commun leur sexualité et qui n'ont pas peur des hommes, même les plus violents. Le côté girl power du roman est réjouissant de bout en bout, sans que Jules Grant cède à la mode discutable de la nana bad ass qui, je vous l'avoue, me fatigue un tantinet parfois. Ce sont des personnages très forts, jamais idéalisés, et il y a de la castagne, pas toujours propre. Mais il faut dire qu'en face, les mecs sont tellement consternants qu'on ne peut que prendre plaisir à les voir échouer. Donna, Carla et sa fille Aurora sont les trois piliers du récit, et c'est un régal. Ce sont des dures à cuire.
La réussite du roman tient aussi, à mon sens, au mélange des registres. Si Nous errons dans la nuit dévorées par le feu est globalement un roman noir très sombre, comme il se doit, il y a néanmoins beaucoup d'humour, avec des situations navrantes et drôles, des dialogues percutants, et ça participe évidemment à l'immense plaisir de lecture. Ces filles-là, mon vieux, elles sont terribles, et elles s'amusent comme des folles, tout en côtoyant la tragédie. Il y a des bagarres, des poursuites, des joutes verbales. On ne s'ennuie pas une minute et on sort de là en ayant le sentiment d'avoir fait de belles rencontres: avec Donna et les autres, avec Jules Grant aussi.
Jules Grant, Nous errons dans la nuit dévorées par le feu (We Go around in the Night and Are Consumed by Fire) Inculte, 2020. Traduit de l'anglais par Maxime Berrée.
1 commentaire:
en lisant j'hésitais entre Jules prénom féminin anglais et Jules prénom masculin français .. du coup je penchais pour le second, un auteur français. Tout faux. Je le note si je le croise en BM
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