samedi 13 juin 2020

Trouver l'enfant de Rene Denfeld



Présentation éditeur
L’héroïne de ce roman est une détective privée de l’Oregon spécialisée dans la recherche d’enfants disparus, surnommée « La femme qui retrouvait les enfants ». Elle-même rescapée d’un kidnapping, elle a développé une intuition et un instinct de survie hors-norme. On la suit dans ses recherches à travers les patelins et les forêts mystérieuses du Pacific Northwest pour retrouver une fillette disparue depuis trois ans. 

Ce que j'en pense
Acheté à sa sortie, Trouver l'enfant attendait patiemment son tour, et alors qu'un nouveau volume sort chez Rivages, je me suis dit qu'il était peut-être temps. Je crois que jusqu'ici la thématique me faisait peur, non parce que cela réveillerait des angoisses, non non, mais parce que je craignais un traitement façon thriller. Or, pas du tout. 
Naomi est une détective hors normes, qui enquête seulement sur des disparitions d'enfants, fraîchement survenues ou plus anciennes, et dans ce roman, on la voit enquêter sur deux disparitions : l'intrigue principale tourne autour de la disparition, trois ans plus tôt, de la petite Madison, tandis qu'une deuxième enquête, plus tardive dans le roman, l'amène sur la piste d'un bébé disparu plus récemment. Pour les parents de Madison, elle est la dernière chance. 
Je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la lecture donc je n'en dirai pas plus pour me concentrer ici sur ce que j'ai aimé dans ce roman. Il y a d'abord le personnage de Naomi : elle-même survivante d'un kidnapping lorsqu'elle était petite, elle a perdu tout souvenir de ce qui s'est passé avant qu'elle ne s'échappe. L'un des enjeux du roman, et de la série puisque c'est une série, c'est de voir Naomi reconstituer pas à pas ce qui lui est arrivé, et de le suivre dans sa trajectoire de femme. C'est déchirant, et je dois dire que Rene Denfeld construit un personnage tout en nuances, d'une grande complexité. En tant qu'enquêtrice, elle est également fascinante : elle a cette capacité des grands enquêteurs de fiction criminelle à se fondre dans le paysage, dans le milieu dans lequel elle mène son investigation. Elle s'imprègne des atmosphères, elle adopte le mode de vie local. Rien à voir avec ces enquêteurs qui font une entrée fracassante dans un coin paumé et qui bouleversent tout pour arriver à leurs fins, non, Naomi est plus dans la tradition inverse, l'enquêteur qui s'immisce doucement dans une communauté (dans la vieille Europe, songez à Maigret qui s'installe, prend sa tête de province, s'invite chez les gens). 
Et puis j'ai aimé le récit parallèle de l'histoire de la petite Madison : pas de détails horrifiques façon thriller de pacotille, mais une ambiance bien plus glaçante de conte, car nous adoptons alors le point de vue de la fillette, qui tente de s'approprier et de transcender ce qui lui arrive par l'imagination, et son imaginaire est celui des contes. Là encore le récit est d'une grande subtilité, notamment dans la relation de Madison avec le ravisseur. Ce dernier est un ogre, à la fois terrifiant, répugnant et touchant. Ses actes sont aussi abominables que sa propre trajectoire, et le bourreau a d'abord été une victime. Aucune complaisance cependant, ni dans la façon d'écrire les scènes les plus atroces, ni dans la façon d'humaniser ce personnage. 
L'autre enquête est l'occasion d'évoquer plus directement une dimension sociale : une mère pas comme les autres, le racisme qui ici s'exprime à bas bruit, et la mécanique tragique qui s'enclenche. Là aussi, c'est glaçant. 
Trouver l'enfant est un roman qui se dévore, avec une grande efficacité dans le rythme, et une force émotionnelle qui laisse une forte impression une fois le livre refermé. Bien sûr, j'ai acheté La fille aux papillons, tout récemment paru, mais je ne me presse pas, prise entre la hâte de retrouver l'univers singulier de Rene Denfeld et la crainte de ne plus avoir de livre d'elle à lire ensuite avant un bon moment... 

Rene Denfeld, Trouver l'enfant (The Child Finder), Rivages Noir, 2019. Traduit de l'anglais (USA) par Pierre Bondil. Disponible en poche. 


2 commentaires:

Jean-Marc a dit…

Tu peux attaquer le suivant sans crainte. On retrouve Naomi, mais l'ambiance est complètement différente. Pour tout dire, il m'a complètement retourné.

Tasha Gennaro a dit…

Oh la la! Tu me fais très envie : il a rejoint mon stock, donc y a plus qu'à!