mardi 13 février 2018

Scalp de Cyril Herry


Présentation éditeur
 « Même si n’importe quel bout de terre ici-bas appartient toujours à quelqu’un, la forêt reste la forêt : pas celle des hommes, celle des mythes ; celle des rêves et des peurs. On aura toujours peur au fond des bois à la nuit venue, quoi qu’on dise. »Hans a neuf ans. Et sa vie va basculer deux fois en l’espace de soixante-douze heures : la première quand sa mère lui annonce que l’homme auprès de qui il a grandi n’est pas son père. La deuxième quand sa mère décide qu’il est temps pour lui de partir à la rencontre du vrai, de celui qui s'en est allé il y a dix ans, Alex, qui vit maintenant en pleine forêt, loin des hommes, à quelques centaines de kilomètres de là.

Ce que j'en pense
 Je n'arrive pas tout à fait à cerner pourquoi ce roman n'est pas tout à fait un coup de coeur. Peut-être est-ce parce que je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, ni à Teresa ni à Hans. Je crois que j'en savais trop peu sur le lien qui unissait encore (ou pas) Teresa à Alex, sur ce qui animait vraiment sa vie à elle, même si l'auteur nous donne des informations à ce sujet. Mais sans doute cela est-il très subjectif, et n'allez pas penser que je n'ai pas aimé ce roman noir. Parce que cette réserve mise à part, qui n'est pas une réserve d'ailleurs, plutôt un constat sur ma propre incapacité à me laisser toucher, j'ai passé un moment extraordinaire. Cyril Herry a un talent fou pour faire éprouver la forêt au lecteur: et ce n'est pas rien, quand on pense que je ne me sens à mon aise qu'entourée de bitume et des bruits de la ville. Mais justement, pour moi la nature et la forêt sont des espaces très insécurisants. Je m'imaginais comme Teresa, seule avec son fils, et j'avais peur, peur de ce qui peut surgir des arbres. Pas des bêtes, non, mais des hommes, mauvais comme la gale. Car le danger vient évidemment des hommes, de leurs appétits stupides, de leur volonté de s'approprier ce qui n'appartient à personne, de leur stupidité et de leur lâcheté. Loin du regard, au coeur de cette forêt, ils sont capables de tout, et surtout du pire.Si le petit Hans se sent bien dans la forêt (ce qui donne sens aux dernières pages), on sent qu'elle cache des choses lourdes, qu'elle peut tout étouffer, tout avaler. Le danger vient des hommes mais la forêt est un espace effrayant, indompté, sauvage. L'arrivée de Teresa et de Hans en voiture est déjà significative, ce n'est plus un espace pour les hommes : 
Elle n'avait vu ni véhicule ni silhouette humaine postée au bord de l'eau. Pêcheur ou promeneur. Personne. Une rangée de grands hêtres à contre-jour bordait l'étang, penchés au-dessus de l'eau pour y tremper les feuilles de leurs branches les plus basses. Ni tables et bancs de pique-nique en vue, ni corbeille. Rien. Aucun indice humain, à l'exception du râteau du trop-plein tendu à l'extrémité de l'aire, ses barreaux horizontaux et son socle en béton incongrus dans le décor.
L'auteur évoque très bien cela. Et puis il y a Hans et sa relation au père. Le père de substitution, le père choisi (Jean-Loic), le père rêvé et fantomatique.  Dans cette sombre tragédie qui est aussi une histoire de filiation, j'ai pensé à David Vann. La sauvagerie de la nature, la violence qui surgit, sans être atténuée le moins du monde, tout cela est saisissant et très beau. Cyril Herry livre un roman noir dont le social et le politique ne sont pas absents, bien au contraire, mais il atteint à la puissance du mythe par la tragédie qu'il livre, et en cela je le trouve assez singulier dans le paysage du roman noir français. 

Cyril Herry, Scalp, Seuil, 2018. Disponible en ebook. 



2 commentaires:

Electra a dit…

très beau billet ! et j'aime bien ton honnêteté, je te rejoins quand je n'arrive pas à m'attacher aux personnages - un vrai bémol mais sinon tu lui rends un très bel hommage. Je n'en avais absolument pas entendu parler

Tasha Gennaro a dit…

Merci! Il est par ailleurs éditeur et je le connaissais avant tout pour ça. Oui un vrai bémol, en toute subjectivité.